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Billet de blog 25 octobre 2015

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L'exécutif à l'affût du fait divers

Depuis mai 2012 tout le monde a pu constater, sans analyse approfondie, que la politique menée par l’actuel président de la République se situe dans la droite — adjectif totalement approprié — ligne de son sinistre prédécesseur. En dehors des choix politiques désastreux et révélateurs d’une totale trahison, il est un autre domaine dans lequel François Hollande et l’ensemble de l’exécutif font pire encore que ce qu’il a été possible de voir auparavant. C’est l’exploitation immédiate et éhontée du moindre fait divers.

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Depuis mai 2012 tout le monde a pu constater, sans analyse approfondie, que la politique menée par l’actuel président de la République se situe dans la droite — adjectif totalement approprié — ligne de son sinistre prédécesseur. En dehors des choix politiques désastreux et révélateurs d’une totale trahison, il est un autre domaine dans lequel François Hollande et l’ensemble de l’exécutif font pire encore que ce qu’il a été possible de voir auparavant. C’est l’exploitation immédiate et éhontée du moindre fait divers. Qu’une tentative d’attaque meurtrière soit déjouée dans  le Thalys par des passagers courageux et, aussitôt, l’exécutif dégaine sa panoplie de légions d’honneur — on notera incidemment que le principal « héros » américain de cet évènement a été mêlé récemment à une vive altercation physique à la sortie d’une discothèque de Sacramento, ce qui a conduit plusieurs media américains à se demander si l’intéressé fait la différence entre solidarité et appétit pour la bagarre. Qu’une rivière déborde ou qu’un autocar entre en collision avec un camion sur une route départementale et c’est toute la tête de l’exécutif qui se précipite, président, premier ministre et ministre de l’intérieur, alors que c’est au préfet, ou au ministre des transports éventuellement, d’aller exprimer la solidarité. Cependant on ne peut que saluer la très bonne idée d’avoir laissé Emmanuel Macron à Paris, car, plutôt que de se délecter dans la fausse compassion, il aurait fallu discuter de la perspective imminente de l’augmentation du nombre d’autocars sur les routes nationales et départementales. Plutôt que le débat, la récupération et l’exploitation du fait divers.

Il est bien évident que cette fausse unité nationale et cette fausse compassion n’ont d’autre but que de tenter de redorer le blason d’un pouvoir, qui, depuis trois ans, s’est auto-détruit, à force de reniements, de reculades et de trahisons politiques et sociales. Pour démasquer cette mascarade il faut se replonger dans les travaux et publications de George Lakoff, professeur de linguistique cognitive à l’université Berkeley en Californie, qui a notamment analysé les métaphores pesantes utilisées par George Bush père pour justifier la guerre du Golfe, et la morale qui constitue la base de l’action conservatrice, Moral Politics, 1996, the University of Chicago Press. Bien que cette analyse ait été vouée, à l’origine, à expliquer une situation de politique intérieure aux Etats-Unis, son caractère universel est avéré et illustre le comportement de François Hollande. George Lakoff a fondé son explication sur deux métaphores majeures, the strict father morality et the nurturant parent morality, dont l’équivalent sémantique pourrait être la moralité du père sévère et la moralité des parents nourriciers, ce qui implique donc que les citoyens sont assimilés à des enfants, base de démonstration de Lakoff contre le pouvoir conservateur qui infantilise. La première métaphore s’applique au président Hollande qui mène, de son propre chef et à partir de sa vision de Tartarin de Tarascon, la guerre sur le continent africain. George Lakoff définit cette première catégorie ainsi : The Strict Father model takes as background the view that life is difficult and that the world is fundamentally dangerous, L’image du père sévère s’appuie sur l’idée que la vie est dure et que le monde est essentiellement dangereux. Raison pour laquelle François Hollande s’auto-désigne père protecteur qui impose sa conception manichéenne du bien et du mal.

La seconde métaphore montre que l’empathie et la compassion sont les pierres angulaires. George Lakoff explique de cette manière la démarche du nurturant parent : I know what it’s like to be in your shoes. I know how you feel. I feel for you. Littéralement je sais ce qu’il en est d’être à votre place. Je comprends ce que vous ressentez. je me mets à votre place. D’ordinaire l’empathie et la compassion sont considérées comme naturelles et crédibles si elles émanent de proches, mais, dans la cas de la récupération politique que l’exécutif français a lancée depuis quelque temps déjà, on est dans ce que Lakoff appelle egocentric empathy. Sinon pour avoir quelque valeur que ce soit il conviendrait que ces témoignages soient organisés loin des micros et des caméras. De plus, cette traque du moindre fait divers renforce l’image du « père » président dans une cinquième République qui montre à tous les citoyens qu’elle est révolue.

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