La soirée du sixième anniversaire de Mediapart, dans les locaux du New Morning, a été non seulement chaleureuse mais aussi riche de musiques variées et superbes, gages d’ouverture, de tolérance et de fraternité. Chaque anniversaire est désormais l’occasion de revoir les visages familiers de la rédaction et du Club aussi, mais, en ce mercredi 19 mars 2014, dans la foule des invités, il y avait un visage à la fois nouveau, par référence aux habitudes, et familier par la grandeur du talent, celui du célèbre réalisateur Costa Gavras, dont la filmographie est longue, riche et superbe.
Aux yeux de l’auteur de ce blog, Costa Gavras incarne et incarnera toujours le chef d’œuvre cinématographique « Z » et le souvenir de l’émouvante projection de ce film, en 1969, dans le cinéma stéphanois de l’Alhambra, devenu aujourd’hui un garage (quelle tristesse !), au terme de laquelle le public de la salle pleine à craquer s’était levé spontanément, en fin de séance, pour applaudir à tout rompre. Un an après l’espoir engendré par la révolte de mai et juin 1968, puis douché, dans l’hexagone, fin juin, par une chambre des députés massivement gaulliste, et, hors des frontières, par l’invasion, le 1er août, de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques, ces applaudissements frénétiques et beaux à en pleurer récompensaient non seulement le brillant réalisateur qu’est Costa Gavras, mais aussi le pouvoir de dire non.
Dans « Z », cette volonté de dire non est incarnée par « le petit juge », brillamment interprété par Jean-Louis Trintignant. Pour les abonnés les plus jeunes « Z » est la magnifique adaptation cinématographique du roman de Vassilis Vassilikos sur l’affaire Lambrakis, député de l’opposition grecque assassiné en 1963, fiche wikipédia ici. Le personnage de Trintignant a été surnommé « le petit juge », en raison des limites de son pouvoir face à ceux de la dictature. Mais son courage et sa volonté en ont fait un symbole, celui de dire non à une pratique de la justice aux mains du pouvoir politique, fasciste en l’occurrence. Et ce « petit juge » va enquêter sur l’assassinat du député, démasquer les différents protagonistes jusqu’au sommet du pouvoir et inculper.
Costa Gavras symbolise donc, par cette magnifique adaptation, la volonté de dire non. Et, depuis sa création, le projet d’abord en décembre 2007 puis la réalité le 16 mars 2008, Mediapart incarne, comme le résume l’ouvrage d’Edwy Plenel, le pouvoir de dire non : non à la connivence médiatico-politique, non au détournement de la République, non au dévoiement de la démocratie, non à l’utilisation du pouvoir à des fins personnelles et claniques, non au mépris de la justice, des citoyens et de leur indépendance. L’existence de Mediapart et la présence de Costa Gavras, lors de ce sixième anniversaire, constituent des raisons de ne pas désespérer, ce qui est utile, en ce lundi 24 mars, où la démocratie, comme c’était (hélas !) prévisible, est en friche et où les nazillons se parent d’apparences démocratiques. Lire l’éloquente conclusion de l’excellent billet de Bernard Gensane : « Les gens pensent que si Briois et son équipe ne font pas l’affaire, ils seront battus aux prochaines élections. Ils oublient qu’avec l’extrême droite ce n’est jamais aussi simple ».