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Billet de blog 7 mai 2022

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Mexique: le cadre du même modèle capitaliste néo-libéral -Eric Toussaint

Le porte-parole international du CADTM dans le journal « La Jornada »: « la 4e transformation n’a pas signifié un changement de modèle économique »

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Éric Toussaint interviewé par Dora Villanueva (La Jornada – Mexico) -Traduit par le CADTM

Mexico - La soi-disant quatrième transformation du Mexique, menée par le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO), n’a pas signifié un changement du modèle économique en tant que tel, seuls quelques ajustements politiques ont été effectués qui restent dans les limites du bien-être, malgré la fenêtre historique dont dispose le pays pour exercer sa souveraineté, selon Éric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM). Soulignons que le président Andrés Manuel López Obrador, dont le mandat a débuté en 2018 et se terminera en 2024, a promis de réaliser la quatrième transformation du Mexique. La première transformation correspond aux premières décennies de l’indépendance qui a été conquise en 1821, la deuxième transformation correspond aux réformes libérales et républicaines dans le 3e quart du 19é siècle sous la présidence de Benito Juarez, la troisième s’inscrit dans la révolution mexicaine qui a débuté en 1910 et surtout au sextennat de Lazaro Cardenas de 1934 à 1940. La quatrième prétend mettre fin aux politiques néolibérales qui dominent depuis les années 1980 et à reprendre et approfondir le cours entrepris par les trois premières transformations [1].

« Il ne s’agit pas d’une véritable transformation, c’est moins d’inhumanité de la part de l’État", déclare l’historien dans une interview accordée à La Jornada à propos de certaines des politiques mises en œuvre par le président AMLO et son gouvernement. Cependant, d’un point de vue financier, « cela reste dans le cadre du même modèle capitaliste néo-libéral, il y a de petites adaptations, mais la logique n’a pas changé et je pense que c’est très inquiétant ».

Le Mexique pourrait prendre des mesures pour nationaliser et socialiser les services publics tels que l’électricité, son système financier et de production

Le pays rate l’occasion de s’engouffrer dans une « fenêtre historique pour agir de manière souveraine », car avec le prix élevé du pétrole et la contradiction inter-impérialiste - cette dernière entre le capitalisme chinois, russe et américain - le Mexique pourrait prendre des mesures pour nationaliser et socialiser les services publics comme l’électricité, son système financier et de production, estime Toussaint.

Il souligne que, malgré les menaces des compagnies d’électricité, le Mexique est dans les meilleures conditions pour changer son modèle économique et nationaliser ses ressources « s’il veut vraiment se transformer, sinon ce sera la poursuite du même modèle ». Ce changement va de l’arrêt de la planification du développement du pays en fonction de l’économie du grand voisin du Nord, les États-Unis, à la socialisation de la banque.

« Le Mexique est dépendant de son voisin du nord depuis deux siècles. S’il n’y a pas de transformation plus profonde pour atteindre une croissance plus indépendante, plus souveraine, plus endogène, alors il n’y a pas de transformation », a déclaré le porte-parole du CADTM.

S’il n’y a pas de transformation plus profonde pour atteindre une croissance plus indépendante, plus souveraine, plus endogène, alors il n’y a pas de transformation

Il ajoute que, de manière générale, les économies du monde se trouvent dans une situation qui montre les failles du « modèle néolibéral mis en œuvre par le Fonds monétaire international (FMI) », puisqu’en plus d’une vingtaine de pays qui sont en défaut partiel de paiement de leur dette, il y en a plusieurs autres qui sont au bord de cette situation.

Par exemple, l’Ukraine, « qui a une dette auprès du FMI de plus de 15 milliards de dollars, et comme elle n’est pas en mesure de rembourser compte tenu de la guerre, un accord a été trouvé avec la Banque mondialeet le FMI pour lui accorder un nouveau crédit de 8 milliards de dollars pour maintenir les paiements », explique l’historien.

« Tous les éléments d’une crise majeure sont en place, mais une nouvelle crise du paiement de la dette n’a pas encore explosé », prévient-il. Cela dépend de l’actiondes banques centrales des États-Unis et de l’Union européenne, et il y aura toujours le risque d’une sortie massive de capitaux du Sud vers le Nord et plusieurs économies endettées pourraient être déstabilisées, estime-t-il.

En ce sens, il est nécessaire que les pays dépendent moins de la dette externe et interne, c’est possible grâce à une politique fiscale équitable qui taxe les plus riches et les grandes entreprises transnationales, et en veillant à ce que le secteur bancaire reste un service public et non une activité commerciale. « Il est très important de permettre aux familles paysannes d’accéder au crédit à des taux d’intérêt très bas », explique Toussaint.

De même pour l’énergie qu’il faut socialiser, « pour faire quelque chose de mieux que lorsqu’elle a été nationalisée », non seulement pour donner le contrôle à l’État, mais « pour que les utilisateurs et la société contrôlent les entreprises afin d’éviter la bureaucratisation et les projets qui ne sont pas vraiment adaptés à la population ». Même dans le domaine de la production, il faut promouvoir les petites unités plus proches des lieux de consommation d’énergie pour éviter le gaspillage.

En complément tous les jours la rubrique Amérique Latine et Caraïbe de la Revue de Presse Emancipation!

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