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Billet de blog 27 octobre 2008

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John Updike, 76 ans : amer et vif

Mick Brown journaliste au quotidien britannique The Telegraph est allé aux Etats-Unis rencontrer le célèbre romancier américain John Updike et a raconté cette rencontre dans l'édition du 24 octobre. La conversation a été large et exhaustive et a porté sur divers sujets, son œuvre, sa vie, la mort, Sarah Palin bien sûr, sa rivalité avec Philip Roth, autre monument contemporain de la littérature américaine, son enfance et l'influence de sa mère.

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Mick Brown journaliste au quotidien britannique The Telegraph est allé aux Etats-Unis rencontrer le célèbre romancier américain John Updike et a raconté cette rencontre dans l'édition du 24 octobre. La conversation a été large et exhaustive et a porté sur divers sujets, son œuvre, sa vie, la mort, Sarah Palin bien sûr, sa rivalité avec Philip Roth, autre monument contemporain de la littérature américaine, son enfance et l'influence de sa mère. Cet entretien est d'autant plus notoire que John Updike est très parcimonieux dans ses rencontres avec la presse. Alors on peut se demander de prime abord pourquoi il a dérogé à une règle de discrétion qui dure depuis le début de sa carrière littéraire.

Une explication possible est que John Updike va bientôt publier la suite de The Witches of Eastwick, The Widows of Eastwick, mais l'explication serait un peu courte au vu de son aversion pour toute mise en scène et toute forme de promotion, d'autant que Mick Brown précise qu'il n'a pas été facile de fixer ce rendez-vous. La raison est beaucoup plus profonde, mais est tout de même liée aux Sorcières d'Eastwick. Lorsque son roman a été adapté pour le cinéma, Updike en a conçu une grande fierté, mais a refusé l'invitation qui lui avait été faite de venir sur les lieux du tournage, par délicatesse et pour ne gêner personne, ce qu'il regrette, aujourd'hui pour une seule raison, à savoir qu'il aurait pu rencontrer Michelle Pfeiffer, pour qui il a une grande admiration. Il fait, incidemment, remarquer que ce film a lancé la carrière hollywoodienne de la dite actrice. Mais à la sortie du film, la fierté a cédé la place à un vif agacement.

En effet, d'une part il regrette amèrement que le film ait été plus vu que le roman acheté et lu ; d'autre part il considère que son personnage de Van Horne a été complètement dénaturé par le jeu excessif et caricatural de Jack Nicholson. Le roman met l'accent sur les trois femmes, qui sont la base du livre, et Nicholson en a fait des tonnes, selon Updike, et a tiré toute la couverture sur le personnage masculin, et a fait basculer l'adaptation dans la farce. Donc son amertume et sa colère ont trouvé un exutoire en une suite, The Widows of Eastwick, Les Veuves d'Eastwick. Pour parler de sa carrière de romancier, commencée il y a près de cinquante ans, John Updike a retrouvé un peu de calme et de sérénité.

Son cheminement vers la célébrité a débuté, d'abord laborieusement en 1959 avec un recueil de nouvelles littéraires intitulé The Same Door, puis par son premier roman The Poorhouse Fair, qui lui ont valu la reconnaissance immédiate de la critique. Mais c'est en 1960, avec Rabbit, Run, le premier de la série des quatre Rabbits, que John Updike apparaît réellement sous les projecteurs. Son personnage principal, Harry 'Rabbit' Angstrom, va lui servir de cobaye, en quelque sorte, pour développer son analyse du désenchantement et de la sexualité de la petite bourgeoisie des états de Nouvelle Angleterre. C'est une analyse sociale passionnante que John Updike soumet au lecteur. Du reste, si, parmi les abonnés de Mediapart, certains ne connaissent pas Updike, il faut absolument commencer par Rabbit, Run et enchaîner avec Couples, autre chef-d'œuvre publié en 1968. Sa digression sur les "sorcières" a, quand même, moins d'intérêt, d'autant qu'elle est très connotée, puisque John Updike avoue l'avoir écrit en réaction à l'importance démesurée, à ses yeux, que prenait le féminisme aux Etats-Unis.

Updike voit le temps passer et la mort se profiler à l'horizon avec beaucoup plus de sérénité qu'avant. Il n'en reste pas moins spectateur attentif de son temps et fait un lien entre le féminisme, dont on a compris qu'il engendre, chez lui, la détestation, et l'angélisme qui consiste à penser que l'accession d'une femme au pouvoir met une société à l'abri de la guerre. Après avoir rappelé ce que furent Margaret Thatcher, Golda Meir et Indira Gandhi, il règle son compte à Sarah Palin, "she would be such bad news in the presidency that I can't believe the world would survive it.", littéralement "ce serait à la présidence une si mauvaise nouvelle que je ne pense pas que le monde s'en remettrait." Voilà qui est clair et sans ambiguité.

Updike reconnaît que Philip Roth a beaucoup plus de talent que lui et évoque aussi l'influence de sa mère, enseignante à Shillington en Pennsylvanie, où est né l'écrivain, et qui écrivait des short stories qui ne se sont jamais vendues, et dont il a permis la publication dans le New Yorker, une fois sa propre célébrité atteinte, noble geste d'un fils reconnaissant. Croire qu'il fait l'unanimité aux Etats-Unis serait toutefois exagéré, puisqu'au vu de ses 27 romans et de ses 45 recueils de nouvelles, de poèmes et d'essais, un critique new yorkais, James Wood, a écrit cruellement qu'il était plus facile à Updike de réfréner une envie de bailler qu'une envie d'écrire un livre.

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