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Billet de blog 23 juin 2008

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Le passé d'un chef de meute anti-Plenel

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Le début de l'été 2008 restera, pour tous les abonnés à Mediapart, un point de repère extrêmement agréable et enrichissant. Commencé le vendredi après-midi 20 juin par une rencontre très intéressante entre les contributeurs du club et la rédaction, il s'est prolongé par la journée portes ouvertes et la fête de la musique le samedi 21 juin. Cependant, une fausse note fort désagréable est venue ternir un peu l'ambiance, vendredi en fin d'après-midi.

En effet, Edwy Plenel était l'invité de la dernière édition 2007/2008 du Grand Journal de Canal +, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a dû faire face, avec beaucoup de dignité et de constance, à un front très peu confraternel et très peu solidaire, composé de sa consoeur Catherine Nay, et de ses confrères Jean-Michel Apathie et surtout Alain Duhamel, qui n'ont eu de cesse de l'interrompre, de le contredire systématiquement. Ali Badou, d'ordinaire si prompt à incarner l'indépendance du journalisme sur les ondes de France-Culture, est resté étrangement indifférent. Quant au présentateur de l'émission, Michel Denisot, il est difficile de déterminer si son sourire permanent et goguenard de lou ravi provençal cachait, en cette occasion, de l'embarras ou de la complicité avec les agresseurs.

Certes on n'attendait pas de miracle de Catherine Nay, dont on sait que sa pratique journalistique a toujours été fondée sur ses choix et ses amitiés politiques de droite. Au moins a-t-elle eu l'honnêteté de dénoncer la collusion actuelle entre vie privée et vie publique du chef de l'état. Jean-Michel Apathie s'est découvert une vocation de détenteur de la vérité et n'hésite pas à brocarder ses propres confrères allègrement. Quant à Alain Duhamel, malgré les envolées de certaines âmes sensibles, l'an dernier, lors de sa suspension par RTL pour soutien affirmé à François Bayrou, il est à l'indépendance du journalisme ce que Sganarelle est au courage et à la franchise.

Du reste l'acharnement de Duhamel contre Edwy Plenel est un hommage du vice à la vertu. C'est aussi, n'en doutons pas, une charge indirecte contre Mediapart, en raison de tout ce qu'Edwy Plenel incarne, indépendance d'esprit, journalisme libre et non inféodé, et symbole d'une volonté nouvelle à travers l'aventure qui a commencé le 2 décembre 2007 et qui, de toute évidence, dérange. En effet, rappelons, pour les abonnés les plus jeunes, que, le soir du 10 mai 1981, place de la Bastille, le nom d'Alain Duhamel et celui de son complice Jean-Pierre Elkabbach furent conspués comme des symboles de soumission au pouvoir politique, en l'occurrence à celui du président Giscard. Pour ce qui concerne le premier nommé, la souplesse de l'échine est antérieure. En effet, en 1971 il était le co-présentateur et le co-animateur d'un débat politique télévisé thématique qui s'appelait A armes égales et qui opposait deux personnalités. Avant le début du débat, chaque invité avait la liberté de présenter, en préliminaire, un film ou un montage qui allait introduire son propos. En ce 13 décembre 1971, Jean Royer, député-maire divers droite de Tours, doit discuter de la liberté des mœurs avec Maurice Clavel, écrivain et journaliste au Nouvel Observateur. Ce dernier s'aperçoit que son film de présentation a été censuré par Alain Duhamel, qui a fait disparaître une phrase dans laquelle Clavel s'interrogeait sur les sentiments du président en exercice, Georges Pompidou, envers la résistance pendant la seconde guerre mondiale.

Alain Duhamel a-t-il censuré de son propre chef ou sous la pression de ses supérieurs ? Le résultat est identique et peu reluisant. On connaît la suite de ce 13 décembre 1971, le refus de Maurice Clavel de continuer à participer à une mascarade et son départ tonitruant après avoir lancé le célèbre "Messieurs les censeurs, bonsoir !". Pour toutes celles et tous ceux qui ont regardé ce débat avorté, ce soir-là, il sera totalement impossible d'oublier le visage d'Alain Duhamel, à cet instant précis, qui ressemblait à s'y méprendre à celui du fayot de la classe qui vient de s'apercevoir que tout le monde sait qu'il a dénoncé un de ses camarades pour plaire au surveillant général. C'est une image rédhibitoire et indélébile pour quelqu'un qui entend incarner l'indépendance d'une profession qu'il a déjà bradée.

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