Nul ne s’attendait, le 7 mai, à ce que David Cameron, le premier ministre conservateur britannique, se succède à lui-même avec une aussi confortable majorité. C’est la raison pour laquelle les petites phrases, soundbites en anglais dans le langage courant, de la campagne législative et, en particulier celles de Cameron ont été un peu oubliées par tout le monde, à la suite de l’onde de choc de la victoire des Tories. Par tout le monde sauf Nick Robinson, chef du service politique de la BBC, et figure familière des Grands-Bretons les soirs de résultats électoraux sur BBC1 et BBC2. Or Nick Robinson rapporte, aujourd’hui, une menace proférée par Cameron dans le bus de tournée électorale et qui commence à faire grand bruit au sein du royaume, comme en témoignent la réaction du Guardian et du Daily Mail.
Répondant à son ex-vice-premier ministre, Nick Clegg, qui commentait un reportage de la BBC, qui ne lui avait pas plu, en ces termes : rubbish, qu’il n’est sans doute pas nécessaire de traduire, Cameron a lancé fièrement : I’m going to close them down after the election, littéralement « après les élections je vais leur faire fermer la boutique ». Le journaliste Nick Robinson, soucieux d’impartialité, précise qu’il était à l’autre bout du bus et que ces propos lui ont été rapportés par plusieurs de ses confrères de la presse écrite, et qu’il est incapable de dire s’il s’agissait d’une boutade, d’une plaisanterie ou d’un projet politique sérieux. C’est bien évidemment la prudence plus que la clémence qui guide la réflexion de Robinson. Néanmoins il semble difficile de considérer que cette agression verbale est le fruit du hasard ou de la fatigue engendrée par un déplacement de campagne électorale.
En effet, dans quelques semaines vont commencer les débats et négociations sur l’avenir du service public de radio et télévision, et l’état-major de Auntie Beeb, surnom affectueux donné par les britanniques à leur radio préférée, a interprété cette ruade comme une menace d’autant que les Tories ne font plus mystère de revoir entièrement le financement public de la BBC. Parallèlement les attaques contre la BBC fusent régulièrement depuis le camp conservateur, comme celle qu’a lancé le ministre de la culture, Sajid David, député de la circonscription de Bromsgrove dans la Worcestershire, le 29 avril, affirmant que les reportages de la BBC étaient toujours very, very anti-Tory. Le but de toutes ces déclarations intempestives est non seulement d’affaiblir le service public d’information, mais également d’entretenir le féroce appétit médiatique des généreux donateurs du parti conservateur qui ne rêvent que de presse industrielle.