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Billet de blog 25 mars 2013

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La liberté de la presse en danger à la chambre des communes

Lundi 25 mars, la Chambre des Communes doit se prononcer sur le nouveau type de press regulation, qui doit devenir the new royal charter et remplacer la PCC, Press Complaints Commission, organisme indépendant institué en 1990, pour remplacer le Press Council, et dont les membres sont nommés par les groupes de presse. Son but est de permettre à n’importe quel sujet de sa gracieuse majesté d’adresser une plainte relative à un article qui aurait enfreint le code de pratique du PCC.

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Lundi 25 mars, la Chambre des Communes doit se prononcer sur le nouveau type de press regulation, qui doit devenir the new royal charter et remplacer la PCC, Press Complaints Commission, organisme indépendant institué en 1990, pour remplacer le Press Council, et dont les membres sont nommés par les groupes de presse. Son but est de permettre à n’importe quel sujet de sa gracieuse majesté d’adresser une plainte relative à un article qui aurait enfreint le code de pratique du PCC. Si le remplacement du PCC est à l’ordre du jour, c’est, d’une part, parce que le premier ministre conservateur, David Cameron, n’avait d’autre choix s’il voulait se conformer aux conclusions de la commission du juge Leveson, président de la commission d’enquête sur les innombrables infractions à la loi commises par certains journalistes du groupe News Corporation de Rupert Murdoch ; d’autre part parce que Lord Hunt, qui préside le PCC depuis 2011, a fait preuve d’une singulière mansuétude envers ce même groupe, alors qu’il lui appartenait de prendre décisions et sanctions.

L’embarras de Cameron est double. D’abord ce débat parlementaire arrive à un moment où sa popularité est au plus bas. Ensuite il ne saurait, en aucun cas, faire la moindre peine à son ami Rupert Murdoch, dont il est l’obligé, comme le fut Tony Blair, pour la bonne raison que les divers journaux du groupe ont assuré leur élection, en 2010 pour le premier, en 1997 pour le second. Ensuite comme le premier ministre sait compter, il a pris rapidement conscience que ses 304 députés conservateurs ne suffiraient pas face aux 257 députés travaillistes ajoutés aux 57 députés LibDems, l’opposition et l’allié libéral démocrate ayant clairement fait savoir qu’ils ne voteraient pas le projet de loi tel qu’il était prévu. Ce qui s’est passé ensuite est digne d’un vaudeville et ne restaure absolument pas la popularité du premier ministre conservateur. Cameron a tenté de tendre un piège à son vice-premier ministre, Nick Clegg, en l’envoyant négocier au domicile d’Ed Miliband, avec lequel, contre toute attente,  un accord a été trouvé le lundi 18 mars à 2h30 du matin, comme le rapporte le Guardian. Le problème est que cet accord, présumé secret mais que tout le monde connaît désormais, non seulement ne contente personne, mais en plus crée de nouveaux clivages qui font peser une grande incertitude sur le vote qui va avoir lieu aux Communes.

Tout d’abord the rank-and-file, les militants de base du Labour hurlent à la trahison, devant cet arrangement qui fait fi de la liberté de vote des députés. Même son de cloche chez les députés conservateurs et libéraux-démocrates. La presse se trouve divisée d’une manière totalement inattendue, comme l’ont rappelé Jérôme Hourdeaux, dans Mediapart,  et le Guardian du 19 mars. En premier lieu, le groupe de presse qui est l’objet de toutes les critiques, News Corporation, en raison de ses détestables pratiques et dérives qui ont engendré toute l’affaire The News of the World phone hacking, également appelée hackgate ou Rupertgate, en référence au prénom de Murdoch, se permet de faire la fine bouche, puisqu’il n’a pas été sanctionné en tant que groupe, en se demandant s’il va se conformer à la nouvelle règlementation. Rappelons que cette sinistre affaire, qui a conduit au sabordement du News of the World, est fondée sur les écoutes téléphoniques illégales que les publications de Murdoch avaient érigé en institution pour obtenir des scoops de membres de la famille royale, d’acteurs, d’actrices ou pire encore de parents d’enfants assassinés. Au contraire les journaux qui avaient pris position contre ces pratiques et appelé de leurs vœux une auto-régulation plus éthique et plus ferme, tout en s’engageant à la respecter se trouve pris dans un véritable piège pour une raison très simple.

En effet dans la nouvelle moûture, qui a fait l’objet d’un accord en catimini au petit matin, la semaine dernière, le futur organisme qui va remplacer le PCC ne sera plus l’émanation exclusive de la presse et les futurs membres pourront être nommés et non pas cooptés — on notera, incidemment, que le lien de l’actuel président, Lord Hunt, ancien ministre de Margaret Thatcher, avec la presse est la vice-présidence du Holocaust Educational Trust, ce qui laisse songeur, mais, au moins, avait-il été coopté — ce qui signifie que la presse n’aura plus le pouvoir dans un organisme qu’elle est censée diriger. Ainsi, dans le nouveau projet, si un journal publie un article ou un éditorial qui recense les atteintes aux droits de l’homme au Zimbabwe ou en Russie et que Robert Mugabe et Vladimir Putin ne sont pas contents de ces publications, ils pourront envoyer leur ambassadeur respectif auprès du nouvel organisme et les journaux incriminés n’auront d’autre solution que de présenter leurs excuses ! Le chancelier de l’échiquier, George Osborne, qui a, pourtant, d’autres chats à fouetter pour l’heure avec son nouveau budget, est très remonté contre le projet : Press regulation achieved in a way that divides the political parties is not a press regulation that is really going to last, ce qui signifie la régulation de la presse menée d’une manière qui divise les partis politiques n’est pas une régulation de la presse qui va vraiment durer.

Un autre point ne manque pas d’interroger : dans tous les articles que la presse écrite a consacrés à cette affaire, il a été régulièrement question de press industry, une juxtaposition qui devrait être un oxymore dans une démocratie digne de ce nom.

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