Comme à l'hiver 2020 et au printemps 2021, de nouvelles grèves et manifestations ouvrières traversent le Pakistan accompagnées de soulèvements régionaux notamment des Pachtounes tandis que l'opposition laïque a nouveau réunifiée comme il y a 6 mois, a appelé après le succès massif d'un premier rassemblement fin août, à 30 rassemblements de ce type d'ici la fin de l'année, appelant "le peuple à se lever et à faire la révolution" afin "d'enterrer le gouvernement par une marée de manifestants qui prendraient d'assaut Islamabad".
C'est le même discours qu'il y a 6 mois avec également un appel à la révolution et une marche sur Islamabad pour chasser le pouvoir de ses palais. Une politique qui avait été suivie avec enthousiasme par des marées humaines pleines d'espoir mais qui avait été stoppée par l'éclatement de l'opposition unifiée du fait de sordides querelles électorales en mars 2021 entre les différents partis.
On ne sait pas ce qu'il en sera en cette fin d'année. Ce qui est sûr c'est que le peuple pakistanais - loin des clichés de fanatiques religieux que les médias occidentaux aiment montrer de lui - a témoigné sa grande disponibilité pour cette politique révolutionnaire contre la dictature religieuse et militaire en répondant fin août à nouveau massivement et de manière historique à l'appel au rassemblement de l'opposition unifiée.
Pour le moment, les grèves les plus massives sont surtout celles des enseignants contre la privatisation de l'école en particulier dans la région d'influence des Taliban. Mais peut-être de manière plus démonstrative, c'est la grève fin août dans les banlieues industrielles de Korangi et Landhi à Karachi pour l'application du salaire minimum et son augmentation qui doit retenir l'attention. D'abord elle a gagné en obtenant une augmentation du salaire minimum, mais surtout elle a entraîné dans la même lutte des ouvriers des usines de General Tyres, Opal Laboratories, Adam Jee Engineering, IIL, Merit Packaging, Atlas Engineering, Denim Clothing, Suzuki Motors, Feroze Textiles, Aspin Pharma (Johnson et Johnson), Phoenix Arms, Artistic Millennial, Opel Industries, Honda... et les a réunis dans une manifestation commune d'un millier d'ouvriers le 28 aout malgré les menaces et l'intervention violente de la police.
C'est important pour l'avenir parce que les initiateurs de cette lutte, organisés dans un comité indépendant, ont affiché leur intention de faire que cette lutte serve d'exemple pour le pays en commençant par les autres zones industrielles de Karachi. Le Pakistan est une poudrière parce que ces usines sont de véritables prisons quasi sans droits où les capitalistes ont profité du covid pour encore intensifier leurs attaques contre les travailleurs et où donc maintenant plus guère de travailleurs ont un emploi permanent, la plupart étant devenus des journaliers embauchés par des intermédiaires sous-traitants de main-d'œuvre avec pour surveiller les ouvriers un développement important de "syndicats" patronaux.
Pour arriver à cette lutte commune, il a fallu que les travailleurs non seulement surmontent les conditions féroces d'exploitation et la soumission qu'entraîne la surveillance policière à laquelle ils sont soumis au travail comme en dehors tout en surmontant également toutes sortes de préjugés qui les divisent, imposés par les classes dirigeantes – divisions de religion, de caste, de langue et d'ethnie.
Espérons qu'avec une telle volonté et un tel courage, parce qu'il en faut pour manifester et faire grève au Pakistan, les travailleurs de la ville ou de la campagne sauront construire leurs propres organisations indépendantes pour ne pas dépendre des politiciens bourgeois et aller jusqu'au bout du programme de "révolution" affiché par ces derniers.
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