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Billet de blog 23 janvier 2013

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Les étranges choix de Barack Obama

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Photo Doug Mills  / NYT : au centre Chuck Hagel, à droite John Brennan.

Les festivités liées à la prestation officielle de serment de Barack Obama sont terminées. Tout était, comme d’ordinaire, très beau, charmant, — le Guardian a d’ailleurs ironisé sur le cousin d’outre-Atlantique en écrivant en « une » qu’il ne manquait que the Queen’s golden coach — quoiqu’avec moins de ferveur et d’émotion qu’en 2009. Cependant les questions importantes et fondamentales vont émerger sans aucune restriction maintenant, notamment celle qui concerne la composition du gouvernement d’Obama. Si le remplacement d’Hillary Clinton par John Kerry est en train de se faire dans un consensus large et serein (rappel d’un précédent billet), il n’en sera sans doute pas de même pour les choix étranges que le président américain a faits pour remplacer respectivement Leon Panetta à la défense et le peu connu Michael J. Morell à la tête de la CIA.

Pour le poste de secrétaire à la défense Barack Obama a choisi Chuck Hagel, un républicain en rupture de ban, relativement inclassable mais très certainement inattendu pour cette fonction. Obama l’a présenté comme the leader that our troops deserve, le chef que nos troupes méritent. Voilà bien une formulation qu’on aurait aisément extrait des discours types des élus de la IIIème République française, mais qu’on n’attendait pas dans la bouche du président américain. Chuck Hagel a accompli trois mandats comme sénateur républicain du Nebraska. Elu pour la première fois en 1996, il a choisi, en 2008, de ne pas se représenter. Malgré ses douze années passées au sénat, Hagel s’y est fait peu d’amis, hormis paradoxalement Barack Obama, ce qui va rendre son passage devant la commission sénatoriale pour le moins houleux. Chuck Hagel est une sorte de maverick, — éponyme américain du nom de ce propriétaire terrien texan, Samuel Maverick, du début du 19ème qui refusait de marquer son bétail, et par extension toute bête de bétail non marquée était un maverick — en d’autres termes quelqu’un qui refuse de se soumettre à la règle communément acceptée.

Mais cette attitude n’a pas toujours été d’une limpidité extrême et d’une logique absolue. Ainsi il s’était opposé à l’invasion de l’Irak, décidée par George Bush Jr, puis vota ensuite les crédits nécessaires au sénat ! Par ailleurs ses propos intempestifs ne lui ont pas fait que des amis : pendant la présidence de Clinton, il avait commenté la nomination de James Hormel, ambassadeur au Luxembourg, en ces termes too openly, agressively gay, déclaration qui n’a pas augmenté le nombre de ses amis, bien évidemment. D’autant que, quelque temps auparavant, il avait qualifié les milieux conservateurs américains pro-Israël de Jewish lobby. Obama et Hagel ont sympathisé lors d’une mission sénatoriale en Irak et en Afghanistan, en 2008. De plus, Hagel est, comme John Kerry, un ex-vétéran du Vietnam, à croire que cette catégorie d’individus exerce une véritable fascination sur l’actuel président.

Michael Morell ne laissera pas un souvenir impérissable de son passage à la tête de la CIA, mais il avait l’ingrate mission de faire oublier le général David Petraeus qui avait dû démissionner, à la suite de ce qui est communément appelé un scandale sexuel, que la puritaine Amérique produit à intervalles réguliers, histoire de donner un prolongement à la pièce d’Arthur Miller The Crucible, Les Sorcières de Salem. Pour le remplacer Obama a également fait un choix si ce n’est inattendu, du moins déconcertant : John Brennan, issu du sérail. Il a fait toute sa carrière à la CIA. Il était jusqu’à présent conseiller spécial pour les questions de sécurité. Obama l’a présenté en ces termes : John has embedded counterterrorism within a legal framework, he understands we are a nation of laws. Littéralement il a scellé l’antiterrorisme dans un cadre légal, il comprend  que nous sommes une nation de lois. Cette envolée lyrique fait table rase du passé, car, d’une part, haut responsable de la CIA il a approuvé l’usage de la torture, d’autre part, conseiller spécial d’Obama, il a eu, manifestement un gros trou de mémoire sur les promesses du candidat démocrate de 2008 sur Guantanamo.

Face à ces deux choix, qui ne sont pas encore entérinés, on pourrait aimablement considérer que Barack Obama a décidé de s’entourer d’individus à poigne pour rassurer ses adversaires Républicains, puisqu’il ne faut pas oublier qu’il est en situation de cohabitation avec la chambre des représentants, où les membres du Tea Party exercent une influence proche du chantage. On peut aussi se demander raisonnablement quelle mouche a donc piqué Obama pour aller choisir deux faucons, qui ne peuvent que lui obscurcir l’horizon et qui sont aux antipodes des espoirs qu’il a suscités jusqu’à présent. Le NYT a beau tenté de dire que ce sont des lightning rods, entendez par là des paratonnerres, que n’en a-t-il choisi dans son propre parti ? Iris Derœux a fait la démonstration qu’Obama est devenu le président des blancs. On peut poser deux autres questions : est-il devenu le président des riches et le président des hommes ? Dans ce nouveau gouvernement, aucune femme aux postes-clés.

http://nytimes.com/2013/01/08/us/politics/obama-picks-hagel-as-defense-secretary-brennan-for-cia.html?hp

http://www.nytimes.com/2013/01/07/us/obama-expected-to-select-hagel-for-defense-post.html?pagewanted=1&src=un&feedurl=http://json8.nytimes.com/pages/politics/index.jsonp 

http://topics.nytimes.com/top/reference/timestopics/people/h/chuck_hagel/index.html?inline=nyt-per

http://guardian.co.uk/world/2013/jan/07/obama-nomination-hagel-defense-brennan-cia

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