Des conquis séculaires
Rappelons d’abord les siècles de lutte pour ne pas mourir au travail.
En 1673, Colbert fonde la Caisse des Invalides de la marine royale étendu à la marine marchande en 1709. Louis Philippe qui arrive au trône crée les pensions militaires en 1831, pour que les démobilisés ne rejoignent pas les mouvements d’opposition. Aujourd’hui, Macron 1er au service du capital soigne ses bandes armées pour la même raison…Les mineurs conquièrent leurs caisses en 1894, les cheminots en 1900 et les ouvriers de l’État en 1928.
Les spécificités en fonction des métiers ont toujours existé. Napoléon III concède à 60 ans en 1953 l’âge du départ à la retraite pour les fonctionnaires, après trente ans de service, mais à 55 ans pour les travaux pénibles après vingt-cinq ans de service. En 1898, la « Charte de la mutualité » accorde toute liberté aux Sociétés de secours mutuels que défendent notamment la jeune CGT. Des patrons, comme Meunier ou Godin, qui veulent s’attacher les meilleurs ouvriers, créent des caisses maison.
En 1910, puis en 1928, la loi crée des systèmes de retraite sans lendemain car les cotisations ne sont pas obligatoires. Elles deviennent obligatoires avec la loi de 1930 qui crée un régime mixte par capitalisation-répartition et ne concerne que les salariés gagnant plus de 15 000 francs par an.
Le système instauré en 1945 est lui-même un héritage ancien, puisque c’est entre 1883 et 1889 que Bismarck, sous la pression du mouvement ouvrier, met en place le premier régime de retraite par répartition, financé par les cotisations patronales et ouvrières, au prorata des revenus, et géré par les « partenaires sociaux ».
Pour gagner une telle bataille, il faut défendre une grande avancée
Tous les travailleurs en sont désormais convaincus. Le capital est prêt à tout sacrifier pour casser le régime des retraites. Il s’agit de beaucoup plus que de la carrière de Macron, que sa défaite écourterait. L’objectif de la bourgeoisie française, qui défend ses profits et sa compétitivité internationale, est de faire baisser le prix du travail, d’enfoncer un coin dans le système de répartition puis de spéculer avec les centaines de milliards capitalisés (le travail de BlackRock), mais aussi de continuer la baisse de ses impôts en remettant en cause toutes les avancées sociales. Après la casse du code du travail, puis de l’assurance chômage, voici le temps de la casse des retraites, qui annoncerait celui de la santé, de l’éducation, etc. Bref, le retour au capitalisme d’avant les conquêtes de la première moitié du siècle passé.
Face à un tel enjeu, le régime est prêt à toutes les formes d’autoritarisme et de déchainement de la sauvagerie policière. Les violences des milices macronales n’avaient encore jamais atteint une telle étendue en temps de paix. Tous l’héritage républicain s’en trouve menacé. La bourgeoisie française, pour arriver à ses fins, est prête à tout. Comme elle l’avait fait en soutenant les nazis, elle est prête, si Macron ne fait plus le job, à lui substituer les néo-fascistes.
Défaire ce projet implique un niveau de mobilisation massif et très déterminé du camp du travail. Pour une telle mobilisation, il ne suffit pas de se battre pour défendre un acquis, il faut se battre pour une grande avancée sociale pour nos retraites.
Les projets existent…
Les revendications ne manquent pas face à la casse progressive des retraites depuis des décennies. Ces revendications ont même fait l’objet de quantités de journées d’action, grèves et manifestations.
Ces revendications existent bel et bien. Jetons-y un oeil. Les revendications de la CGT sont les suivantes:
- départ à 60 ans
- à taux plein avec un revenu de remplacement à 75% du revenu net d’activité
- calcul sur les 10 meilleures années ou les 6 derniers mois et au minimum le Smic à 1800 euros.
- comptabiliser les années d’études pour les jeunes
- prise en compte de la précarité
- prise en compte des pénibilités des métiers (travail de nuit, postures pénibles, exposition à des agents chimiques, etc.)
- extension des dispositifs de départ anticipé existants
- indexer les pensions sur les salaires et non sur les prix.
Solidaires pour sa part revendique :
- taux de remplacement à 75 % des dix meilleures années ou du dernier indice,
- durée de cotisation de 37 ans et demi,
- pas de pension inférieure au seuil de pauvreté,
- égalité entre les hommes et les femmes au travail comme dans la retraite,
- départ à 60 ans, à 55 ans pour les métiers pénibles, pas de recul sur les droits acquis.
Les revendications FO sont exposées ici, celles de la CFDT ici, celle de la CFE-CGC ici.
Par ailleurs, les avancées défendues par les principales organisations politiques situés dans le camp du travail sont assez proches de celles des confédérations rassemblées dans l’Intersyndicale. On peut consulter celles du NPA ici, de la FI ici, ou du PCF ici.
Il existe aussi des projets de retraite alternatifs qui valent la peine d’être discutés, singulièrement celui de retraite universelle de Sud Energie. Ce projet détaillé et défendu ici prévoit une retraite identique pour tous à partir de 60 ans quelle que soit sa durée de cotisation, assortie d’un service public de la dépendance, pour ne pas laisser nos aînés confrontés à des maisons de retraites hors de prix ou maltraitantes. Son montant serait supérieur à la grande majorité des retraites actuelles.
… tout comme les moyens de financement
Les moyens de financement proposés diffèrent selon les confédérations et organisations, mais relèvent pour l’essentiel de l’augmentation des salaires, ce qui augmente dans la même proportion les cotisations, l’égalité de salaires entre hommes et femmes (un supplément de 6 milliards de cotisations), de la création d’emplois (3 millions de personnes c’est plus de 100 Md€ de salaires bruts, soit environ 30 Md€ de cotisations), de l’élimination des exemptions de cotisations patronales ou même leur augmentation. Le financement n’est certainement pas l’obstacle à la mise en place des avancées propososées.
Aux grévistes auto-organisés, là aussi, de prendre la main
Certains syndicats, unions locales, départementales ou même intersyndicales départementales mobilisent sur des revendications positives. Mais les salariés ont besoin de se battre sur un projet commun et concret de revendications sociales, qui unifie et donne force supplémentaire à leur lutte. Mais les confédérations de l’Intersyndicale ont passé ces revendications à la trappe, justement au moment où elles sont indispensables pour faire monter la mobilisation à la hauteur nécessaire. Et au seul moment enfin, où grâce à la mobilisation massive des salariés et majoritaire dans la population, elles pourraient être imposées. Les appels de l’Intersyndicale nationale ne proposent aucune avancée concrète à conquérir. Exemple: l’appel du 19 décembre affirme « la seule solution est de retirer sans délai ce projet régressif », abandonnant toutes les revendications des signataires sur le sujet des retraites. Le dernier appel intersyndical, du 3 Janvier, demande « le retrait du projet pour ouvrir des négociations constructives afin d’améliorer le régime actuel ».
Les confédérations et organisations de jeunesse membres de l’Intersyndicale auraient du s’accorder il y a des mois sur un projet commun d’avancées concrètes et, profitant de la résistance massive, lancer la bataille pour l’imposer. Elles ne l’ont toujours pas fait. Comme pour les caisses de grève, pour les formes avancées d’auto-organisation, pour la coordination interprofessionnelle, là où les directions confédérales sont défaillantes, il revient à la base de prendre les initiatives. Heureusement elles existent, et se multiplient comme jamais.