L’ancien ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, était l’invité de la tranche matinale de France Inter, jeudi 27 octobre 2016, et le moins que l’on puisse dire est que la journaliste à l’antenne, Léa Salamé, a vraiment tout fait pour ne pas être désagréable et, de fait, a donné une image effroyablement servile et complaisante de la profession qu’elle exerce. Pour mémoire, le 13 novembre 2015 Claude Guéant a été condamné à deux ans de prison avec sursis, 75.000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique car il a été reconnu coupable de complicité de détournement de fonds publics et recel. Chacun se souvient qu’il était poursuivi pour avoir, entre 2002 et 2004, perçu personnellement et reversé à trois membres de son cabinet des primes en espèces prélevées sur les frais d’enquête et de surveillance des policiers. Pour mémoire, en mars 2015, le même Guéant avait été mis en examen lorsque, dans le cadre d’une perquisition à son domicile relative aux soupçons de financement de la campagne de Sarkozy par la Libye, 500.000 euros avaient été retrouvés qu’il a tenté de justifier par l’achat d’une innommable croûte rebaptisée œuvre d’art universelle.
De toute évidence, il en faut beaucoup plus pour effaroucher la rédaction de France Inter en matière de morale publique, de probité et de respect des lois, circonstance aggravante de la part d’un ancien ministre dans le cadre de ses fonctions. Non seulement Claude Guéant a été invité, ce qui, en soi, est déjà une insulte à l’idée que l’on est en droit de se faire de l’information sur une chaîne publique, mais aucune question ne lui a été posée sur cette condamnation pendant ses dix minutes à l’antenne et il a eu toute liberté pour pérorer sur les doléances de la police. On peut légitimement se demander quels seront les prochains invités que Léa Salamé et France Inter vont choyer et dont ils vont faire reluire les chaussures, Bernard Tapie ? Dodo-la-Saumure ? La liste n’est pas exhaustive…
On ne peut, une fois encore, que conseiller à tout ce petit (adjectif à prendre dans son acception la moins noble) monde de lire et relire celui qui demeure une référence permanente, Albert Camus, qui écrivait dans Combat en septembre 1944 :
« Il est un autre apport du journaliste au public. Il réside dans le commentaire politique et moral de l’actualité. En face des forces désordonnées de l’histoire, dont les informations sont le reflet, il peut être bon de noter, au jour le jour, la réflexion d’un esprit ou les observations de plusieurs esprits. Mais cela ne peut se faire sans scrupules, sans distance et sans une certaine idée de la relativité. Certes le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti…Mais, ici, comme ailleurs, l y a un ton à trouver, sans quoi tout est dévalorisé. »