Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

10961 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 février 2022

Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

Inde: des millions de paysans envahissent à nouveau les rues du pays

Le SKM (coordination paysanne) a déclaré qu'il reprenait le combat, la mobilisation paysanne reprend, prochaine étape le 3 février en Uttar Pradesh, tout simplement parce que de nombreux paysans sont condamnés à mourir de faim si leur sort n'était pas amélioré rapidement.

Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Jacques Chastaing

Le 31 janvier était le dernier jour de l'ultimatum donné par le SKM (coordination paysanne) au gouvernement pour qu'il tienne ses promesses. Le SKM avait appelé ce jour-là, à des manifestations partout dans le pays pour que les paysans reprennent la lutte suspendue depuis début décembre.

Il y a eu des manifestations, marches, sit-in... et des effigies de Modi et ses ministres brûlées dans des milliers et milliers de villages et quartiers dans quasi tous les Etats, au Punjab, Haryana, Uttar Pradesh, Bihar, Bengale occidental, Maharashtra, Karnataka, Madhya Pradesh, Andhra Pradesh, Himachal Pradesh, Telangana (avec 212 rassemblements rien que dans cet Etat), Odisha, Tamil Nadu, Rajasthan, Gujarat, Tripura, Kerala, Assam, Karnataka et encore bien ailleurs pour la journée de la "trahison", la trahison du gouvernement qui n'a pas tenu ses promesses.

Le mouvement massif du 31 janvier montre que les paysans ne sont pas démobilisés et que le SKM a toujours son influence nationale.

Après avoir abrogé trois lois anti-paysans, le gouvernement avait aussi promis aux paysans qu'il formerait un comité doté d'un mandat clair composé de représentants des syndicats d'agriculteurs, d'experts agricoles et d'agronomes pour mettre au point un mécanisme garantissant un prix de soutien minimum (MSP) aux produits agricoles, une sorte de salaire minimum paysan, qu'il retirerait également les poursuites pénales contre les manifestants et qu'il indemniserait les proches des paysans décédés durant le conflit et enfin qu'il maintiendrait les prix de l'électricité au niveau le plus bas.

Le SKM a donc déclaré que le gouvernement n'a engagé aucune action sur ces promesses et en même temps que c'était habituel de sa part puisqu'il n'a pas tenu non plus ses promesses de 2018 pour les travailleurs d'Anganwadi et pour lesquels sera donc prévu une journée nationale de soutien à leurs luttes le 1er février.

Il faut dire que si la mobilisation paysanne du 31 janvier a été si suivie, c'est que les dirigeants paysans ont organisé des centaines de réunions village après village après que Modi ait cédé sur les lois anti-paysannes en expliquant qu'en même temps qu'il cédait, il s'était excusé de son geste auprès des dirigeants des grandes entreprises qui de fait dirigent le pays et que ce sont elles qui ont exercé de multiples pressions pour qu'il ne fasse aucune autre concession.

Cette campagne du SKM sur le terrain, a fait que des sources dans l'Uttar Pradesh affirment que les effets politiques du mouvement des paysans qui dure depuis plus d'un an deviennent maintenant visibles, avec certains signaux sans précédent provenant des masses qui font trembler le parti au pouvoir. Ces sources affirment également que les députés du BJP (parti au pouvoir) sont chassés des villages ou y rencontrent des résistances, ce qui est un indicateur fort de l'humeur des gens, car généralement personne n'oserait infliger un tel traitement aux membres du parti au pouvoir.

Le SKM a donc appelé à faire tomber le BJP dans les 5 Etats où il va y avoir des élections en février/mars en menant une campagne particulièrement active dans le plus grand d'entre eux, l'Uttar Pradesh (210 millions d'habitants), le cœur du pouvoir du BJP au niveau national et le centre du régime de terreur qu'il fait régner partout.

En même temps, dans la foulée du succès paysan, les gréves ouvrieres se multiplient partout. Le mouvement paysan avait poussé les grandes directions syndicales ouvrières a appeler à deux jours de grève générale les 23 et 24 février. Mais celles-ci, profitant de la suspension du mouvement paysan pendant deux mois, a reculé et reporté ces deux journées en mars, au prétexte qu'elles avaient lieu en pleine journée de vote en Uttar Pradesh, ce qui leur paraissait trop irrespectueux à l'égard du système électoral, mais ce qui avait été justement voulu comme ça au plus forte de la mobilisation paysanne.

Quoi qu'il en soit, le SKM a déclaré qu'il reprenait le combat, la mobilisation paysanne reprend, prochaine étape le 3 février en Uttar Pradesh, tout simplement parce que de nombreux paysans sont condamnés à mourir de faim si leur sort n'était pas amélioré rapidement.

Jacques Chastaing

PHOTOS

Manifestation des paysans à Talasari dans le Maharashtra ; à Bhiwani dans l'Haryana ; à Dahanu dans le Maharashtra ; à Koacheri Barnala dans le Pendjab ; à Ferozepur dans le Pendjab ; à Sirsa dans l'Haryana ; à Belagavi dans le Karnataka ; à Rohtak dans l'Haryana ; affiche pour la journée nationale de soutien aux anganwadi en lutte ; les ouvriers de la construction bloquent le domicile du ministre du travail dans l'Etat du Bihar

Ici 4 photos de plus

En complément tous les jours le dossier Soulèvement en Inde et la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.