Lorsque le 13 octobre l’académie du Nobel a décidé d’attribuer son prix annuel de littérature au compositeur-interprète Robert Zimmerman, plus connu sous le nom de Bob Dylan, il y a eu un mélange d’agréable surprise et d’étonnement, de stupeur pour certains. Agréable surprise pour tous ceux (dont l’auteur de ce billet) qui ont grandi avec Bob Dylan, au gré de ses nobles engagements et de ses superbes compositions, dont bon nombre d’entre elles relèvent de l’authentique nouvelle littéraire. L’étonnement a été général face à un choix du jury du Nobel, dont on peut légitimement se demander s’il est fondé sur une nostalgie des années 1960 et 1970 ou s’il a été fait par défaut, puisque Salman Rushdie faisait partie de la short list mais le récompenser eût été bigrement courageux, trop peut-être, face aux barbares et intégristes de tout poil. N’oublions pas non plus que le pauvre Philip Roth n’en finit pas d’être ignoré superbement et fort injustement par ce même jury, car si l’on ne prend que deux exemples, Indignation, superbe analyse des Etats-Unis au moment de la guerre de Corée, et Goodbye Columbus, magnifique portrait des révoltes étudiantes, il y avait largement matière à récompense. Puis il y a eu la stupeur chez certains.
Pierre Assouline a mené la fronde dans les colonnes du Figaro (choix audacieux pour dresser une barricade…) pour argumenter fort correctement et dire, en substance, que, bien qu’il ait toujours été un fan de Dylan, ce dernier n’a jamais publié de façon consistante comme on l’attend d’un lauréat à cette récompense suprême. Certes. Argument recevable auquel il était possible de répondre calmement que rien n’interdisait au jury du Nobel de littérature d’innover pour explorer et récompenser d’autres voies d’écriture. D’ailleurs de facétieux lecteurs du New York Times sur le forum du journal ont lancé l’idée de donner un prix à Salman Rushdie lors de la prochaine cérémonie des Grammy Awards, pour contenter tout le monde.
C’est alors que le débat raisonnable fut conduit à son terme par la force des choses, puisque Alain Finkilekraut, « l’énervé national » comme l’a judicieusement surnommé Antoine Perraud, s’est invité dans le débat par une éructation nauséabonde dans le médium qui correspond, Causeur, en déplorant « le déclin de la culture » à travers l’attribution du Nobel de littérature à Bob Dylan. On serait tenté de dire que le « déclin de la culture » a été atteint avec l’arrivée du même Finkielkraut à l’académie française, puisque la culture, par définition, c’est l’ouverture aux autres horizons et non pas le développement de l’anathème, de l’exclusion et de la haine. On ne peut que conseiller au pré-cité de bien méditer les paroles de Like A Rolling Stone, magnifique ode de dérision à la gloire et à l’oubli…A ce jour Bob Dylan, qui cultive remarquablement son indépendance, n’a toujours pas réagi, ce qui a vexé le jury du Nobel qui pensait avoir fait un bon coup.
Like a Rolling Stone
Bob Dylan
Once upon a time you dressed so fine
Threw the bums a dime in your prime, didn't you?
People call say 'beware doll, you're bound to fall'
You thought they were all kidding you
You used to laugh about
Everybody that was hanging out
Now you don't talk so loud
Now you don't seem so proud
About having to be scrounging your next meal
How does it feel, how does it feel?
To be without a home
Like a complete unknown, like a rolling stone
Ahh you've gone to the finest schools, alright Miss Lonely
But you know you only used to get juiced in it
Nobody's ever taught you how to live out on the street
And now you're gonna have to get used to it
You say you never compromise
With the mystery tramp, but now you realize
He's not selling any alibis
As you stare into the vacuum of his eyes
And say do you want to make a deal?
How does it feel, how does it feel?
To be on your own, with no direction home
A complete unknown, like a rolling stone
Ah you never turned around to see the frowns
On the jugglers and the clowns when they all did tricks for you
You never understood that it ain't no good
You shouldn't let other people get your kicks for you
You used to ride on a chrome horse with your diplomat
Who carried on his shoulder a Siamese cat
Ain't it hard when you discovered that
He really wasn't where it's at
After he took from you everything he could steal
How does it feel, how does it feel?
To have on your own, with no direction home
Like a complete unknown, like a rolling stone
Ahh princess on a steeple and all the pretty people
They're all drinking, thinking that they've got it made
Exchanging all precious gifts
But you better take your diamond ring, you better pawn it babe
You used to be so amused
At Napoleon in rags and the language that he used
Go to him he calls you, you can't refuse
When you ain't got nothing, you got nothing to lose
You're invisible now, you've got no secrets to conceal
How does it feel, ah how does it feel?
To be on your own, with no direction home
Like a complete unknown, like a rolling stone