L'honorable et historique institution du Royaume-Uni qu'est la BBC connaît, depuis quelques jours, une tourmente comme elle n'en avait jamais affronté auparavant. La directrice de BBC Radio2, Lesley Douglas, a été contrainte de présenter sa démission, comme le rapporte le Guardian, dans son édition du 31 octobre. Le célèbre animateur, Jonathan Ross, également producteur et présentateur de télévision sur ITV, a été suspendu pour trois mois, sans traitement. Son partenaire à l'antenne, Russell Brand, a, quant à lui, été remercié sine die. Cette cascade de décisions spectaculaires est l'œuvre de Mark Thompson, directeur général de la vieille tante, Auntie Beeb, la BBC donc.
La raison de ce déchaînement est une émission radiophonique de Radio2 de ce début de semaine, au cours de laquelle, le duo Ross-Brand s'est livré à des prank phone calls, des farces téléphoniques dans le plus pur style de ce que faisait Jean-Yves Lafesse sur Europe1, à savoir gros canulars, gags et plaisanteries pas toujours du meilleur goût et rarement légères. Mais le problème est qu'en ce début de semaine le duo s'est livré à un incroyable dérapage en laissant, sur le répondeur du très respecté et très respectable acteur Andrew Sachs qui atteint bientôt l'âge de 78 ans, un message téléphonique ahurissant dans lequel ils se vantaient l'un et l'autre d'avoir couché avec sa petite-fille, non sans ajouter qu'à sa place, avec une telle information, ils iraient se jeter dans la Thamise.
La condamnation a, bien sûr, été unanime et a, pour l'heure, été limitée au monde de la radio et de la télévision, les élus s'étant tenus à distance, ce qui différencie très sérieusement le Royaume-Uni de la France. Les deux compères n'en sont pas à leur coup d'essai, puisque, lors d'une émission de télévision, ils avaient tenu, sur sa gracieuse majesté, des propos d'une rare vulgarité. Selon le Times du 31 octobre, ITV qui faisait travailler Ross et Brand, s'est joint au boycott et les a remerciés immédiatement. Cet épisode soulève deux problèmes fondamentaux sur lesquels, fort malheureusement, le Royaume-Uni ne se distingue absolument pas du continent : tout d'abord le contenu de bon nombre d'émissions radiophoniques et télévisées qui approche lentement mais sûrement de la franche nullité – pour ce qui concerne la radio, seule l'excellente BBC Radio4 échappe à la vague de médiocrité ; ensuite l'aura dont bénéficient certains animateurs-producteurs aux émoluments aussi importants que ceux des joueurs de football. Une certaine idée du Royaume-Uni qui, après celle de la police, s'en va détériorant.