
Photo : rassemblement du 6.02.2022 contre la hausse des prix à Naseerabad dans le Baloutchistan
Par Jacques Chastaing
Trois marches nationales sont prévues dans les jours et semaines qui viennent en direction de la capitale Islamabad pour renverser le pouvoir d'Imran Khan, le 1er ministre islamiste soutenu par l'armée.
Il y a d'abord une marche paysanne qui doit commencer le 14 février, puis une marche du PPP un des grands partis d'opposition qui doit commencer le 27 février contre la hausse des prix et enfin une marche qui commence en mars organisée par le PDM, un regroupement d'une dizaine de partis d'opposition.
Ces trois marches nationales sont préparées par des manifestations, rassemblements et meetings locaux ou régionaux très suivis qui ont lieu depuis plusieurs semaines dans les différentes régions du pays (comme en voit un sur la photo dans le Baloutchistan ce 6.0.2022). Bien sûr, il ne faut pas attendre grand chose du PPP et du PDM, qui regroupent les grands partis bourgeois du pays mais le simple fait qu'ils soient poussés à cautionner et organiser ce genre de manifestations - renverser un gouvernement par la rue, c'est-à-dire une révolution - témoigne de la force de la poussée populaire dans le pays.
Cette poussée a commencé en octobre 2020 et n'a pas cessé depuis, même si PPP et PDM qui étaient alliés en 2020-2021et qui, déjà sous la pression populaire, avaient annoncé une grande marche pour renverser le gouvernement, avaient été affolés par l'immense succès de leur initiative et du coup y avaient finalement renoncé de peur d'initier un mouvement qui aurait pu tout autant les renverser eux-mêmes. Ils s'étaient donc divisés, s'accusant mutuellement de l'arrêt de la marche contre le gouvernement et du coup, dans la confusion, celle-ci s'était peu à peu arrêtée.
Elle reprend aujourd'hui, en fait sous la pression du mouvement paysan, lui-même encouragé par le succès du mouvement paysan en Inde. Pour ne pas laisser l'initiative au seul mouvement paysan dont personne ne sait jusqu'où il pourrait aller à l'image de ce qui se passe en Inde, les partis bourgeois ont décidé alors eux aussi de recommencer leur marches "révolutionnaires" pour tenter d'avoir un contrôle sur ce qui se passe. Et comme en 2020-2021, il y a foule. Même si ces grands partis bourgeois, ne le souhaitent pas, de fait, ils entraînent des centaines de milliers de gens dans la rue en leur parlant de révolution.
Par ailleurs, les deux provinces (sur quatre au total) à l'ouest du Pakistan, Baloutchistan et Khyber Pakhtunkhwa, aux frontières iraniennes et afghanes, peuplées de Baloutches et Pachtounes (le peuple majoritaire en Afghanistan) sous l'influence de partis d'obédience marxiste et nationaliste, sont quasiment en sécession, multipliant les manifestations, les grèves de masse et la guérilla armée tout à la fois contre le gouvernement pakistanais, son autoritarisme islamiste et ses mesures anti-sociales, mais aussi contre les talibans pakistanais et afghans que les partis baloutches et pachtounes ont quasi chassés du pays et donc certains menacent également de chasser d'Afghanistan.
La 3e province, le Jindh, est quasi également en sécession sous l'autorité du PPP et l'influence de courants sécessionnistes. Quand à la quatrième, le Pendjab, d'où le gouvernement tirait encore son autorité, c'est de là qu'est parti le mouvement paysan, tout comme chez son voisin, le Pendjab indien, sapant cette autorité gouvernementale dans son fief.
Le régime militaro-islamiste de Imran Khan, ne tient plus qu'à un fil, mais cette menace de révolution inquiète tout autant le PPP et le PDM.
Espérons que les classes populaires pakistanaises sauront aller jusqu'au bout de leur lutte et qu'elles sauront trouver dans le fil de leur combat, des porte paroles et organisateurs fidèles à leur lutte et leurs aspirations à un monde meilleur.
En complément tous les jours la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!
