L’actuel maire de Londres, élu depuis 2008 après avoir battu le sortant Ken Livingstone et avoir été réélu en 2012 après une nouvelle victoire aux dépens de Livingstone, Boris Johnson, de son nom complet Alexander Boris de Pfeffel Johnson, est un personnage atypique. Tellement déroutant qu’en 2007, lorsque David Cameron, alors simple leader des Tories, n’eût d’autre choix que de soutenir sa candidature à la mairie de Londres, il le fit en ces termes étranges et restreints : I don't always agree with him, but I respect the fact that he's absolutely his own man, ce qui signifie je ne suis pas toujours d’accord avec lui (en fait on peut dire ‘jamais’), mais je respecte le fait qu’il ne dépend absolument de personne. De fait sa victoire inattendue, contre le tout aussi original Livingstone, l’a rendu sinon sympathique, du moins populaire. Il sait également attirer micros, caméras et projecteurs sur lui et ne se déplace dans les rues de Londres qu’à bicyclette. Seulement voilà, Johnson est un conservateur qui se situe plutôt à la droite de Cameron et rêve à voix haute de prendre sa place, et, donc, en l’occurrence chassez le naturel, il revient au triple galop.
En effet, lors de la conférence annuelle dédiée à la mémoire de Margaret Thatcher, feu le rhinocéros, devant le Centre for Political Studies, le 26 novembre, Johnson a donné libre cours à sa vraie nature. Il a commencé par chanter les louanges de l’inégalité, essential to fostering the spirit of envy, lisez, essentielle pour encourager l’esprit de jalousie. Quant à l’avidité, il l’a saluée comme a valuable spur to economic activity, une incitation de valeur à l’activité économique. Il a ensuite raillé, pour le plus grand embarras de son auditoire — comme d’ordinaire —, les 16% de la population qui ont un QI inférieur à 85, tout en regrettant que l’on n’aide pas davantage les 2% qui ont plus de 130. Comme bien souvent dans ses déclarations publiques, Johnson est victime de ce qui s’appelle en mécanique l’auto-allumage et qui concerne les vieux moteurs qui font masse, il a persévéré en souhaitant que le thatchérisme soit remis au goût du jour et que l’on empêche la Roumanie d’entrer dans l’UE de crainte que « la population entière de la Transylvanie ne vienne planter ses tentes à Marble Arch ». Rien n’a été oublié dans ce délire extrême, ni l’éventuelle indépendance de l’Ecosse, considérée comme the demolition of Britain, ni ces malheureux de riches que l’on accable, it would be wrong to persecute the rich, et encore moins la grandeur du Royaume-Uni et de sa capitale, we are already fulfilling our destiny as the soft power capital of the world, ce qui signifie nous accomplissons déjà notre destin en tant que capitale du monde du pouvoir de velours. Ces propos n’ont rien de surprenant à bien des égards.
Boris Johnson a commencé sa carrière politique, en 2004, en reprenant le siège de député que Michael Heseltine - tombeur du rhinocéros – occupait à Henley dans l’Oxfordshire. On ne saurait oublier qu’il a été rédacteur en chef adjoint puis rédacteur en chef du magazine hebdomadaire de la droite dure britannique The Spectator, de 1994 à 1999, imprimant sur l’orientation éditoriale tout le bric-à-brac idéologique qu’il développe aujourd’hui. On ne saurait oublier non plus que Boris Johnson s’est avantageusement présenté, au cours de la campagne de 2008, comme une sorte de parangon de vertu, pour accepter, une fois élu, un contrat de 250.000 livres sterling par an du Daily Telegraph pour une chronique hebdomadaire. Enfin on ne saurait pas davantage oublier que cette charge de cavalerie ne doit certainement rien au hasard, puisque dans l’agenda conservateur elle arrive exactement au moment où Cameron entend durcir la politique du Royaume-Uni sur les conditions d’immigration. Ce dérapage très calculé a engendré néanmoins bon nombre de réactions d’indignation, parmi lesquelles celle de Nick Clegg — qui n’existe désormais que de cette manière — comme le relate le Guardian du 28 novembre.