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Billet de blog 7 juin 2021

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Inde: les paysans font reculer la police et la justice aux ordres du dictateur

Le mouvement paysan vient d'imposer une série de reculs à l'Etat. Ce n'est qu'un début disent les leaders paysans. Dés que le covid le permettra, on peut être sûr que les jours du gouvernement Modi seront comptés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Jacques Chastaing

Lors de la journée de bannissement social et de blocage des résidences des députés et responsables du BJP, appelée par le mouvement paysan le 5 juin, l'un des députés bloqué dans l’État de l'Haryana - État dirigé par le BJP particulièrement agressif dans cette région - s'était énervé et avait agressé verbalement et physiquement des paysans, avec l'aide de la police qui avait procédé à l'arrestation de 3 militants paysans.

Aussitôt, les paysans ont riposté et ont, d'une part, demandé au député de s'excuser et, d'autre part, ont appelé les paysans à bloquer le poste de Police de Tohana dans l'Haryana où avait eu lieu l'incident jusqu'à ce que les militants soient libérés. A partir du 5 juin et jusqu'au 7 juin au matin, le poste de police a donc été bloqué jour et nuit par des milliers et des milliers de paysans et leurs soutiens, qui ont installé leurs tentes et des cantines gratuites, amenant même leurs vaches, autour du poste de police, y tenant meeting en permanence.

En même temps que des paysans affluaient de toute la région pour renforcer le piquet de blocage de Tohana, le SKM (Front Uni Paysan), la coordination qui anime le soulèvement, appelait à bloquer tous les postes de police de l'Etat de l'Haryana (25 millions d'habitants) à partir du 7 juin si les paysans emprisonnés n'étaient pas libérés, ce qui aurait signifié peut-être un appel plus tard à bloquer tous les postes de police du pays, si le BJP s'obstinait.

Voyant la mobilisation grandir et craignant qu'elle soit l'étincelle qui entraîne la colère de tout le pays, le BJP cédait, libérait les paysans arrêtés et accédait à toutes leurs demandes : le député Babli s'excuse, ses collègues retirent leur plainte contre les paysans, les procès sont annulés.

C'est une démonstration de force et une victoire à caractère national pour les paysans, pour quatre raisons.

D'abord, elle suit un autre succès du même type obtenu le 24 mai, à Hisar, toujours dans l'Haryana, où déjà, lors de leur application du bannissement social des responsables du BJP par les paysans, c'est-à-dire l'interdiction de toutes leurs activités publiques, les paysans avaient bloqué le 16 mai le ministre chef (1er ministre) de l'Etat d'Haryana, qui pour se libérer avait fait donner sa police de manière très violente, blessant de nombreux paysans, en arrêtant un certain nombre et en accusant 350 de violences et même de meurtre !

La riposte paysanne avait été massive.

Face à ça, comme à Tohana, le BJP, avait cédé, renonçant à toute poursuite et indemnisant même les paysans qui avaient eu des dégâts matériels, du fait de la police, par exemple sur leurs véhicules.

Ensuite, la seconde raison, c'est que ces reculs du parti au pouvoir, là où il est le plus agressif depuis le début, montrent l'impuissance du pouvoir face aux mesures montantes de bannissement social prononcées par le mouvement paysan. Le pouvoir donne ainsi une certaine reconnaissance au contre pouvoir paysan et une certaine légitimité "légale" à ses actions pour paralyser le BJP.

Et cela parce que le 5 juin, journée où le mouvement paysan appelait pour la première fois à une journée de bannissement social - de blocage des résidences des responsables BJP et alliés ou centres de pouvoir partout dans le pays (en brûlant effigies de Modi ou lois agricoles) - alors que jusque là il n'était en capacité de le faire que dans deux à trois Etats, Pendjab, Haryana et Uttar Pradesh, cet appel avait été massivement suivi dans quasi tous les Etats et les districts du pays.

La troisième raison est que ces succès à Tohana et Hisar donnent le moral aux paysans et les incitent à renforcer leur mobilisation et aller plus loin encore.

Ainsi, les convois de paysans et soutiens qui montent sur les campements de Delhi sont de plus en plus nombreux et fournis, et d'Etats divers, comme le Rajasthan, l'Uttarakhand ou l'Uttar Pradesh, avec par exemple, près de 3 000 véhicules de paysans et soutiens venus de Ambala (Haryana) pour la seule journée du 6 juin.

Ainsi, les paysans ont prêté serment le 6 juin, dans de nombreux village, qu'ils continueraient la lutte jusqu'à la victoire totale.

Ainsi encore, beaucoup annoncent qu'après la défaite électorale du BJP au Bengale occidental, ils feraient bientôt tomber les gouvernements BJP dans l'Uttar Pradesh et l'Uttarakhand puis le Madhya Pradesh et que dès que le covid le permettrait, ils reprendraient les Mahapanchayats.

Ainsi enfin, le 6 juin, les paysans rendaient hommage dans de nombreux endroits à 7 paysans assassinés par la police en 2017 ans le Madhya Pradesh, s'inspirant de leur sacrifice pour mener leur combat jusqu'au bout.

La quatrième raison est que ce succès des paysans, confirme leur autorité grandissante sur la société, entraînant derrière eux toutes les classes popularies et fédérant avec eux toutes les colères, des ouvriers, des jeunes des commerçants, des femmes, des étudiants et de tous ceux qui sont révoltés par la gestion scandaleuse du covid par le gouvernement Modi, comme ceux, qui par exemple se rassemblent tous les dimanches en hommage aux victimes du covid, pour dire que le gouvernement est responsable de chaque mort par défaut de lits, d'oxygène ou de médicaments.

Ce n'est qu'un début comme le disent les leaders paysans, et dés que le covid le permettra, on peut être sûr que les jours du gouvernemente Modi seront comptés.

PHOTOS

Campement devant le poste de police de Tohana, bloqué jour et nuit par les paysans ; tous les dimanches ont lieu des rassemblements pour rendre hommage aux victimes du covid tuées par le gouvernement de Modi, faute de lits, d'oxygène, de médicaments ; les paysans arrivent à Hisar, où comme à Tohana, le pouvoir a reculé

En complément tous les jours le dossier Soulèvement en Inde et la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

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