Les principaux journaux britanniques, dits quality papers, ont mis en « une » avec photo la mise en examen de Sarkozy. Le Guardian semble avoir pris, au mieux, de la distance, au pire, des pincettes en utilisant des guillemets pour dire under investigation for ‘exploiting’ L’Oréal heiress, littéralement soumis à enquête pour avoir exploité l’héritière du groupe L’Oréal. La prudence oratoire du Guardian ne va pas au-delà du sous-titre, qui annonce Former French President could face jail, l’ex-président français risque la prison. L’implication de la rédaction se limite à cela, puisque le Guardian a repris le bulletin de l’agence Reuters. On notera, cependant, le savoureux avant-dernier paragraphe : The Bettencourt affair is not the only cloud on the horizon, l’affaire Bettencourt n’est pas le seul nuage à l’horizon.
http://www.guardian.co.uk/world/2013/mar/22/nicolas-sarkozy-investigation-loreal-heiress
L’Independent est un peu plus hardi dans le choix de ses termes, puisque le titre, avec photo également, indique clairement Nicolas Sarkozy made formal suspect in L’Oréal heiress fraud inquiry, ce qui signifie NS officiellement soupçonné dans l’enquête sur le détournement de fonds aux dépens de l’héritière du groupe L’Oréal. Dans son deuxième paragraphe, John Lichfield, correspondant de l’Independent à Paris, parle de political and judicial bombshell, bombe politique et judiciaire. John Lichfiled enfonce le clou his chances of resuming a political career… appear to be mortally damaged, ses chances de reprendre une carrière politique semblent irrémédiablement anéanties.
Le Times, propriété du groupe News International du tristement célèbre Rupert Murdoch, va plus loin dans la dureté sémantique, Sarkozy charged over exploiting senility of France’s richest woman, Sarkozy accusé d’avoir exploité la sénilité de la plus riche femme de France. Adam Sage, depuis Paris, accable un peu plus l’ex-président, en précisant, à propos de Liliane Bettencourt, au terme de son premier paragraphe, as she succumbed to senile dementia, au moment où elle a sombré dans la démence sénile.
http://www.thetimes.co.uk/tto/news/world/europe/article3720192.ece
Le quotidien ouvertement conservateur The Telegraph titre, apparemment de façon neutre, Nicolas Sarkozy placed under formal investigation, NS mis officiellement en examen. En revanche, le corps de l’article dévoile bien le fond de l’affaire, tel que les enquêtes de Mediapart et de Fabrice Arfi l’ont montré, accepting cash-stuffed brown envelopes from her to illegally fund his 2007 election campaign, ce qui signifie, pour avoir accepté (remarque : pour accepter, il convient qu’il y ait offre, ce qui ne semble pas avoir été le cas en l’occurrence, puisqu’il semble que l’on ait forcé la main de Liliane Bettencourt) des enveloppes en papier kraft bourrées d’espèces de sa (Mme Bettencourt) part pour financer illégalement sa campagne de 2007.
http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/
Quant à la presse américaine, pour qui l’Europe est lointaine et la France encore plus, l’écho est plus étouffé, au sens propre du terme. Ainsi le correspondant du NYT à Paris, Steve Erlanger, se contente, en pages intérieures, d’un très sobre France : Sarkozy face investigation. La précision préalable est savoureuse, France, au cas où les lecteurs du NYT auraient un trou de mémoire. Erlanger évoque dans son article the frailty of Liliane Bettencourt, la fragilité de LB, terme infiniment plus aseptisé que ceux, plus directs utilisés par les quotidiens britanniques.
Si le Boston Globe bloque l’accès aux pages intérieures, sa « une » ne fait aucune mention de la mise en examen de Sarkozy. Il en est de même pour le LAT. Néanmoins le quotidien californien a choisi de mettre en « une » un autre titre qui n'est pas sans rapport avec l'intéressé, Police search home of IMF chief Lagarde, Perquisition de la police au domicile de la directrice du FMI Christine Lagarde, fichtrement intéressant…