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Billet de blog 11 juin 2012

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Et maintenant ? C’est quoi et comment le changement ?

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« … l’objectif de notre société doit être la participation pleine et entière des personnes handicapées à la vie de la cité. »([1])

Cet énoncé du candidat François Hollande en avril 2012 est précisément celui de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 20 décembre 1993,([2]) elle même inspirée par la première Année internationale dont l’objectif était en 1981 la « pleine participation et égalité » des personnes handicapées. Cette participation dans l’égalité est perçue alors « comme le droit des personnes handicapées à participer à part entière à la vie et au développement de la société dans laquelle elles vivent, à bénéficier de conditions de vie semblables à celles des autres citoyens, et à profiter à part égale des progrès liés au développement socio-économique. »([3])

Que ne s’est-il pas passé durant ces trente années pour que les objectifs d’hier restent ceux d’aujourd’hui ? N’aurions nous pas progressé ?

Les améliorations semblent pourtant indéniables, et même s’il faut encore souvent ferrailler pour y accéder, le droit à compensation que les membres fondateurs de la CHA ont contribués à faire émerger répond aujourd’hui de façon satisfaisante à nombre d’entre nous. Avec la volonté de tenir les échéances de la Loi 2005, la mise en accessibilité de la cité est une priorité affirmée du Président de la République qui souhaite créer une « Agence de l’accessibilité », dont l’une des missions serait « d’aider les collectivités territoriales à concevoir et à conduire les projets de mise en accessibilité. »([4]) En matière d’éducation, François Hollande souhaite former et sécuriser les Auxiliaires de vie Scolaires en les intégrant à l’Éducation nationale, et en matière d’emploi renforcer les pénalités aux entreprises qui n’embauchent pas, et « mobiliser les associations … » (3)

Rien de neuf donc. La machine républicaine est en route, et aussi imparfaite soit-elle la Loi 2005 sera appliquée autant qu’elle pourra l’être et la continuité sera assurée.

Ce qui peut changer demain, ce sont les méthodes, et en particulier les conditions de « la participation pleine et entière des personnes handicapées » ciblée depuis 30 ans, rappelée par le candidat aujourd’hui Président de la République, et placée au centre de la « Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». 

Dans le triptyque posé par la Loi (Compensation – Participation – Citoyenneté), si l’égalité et des droits et des chances est aujourd’hui l’objet des mécanismes et des fonds de compensation, la participation ne fait elle l’objet d’aucune définition ni d’aucune mesure. Citée comme objectif depuis 30 ans par les plus hautes institutions et leurs représentants, placée au cœur de la Loi Française, la participation reste un objet politique mal identifié, indéfini. La participation est voulue, souhaitée, placée au faîte des discours et de tous les projets … et les citoyens autrement capables dont il s’agit de soutenir « la participation pleine et entière » restent encore trop souvent minoritaires sinon absents des lieux où se décide et se construit leur cadre de vie.

De quelles expériences et de quels savoirs sont chargés celles et ceux qui interviennent ? Comment sont préparés, organisés et valorisés celles et ceux qui mettent leurs compétences et expériences au service de la collectivité ? À quel cadre sont-ils insérés ? Selon quels statuts ? Régis par quelles règles ? Quel Code ?

Le candidat François Hollande a dit vouloir que « les règles applicables au bénévolat » puissent permettre « de concilier au mieux mission d’intérêt général et vie professionnelle »(4), et dans ses 60 engagements pour la France, a indiqué aux termes de sa proposition 32 qu’il garantirait « l’existence d’un volet handicap dans chaque loi »([5]). Alors chiche ! Engageons le pays, son administration et sa population dans une politique systématique de transversalité et d’inclusion, et organisons dans ce but les moyens du changement, maintenant !

Valorisons les personnes qui souffrent de discriminations et de mises à l’écart, souvent il est vrai au nom de leur protection et de leur mieux être supposé, et donnons mission à celles et ceux qui sont encore exclus du monde du travail malgré l’accumulation de leurs compétences pour accompagner et guider cette nécessaire évolution des pratiques. Si la société française savait comment vivre et travailler en interaction avec tous quelques soient ses capacités, cet édito et la CHA n’auraient pas raison d’être, et maintenant que les moyens de la compensation permettent aux mieux armés d’entre nous d’agir pour d’autre but que de simplement survivre, la participation pleine et entière apparaît comme l’ultime outil sans lequel la législation actuelle ne peut trouver sens, le triptyque de la Loi qui prend un sens plus mathématique, la Compensation + la Participation = la Citoyenneté et le sens de l’action apparaît.

Décréter vouloir inclure un « volet handicap dans chaque loi » est une ambition à laquelle on ne peut que souscrire, mais il serait naïf de croire que cette mesure puisse trouver les voies de sa mise en œuvre sans de profondes modifications et adaptations que beaucoup d’entre nous sont en mesure d’éclairer et de faciliter quand les occasions leur en sont données. À l’heure de la « socialécologie », les questions de « la participation pleine et entière des personnes handicapées à la vie de la cité » peuvent finalement donner du sens et de la force à un débat plus général visant à soutenir l’émancipation des citoyens les plus restreints dans leurs capacités tout en s’appuyant sur leurs potentiels, à faire d’eux les agents des transformations attendues et à s’inspirer des ressources alternatives qu’ils ont exploité pour continuer à faire autrement avec moins de ressources ou d’autres ressources, 

Jean-Luc Simon

Publication originale 10 juin 2012 sur "Vie Autonome France


[1] Magazine « Notre Temps », 16/04/2012, « François Hollande répond à vos questions »

[2] Intégration pleine et entière des handicapés dans tous les secteurs de la société et rôle prépondérant de l'Organisation des Nations Unies en la matière [A/RES/48/95]

[3] Histoire du handicap à l'ONU - Année internationale des personnes handicapées

[4] Réponses aux 8 points du programme de l’UNAPEI

[5] 60 engagements pour la France

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