C’est le titre du livre que Maurice Tournier a publié, fin 2007, aux Presses Universitaires du Mirail, un des sites d’enseignement supérieur de Toulouse. Maurice Tournier est chercheur au CNRS en sciences du langage. Après avoir dirigé le laboratoire de lexicométrie politique de l’ENS de Saint-Cloud, il a créé la revue Mots, publiée à Lyon par ENS éditions.Il a publié plusieurs ouvrages sur le discours syndical et électoral.
L’intérêt de cet ouvrage est qu’il évite les clichés, au sens propre comme au figuré, les commémorations larmoyantes et les évocations nostalgiques d’anciens combattants, et qu’il recentre mai 68 sur ce qui a constitué, déclenché et perpétué ce mouvement, à savoir une révolution verbale, avant d’avoir été un extraordinaire soulèvement de la société française. C’est la raison pour laquelle l’auteur donne, en avant propos, une citation, datée de 1968, de Michel de Certeau : « Les révolutionnaires de mai ont pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789. »
Après une brève chronologie des événements, l’ouvrage se présente sous la forme d’un index alphabétique où sont recensés et expliqués tous les mots essentiels qui ont fait ce mois de mai. On y retrouve dans l’ordre : autogestion, barricades, base, CGT, Charléty, enragé, étudiants bien sûr, Grenelle, groupuscule, mouvement, Nanterre, pavé, troskystes et UNR entre autres. Chaque entrée est présentée de façon sobre et factuelle et avec des renvois aux déclarations, slogans et graffitis de l’époque, ce qui confère souvent un humour corrosif à ces divers rappels. Ainsi, à la lettre L, Lundi est défini comme le « jour préparé par le dimanche en jour d’affirmations de la ‘base’ ». A la lettre P comme père, on trouve cette phrase inscrite sur un mur de la faculté de médecine de Paris, « si ton père est gaulliste, deviens orphelin. »
Maurice Tournier a pris le soin de laisser aux lecteurs nostalgiques une page vierge intitulée Mes mots. L’auteur de ces quelques lignes serait tenté d’y mettre une référence de l’absurde désopilant relevée sur un grand panneau blanc du restaurant universitaire de la Doua à Lyon, « avant ce mur était propre ».
C’est un véritable aide-mémoire, un livre de chevet, que l’on peut poser et reprendre à volonté et avec délectation. Les mots sont célébrés, mis en scène, soulignés, expliqués. Pour ceux qui, quarante ans après, persistent à nier cette période salutaire de l’histoire de la société française, inutile de chercher, à la lettre L, le sinistre et révélateur « liquider », ils ne le trouveront pas. Fort heureusement.