Paul Krugman est connu à travers la planète. Professeur d’économie et d’affaires internationales à la prestigieuse université américaine de Princeton, après avoir enseigné à Yale, au MIT et à Stanford, il a reçu le prix Nobel d’économie en 2008. Depuis 1999 il est éditorialiste au New York Times et ses éditoriaux constituent des références régulières. Dans son dernier en date, publié le 22 septembre, que l’on peut lire intégralement ici, il a pris pour cible John Boehner, président républicain de la Chambre des Représentants, élu de la sixième circonscription de l’Ohio, qui est allé expliquer doctement, une semaine auparavant, devant l’American Enterprise Institute que le problème du chômage aux Etats-Unis n’a qu’une seule origine : laziness, la paresse ! Selon le même Boehner, le credo des chômeurs américains c’est : I really don’t have to work. I don’t really want to do this. I think I’d rather just sit around. Lisez : Je n’ai pas vraiment à travailler. Je ne veux pas vraiment faire ceci. Je pense que je préfèrerais rester assis à ne rien faire.
De toute évidence il n’est pas nécessaire d’être borné pour être conservateur, mais cela aide considérablement, et ces propos, que ne renierait pas le président du Medef, Pierre Gattaz, et qui se situe dans la droite ligne de ceux de feu Raymond Barre, qui, en 1979, conseillait aux chômeurs de créer leur entreprise, ont suscité la légitime indignation de Paul Krugman. Ce dernier est d’autant plus affligé que c’est la première fois qu’un membre éminent du parti républicain se permet publiquement de jeter l’opprobre sur les chômeurs américains, en reprenant le refrain réactionnaire et stupide selon lequel ces derniers sont encouragés à ne rien faire, en raison d’aides publiques trop généreuses. Paul Krugman rappelle qu’il y a actuellement 3 des 10 millions d’Américains qui sont au chômage depuis plus de six mois et qui, de fait, ne bénéficient plus d’aucune aide fédérale. Donc plus d’un tiers des chômeurs américains, que le sinistre Boehner appelle des paresseux, n’ont non seulement aucune perspective d’embauche, mais également aucune forme d’assistance pour faire face à la pauvreté.
Les plus démunis sont abandonnés par l’Etat fédéral et insultés par les conservateurs. Paul Krugman rafraîchit la petite mémoire du Speaker des la Chambre des Représentants, en constatant que les Républicains n’ont pas toujours été aussi cyniques et bornés que maintenant, puisqu’en 1936, le candidat républicain à la présidence, Alf Landon, balayé par Roosevelt, avait apporté son soutien indirect au New Deal en évoquant the duty of caring for the unemployed until recovery is attained, littéralement le devoir de s’occuper des chômeurs en attendant la reprise. Dans la logique — un bien grand mot en l’occurrence — de Boehner, un citoyen américain qui est chômeur et pauvre ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Pour mémoire, John Boehner est devenu la risée des media, de la classe politique, qui doutent de sa sincérité, et la cible préférée des humoristes aux Etats-Unis, en raison de sa propension à pleurer un peu partout en public, à la Chambre des Représentants, à la télévision (trois fois pendant l’émission de CBS Sixty Minutes), sous le prétexte qu’il se fait du souci pour les jeunes, pour l’Amérique…mais jamais pour les chômeurs.