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Billet de blog 3 avril 2021

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Inde: Modi rengaine ses lois contre les droits des salariés -Jacques Chastaing

Dans le même temps le mouvement paysan prévient, alors que des élections ont lieu dans 5 Etats: "à la prochaine attaque contre un membre de la coordination paysanne, nous interdirons aux dirigeants du bjp - parti du pouvoir - de marcher dans la rue"

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Au lendemain de la tentative d'assassinat par des miliciens du BJP de Rakesh Tikait, un des leaders du soulèvement paysan, membre du SKM (Front Uni Paysan), coordination de 40 organisations paysannes qui anime aujourd'hui le mouvement, les paysans ont averti le gouvernement : à la prochaine attaque de ce type, nous interdirons aux dirigeants et députés du BJP la possibilité de marcher dans la rue.

Par ailleurs, pour illustrer que le BJP perd peu à peu son autorité, le soulèvement paysan a enregistré un nouveau succès : en effet, le gouvernement a décidé de repousser à une date indéterminée l'application de nouvelles lois sur le travail salarié qui feraient passer la journée de travail à 12 h au lieu de 8 h, supprimeraient le droit de se syndiquer, de manifester et supprimerait le salaire minimum là où il existe.

Au vu de la capacité d'entrainement grandissante qu'a le soulèvement paysan sur les ouvriers et les pas faits dans le sens d'une union de combat ouvriers-paysans ces dernières semaines, le gouvernement a certainement cherché à gêner la construction de ce front en prenant cette mesure d'apaisement en direction des responsables des organisations syndicales ouvrières.

Cependant le noyau de l'opposition ouvrière organisée à la politique du gouvernement n'est pas le plus mobilisé sur ce terrain mais plutôt sur celui de la lutte contre les privatisations comme l'ont montré les succès des grèves ces derniers jours dans les banques, les compagnies d'assurance ou les aciéries. Par exemple demain 4 avril, devrait avoir lieu une marche géante des aciéristes de Vizag dans l'Andhra Pradesh contre sa privatisation avec la participation de paysans et qui pourrait toucher tout l'Etat (50 millions d'habitants).

Il est peu probable que cette carotte gouvernementale suffise aux directions syndicales pour les aider à freiner la capacité d'attraction de la radicalité paysanne sur leur base ouvrière d'autant que 93% des ouvriers ne sont pas salariés et connaissent déjà l'esclavage dont Modi menace les noyaux les plus organisés de la classe ouvrière.

Les directions syndicales ont d'ailleurs annoncé - de manière encore informelle pour l'instant - qu'elles suivraient les paysans dans leur appel à assiéger le Parlement à partir de début mai. Elles ont du le faire, pas par envie, mais certainement parce que la base ouvrière pousse de plus en plus.

Le premier Mahapanchayat qui s'est tenu il y a quelques jours avec plusieurs dizaines de milliers de participants entre des organisations de pécheurs et les paysans montre en effet que le poids de ces derniers sur la société augmente tous les jours. Les leaders paysans utilisent d'ailleurs de moins en moins les termes de "mouvement paysan" mais reprennent maintenant de plus en plus souvent celui de "mouvement populaire".

Enfin, on ne sait pas quel peut être l'impact du soulèvement paysans sur le résultat des élections qui ont lieu à l'heure actuelle dans 5 Etats ; il sera peut-être diversifié suivant les régions, mais ce qu'on voit, c'est que le BJP est très inquiet d'une éventuelle claque électorale. Il a par exemple décidé d'augmenter de manière importante les salaires des ouvriers du thé en Assam où leur vote est déterminant, la veille des élections. Mais surtout ces élections touchent à un niveau de violence jamais atteint, avec un BJP qui accompagne ses campagnes électorales de violences quasi systématiques contre les musulmans, faisant par exemple fermer de force par ses milices et dans la plus grande brutalité, les magasins musulmans partout où il passe.

Mais il n'est pas sûr que cultiver les haines inter-religieuses qui lui avaient permis d'arriver hier au pouvoir, puisse continuer à marcher aujourd'hui où le soulèvement paysan s'élève avec force et succès contre cette politique de haine et de division religieuse et alors que le soulèvement paysan s'est lui-même placé dans la continuation d'un soulèvement des musulmans entrainant peu à peu toutes les communautés religieuses indiennes dans un combat commun contre Modi entre décembre 2019 et mars 2020.

On pourrait ainsi voir renaître en grand ce combat, un nouveau front aux côtés des paysans mais donnant une toute autre tonalité au soulèvement général.

PHOTOS

Mahapanchayat à Krusak dans l'Etat de l'Odisha ; les paysans font le siège de commissariat de Lambi au Pendjab après que des policiers aient porté de fausses accusations contre des paysans ; panchayat à Harsoli Alwar dans le Rajasthan ; Panchayat qui s'est tenu à Gonda, dans le district d'Aligarh de l'Uttar Pradesh ;

En complément tous les jours le dossier Soulèvement en Inde et la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

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