Ce qui s'est passé, samedi après-midi, à Manchester lors de l'élection du leader du parti travailliste britannique, a laissé pantois les spécialistes et les observateurs. Lors du direct de BBC News, les deux journalistes de politique intérieure, Laura Kuennsberg et Nick Robinson ont fait la même remarque, en scrutant le visage des frères Miliband. L'un et l'autre étaient convaincus, pendant le décompte final, que David avait le visage serein d'un vainqueur et Ed la mine fermée du vaincu. Les deux journalistes concluront ensuite que les deux frères pourraient faire d'excellents joueurs de poker. Le résultat, 50,35% pour Ed et 49, 65 % pour David, est, en effet, assez inattendu.
A l'issue du premier tour, David Miliband est arrivé largement en tête des cinq candidats, en réunissant 37,78% des suffrages contre seulement 34,33% à son jeune frère Ed. On voyait mal donc, alors, comment Ed pourrait remonter ce handicap. Si le deuxième tour a éliminé la seule candidate, Diane Abbott, il n'a pas empêché la confirmation du premier scrutin, c'est le troisième tour qui a changé la donne, avec le retrait du candidat arrivé en troisième position, Ed Balls, et le report des voix de ce dernier a porté le cadet des Miliband à la tête du Labour. Ce vote assez étonnant appelle plusieurs constatation sur l'avenir des travaillistes.
Tout d'abord, Ed Miliband est largement minoritaire chez les parlementaires travaillistes, puisqu'au terme du premier tour, il avait 3.384 mandats de retards parmi les conseillers locaux, députés et les eurodéputés, 4.710 de moins que son aîné chez les adhérents individuels, mais 4.639 d'avance chez les membres des différents syndicats affiliés au Labour. Ce sont donc les syndicats britanniques qui ont porté Ed au pouvoir, et c'est, là, un résultat qui va faire beaucoup jaser et commenter. Donc il est évident, aujourd'hui, que la page fumeuse du New Labour s'est lourdement refermée samedi après-midi. C'est sans doute sa fidélité à Tony Blair que les syndicalistes travaillistes ont fait payer à David. Les clichés vont sans doute défiler : le parti travailliste a choisi la jeunesse, Ed a à peine 41 ans ; un coup de barre à gauche a été donné. Si l'âge est incontestable, les différences idéologiques entre les deux frères semblent infimes. Donc, Ed Miliband va peut-être incarner le renouveau de la gauche du Labour, mais l'ombre des syndicats va resurgir du placard où ils étaient camouflés depuis l'ère Wilson et risque fort d'effrayer un électorat qui a choisi de faire confiance à l'alliance de la carpe conservatrice et du lapin lib-dem. Ed Miliband a maintenant le même objectif que ses camarades français du PS : il faudrait peut-être un programme...