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Billet de blog 4 mai 2022

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Politiciens réformistes contre la Sociale (2/3): la révolution allemande

En 1914, les dirigeants réformistes en France comme en Allemagne ont trahi tous leur engagements. précipitant les peuples la guerre inter-impérialiste. Cette trahison du camp du travail a déterminé tout le cours du XXème siècle: boucherie sans nom ni précédent, débouchant sur le fascisme et le totalitarisme sur l’essentiel de l’Europe.Demain: Mai-Juin 68 en France.

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En 1914, les dirigeants réformistes en France comme en Allemagne ont trahi tous leur engagements. précipitant les peuples la guerre inter-impérialiste. Cette trahison du camp du travail a déterminé tout le cours du XXème siècle: boucherie sans nom ni précédent, débouchant sur le fascisme et le totalitarisme sur l’essentiel de l’Europe.

Cette trahison a été le fait de la plupart des dirigeants des sections de la deuxième Internationale, avec quelques exceptions valeureuses, dont bien sûr la Russie où le camp du travail était dirigé par des révolutionnaires de la trempe de Lénine et Trotsky. A leur initiative les conseils de soldats, ouvriers et paysans ont détourné en 1917 leurs armes vers leurs officiers, et non sur les travailleurs allemands. Mais ils affirment que la révolution russe, vu le niveau d’arriération du pays, ne pourrait résister sans une révolution mondiale, et surtout en Allemagne. En mars 1918, Lénine déclare par exemple: "La vérité absolue, c'est qu'à moins d'une révolution allemande, nous sommes perdus".

En Allemagne, l’aile gauche du Parti social-démocrate (SPD), persécutée et comprenant les révolutionnaires qui ont refusé de se soumettre à la bourgeoisie, est exclue en 1916, et se regroupe dans le Parti des social-démocrates indépendants (USPD). Il opte pour une stratégie d’accumulation, attendant le mouvement montant de la classe ouvrière.

L'éruption révolutionnaire spontanée du prolétariat allemand se produit en octobre et novembre 1918. Les marins basés à Kiel se soulèvent contre les officiers et envoient des délégués dans toute l'Allemagne pour rejoindre l’insurrection. Elle couvre l’Allemagne de conseils d’ouvriers et de soldats, chassent le Kaiser de Berlin le 9 novembre, et obligent l’état-major à signer l’armistice le 11 novembre. Les révolutionnaires russes et allemands ont été les premiers artisans de la paix, contre les bouchers bourgeois, féodaux et leur serviteurs, comme toujours au premier rangs, les politiciens réformistes.  

Mais en fait de révolution, la bourgeoisie coopte six sociaux-démocrates baptisés "commissaires du peuple" (sic) au dessus des ministères maintenus tels quels. Pour éviter une révolution, elle fait comme  toujours des concessions, tout en préparant un massacre: annonce des libertés démocratiques, dont elle ne respectera rien, promesse de la journée de huit heures, de conventions collectives, d’ allocations chômage. Les réformistes collaborent  au « dialogue social » tout en préparant le massacre et le patronat signe un accord avec les syndicats.

Le drame, c’est que le poids du passé, pendant la paix, fait que les traitres social-démocrates et intellectuels bourgeois est tel qu’ils dominent encore les conseils. Les militants révolutionnaires sont à la base, mais au sommet la racaille du SPD est hégémonique.

Le gouvernement provisoire convoque des élections à une Assemblée Constituante pour le 16 février 1919. Les conseils d’ouvriers et de soldats doivent, eux, tenir leur congrès à Berlin le 16 décembre 1918. Et c'est exactement dans ces termes, « Assemblée nationale ou gouvernement des conseils » qu'est formulé le deuxième point de l'ordre du jour de ce congrès. Au Congrès des Conseils le 16 décembre, les quatre cinquièmes des délégués sont contrôlés par le SPD, contre 100 à l'USPD , dont seulement une cinquantaine de révolutionnaires, et une dizaine de « spartakistes » dont Rosa Luxemburg. La direction du SPD échange sans peine une "démocratisation" (sic) de l’armée contre les pleins pouvoir aux gouvernement Ebert-Scheidemann.

Une grande manifestation le 25 décembre (« Noël sanglant ») affronte des éléments de l'armée fidèles au gouvernement. Les spartakistes quittent l'USPD et fondent le Parti communiste d'Allemagne (KPD) lors d'un congrès fin décembre. L’armée étant très affaiblie, Noske et autres dirigeants du SPD, se remettent entre les mains des proto-fascistes des Corps Francs, groupes paramilitaires d'extrême-droite issus eux-aussi de la débandade de l’armée. Ils ouvrent déjà la marche aux hitlériens.

Une grève générale et des manifestations de masse ont lieu pendant deux jours dans la capitale. L'USPD et le KPD appellent à la grève générale à Berlin pour le 7 janvier et y proclament un "gouvernement révolutionnaire provisoire" le lendemain. Mais les Corps Francs commandés par les traitres réformistes, armés jusqu’aux dents et entrainés aux pires massacres pendant la guerre massacrent les ouvriers. C'est la Semaine sanglante (6-13 janvier), tout comme celle de la Commune de Paris. Les conseils ouvriers issus de la révolution de novembre sont liquidés dans toute l’Allemagne. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont capturés par les Freikorps et assassinés le 15 janvier.

Durant tout le printemps, ce qui s’est passé à Berlin va se répéter dans toute l’Allemagne contre les conseils ouvriers. En Bavière, en avril, les sociaux-démocrates proclament une "République des conseils", ensuite dirigée par les communistes, deux semaines durant, avant que la répression particulièrement sauvage fasse de la Bavière le bastion de la réaction en Allemagne .La résistance continuera sous différentes formes, jusqu'à la défaite en 1923.

La défaite de la révolution allemande n’a pas empêché la Russie de surmonter la guerre menée par l’alliance de la classe bourgeoise et féodale avec tous les Etats bourgeois de la planète. Même le jeune officier De Gaulle a combattu en vain la révolution russe en Pologne. Mais cette guerre de plusieurs années a en fait tué la dynamique politique démocratique et révolutionnaire de la révolution russe. 

L’écrasement de la révolution allemande par les réformistes sociaux-démocrates, dont les partis dits « socialistes » sont les héritiers, et qui ont fait souvent encore pire depuis, a une responsabilité directe dans les pires tragédies du siècle passé: toutes les formes de fascisme en Europe occidentale et le totalitarisme stalinien en Russie, dont Poutine et ses guerres sont aussi les héritiers.

En complément tous les jours la rubrique Politique de la Revue de Presse Emancipation!

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