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Billet de blog 22 janvier 2016

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Un "Canard"... laquais ?

Le Canard Enchaîné était jusqu'à peu une référence en matière d'indépendance journalistique, d'impertinence et d'investigations sérieuses. A la lumière de prises de position récentes, qui illustrent un refus total d'accepter les faits et le travail de ses confrères, force est de constater que les louanges appartiennent désormais à un passé révolu...

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Il fut un temps, pas si lointain dans les mémoires, où le célèbre hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné était une référence, une soupape de liberté, de sécurité et d’humour dans un univers fermé tantôt par l’UDR, le RPR et l’UMP. Sa publication était attendue chaque mercredi avec un mélange de plaisir, de soulagement et de curiosité. Certes les échos de la page 2 étaient savoureux, mais c’est surtout les enquêtes sérieuses et les scoops qui maintenaient la réputation d’indépendance et d’investigation. Mais ce temps-là est définitivement révolu semble-t-il.

Il y a eu chronologiquement les sarcasmes à peine voilés sur la remarquable enquête de Fabrice Arfi relative à Jérôme Cahuzac, le ministre chargé de lutter contre la fraude fiscale et qui organisait tranquillement la sienne — Cahuzac a avoué, démissionné mais on n’a pas le souvenir que le volatile ait amorcé quelque marche arrière que ce fût pour montrer enfin un tout petit peu de solidarité confraternelle et surtout de cohérence — ; après ce premier incident journalistique fâcheux, il y eut cet article assassin de Louis-Marie Horeau qui tournait en dérision le magnifique travail de Benoît Collombat, grand reporter à France Inter (Un homme à abattre, Éditions Fayard, 2007) sur ce qu’il faut dorénavant appeler l’assassinat de Robert Boulin — mais pour Le Canard, pas de doute Robert Boulin, visage tuméfié comme celui d’un boxeur qui montrait qu’il avait été passé à tabac et avec des traces de lien sur les poignets qui indiquaient clairement qu’il avait eu les mains liées, s’était « suicidé » dans cinquante centimètres d’eau dans un étang de la forêt de Rambouillet ! ; et voilà maintenant, sous la plume d’Hervé Martin, qu’il faut défendre la pauvre Société Générale et que Kerviel est un escroc !

On reste pantois et sans voix devant tant de mauvaise foi et de partialité. La réaction devant le traitement infligé à Mediapart et à Fabrice Arfi traduisait peut-être de la jalousie d’avoir vu ainsi une enquête importante lui filer sous le bec, mais a posteriori le manque d’élégance confraternelle est proprement consternant. Avec la dérision infligée au travail de Benoît Collombat sur l’affaire Boulin, c’est plus grave encore parce que Le Canard, en l’occurrence, s’est rangé, sans aucun état d’âme et sans aucun battement d’ailes, derrière les explications données par le RPR à l’époque et par le pouvoir en place après la mort de Robert Boulin, pathétique et navrant ! Quant au soutien apporté à la Société Générale, qui, certainement, n’en demandait pas tant et va sans doute abonner  au Canard tous ses cadres compromis dans l’affaire Kerviel, on ne peut qu’être songeur. Avec un tel gavage le pâté de canard risque fort d’être définitivement indigeste, et l’on ne peut s’empêcher de penser aux parents et grands-parents de tous les abonnés de Mediapart qui attendaient fébrilement le mercredi et qui doivent se retourner dans leurs tombes…

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