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Billet de blog 26 juin 2008

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La défaite d'Hillary Clinton, une victoire pour les américaines ?

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C'est la question posée, le 7 juin, par Jessica Valenti, journaliste américaine de renom et fondatrice du site www.feministing.com , dans la chronique hebdomadaire qu'elle assure pour le quotidien britannique The Guardian. Elle reconnaît que, d'un strict point de vue féministe, il semble difficile que les américaines ne sentent pas déçues par la perspective de voir, une nouvelle fois, un homme prêter serment le 20 janvier 2009. Elle a, néanmoins, préféré Barack Obama et voté pour lui, de toute évidence, dans les primaires. Elle admet que la candidature de la sénatrice de New York a eu un effet considérable sur les américaines et les a incitées à s'intéresser aux primaires beaucoup plus qu'auparavant et à se mobiliser.

C'est également l'avis d'une autre célèbre plume américaine, Dana Goldstein, qui a écrit un éditorial, le 4 juin, dans le bi-mensuel American Prospect, intitulé What Hillary did for women, littéralement ce qu'Hillary a fait pour les femmes. Elle y affirme : Over the course of this historic, thrilling, aggressive primary election, we've seen more female pundits than ever before writing and speaking about presidential politics. We've experienced unprecedented interest from male politicos in women's participation in the electoral process.Ce que l'on peut traduire ainsi : A travers cette élection primaire agressive, palpitante et historique, nous avons vu, comme jamais auparavant, des expertes écrire sur les présidentielles et en parler. Nous avons été les témoins d'un intérêt sans précédent de la part des militants pour la participation des femmes au processus électoral. Constatation partagée par Mary Wilson, présidente du site associatif pour femmes, The White House Project, "More young women are motivated because they have seen her [Hillary Clinton] persist." Davantage de jeunes américaines sont motivées parce qu'elles l'ont vue s'accrocher. Ces trois journalistes s'accordent à dire que la campagne de la sénatrice a été désastreuse, mais soulignent que sa ténacité et sa persévérance ont été exemplaires, surtout que les comportements sexistes ont été légion. Ainsi Jessica Valenti rappelle quelques épisodes lamentables de cette campagne : Hillary Clinton, interrompue pendant un meeting dans le New Hampshire, par un groupe de jeunes hommes hurlant sur l'air des lampions : "Iron my shirt!", Repasse ma chemise ! ; ou bien encore la question saugrenue du journaliste Chris Matthews, au début de son entretien avec l'ex-candidat à l'investiture démocrate, Chris Dodd :"Do you find it difficult to debate a woman?", est-ce que vous trouvez cela difficile de débattre avec une femme ? Jessica Valenti rappelle également que, selon une enquête réalisée par le New York Times, les américaines qui ont décidé de soutenir Barack Obama ont été décrites comme de jeunes naïves n'ayant aucune culture politique ou voulant faire plaisir à leur compagnon. Les stéréotypes et l'intolérance ne constituent pas un monopole, qu'il s'agisse du parti démocrate ou des Etats-Unis dans leur ensemble.Un autre éditorialiste du Guardian, Jonathan Freedland, en ce 7 juin, avait décidé de s'intéresser au couple Clinton, mais pour régler le cas du seul Bill. S'il tresse quelques louanges à la ténacité de la sénatrice de New York, en revanche Freedland est sans pitié pour l'ex-président, dont le comportement, pendant ces primaires démocrates, a anéanti l'image qu'il avait construite pendant ses deux mandats présidentiels. Pendant les nombreux meetings de soutien qu'il a tenus, seul, en faveur de son épouse, Bill Clinton n'a eu de cesse de s'en prendre à Obama, en des termes très désagréables, et à la presse, soupçonnée d'en avoir fait son chouchou. Selon ce même journaliste, il a non seulement détruit son image, mais il a ruiné les espoirs de son épouse, en étant à l'origine des coups bas, des critiques acerbes et, surtout, de la sinistre référence à l'assassinat de Bob Kennedy. Ce constat-là étant posé et malgré les gaffes accumulées, on est droit de se poser des questions sur les inamovibles fondements puritains de la société américaine. En effet, si l'attitude de Bill Clinton a été lamentable et condamnable, il y a néanmoins une sorte d'acharnement contre un homme qui a été un bon président et dont on essaie de ternir le bilan. Rappelons que la procédure d'impeachment a été engagée contre lui non pas parce qu'il avait mis en péril la sécurité des Etats-Unis ou celle du monde, mais simplement parce qu'il a souhaité vérifier sa compatibilité sexuelle avec une jeune et charmante stagiaire, ce qui relevait exclusivement de sa vie privée. Depuis un autre président a été installé, par la cour suprême et contre le choix des électeurs. Ce même président a utilisé les actes terroristes du 11 septembre 2001 pour introduire un arsenal judiciaire hautement répressif, sous le nom de Patriot Act; a menti à son peuple et au monde entier en justifiant l'invasion de l'Irak par la présence d'armes de destruction massive, dont on sait désormais qu'elles n'ont jamais existé; a créé une situation inique et arbitraire avec l'incarcération, sans défense et sans jugement, de présumés terroristes à Guantanamo. Et il termine son deuxième mandat sans l'ombre d'une menace de déclenchement de la procédure d'impeachment. Pire même, il effectue une tournée d'adieux des capitales occidentales sans essuyer le moindre reproche. Pour paraphraser le regretté Reiser, on vit vraiment une époque formidable !

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