Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

10961 Billets

0 Édition

Billet de blog 9 octobre 2017

Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

Catalunya: le gouvernement de Madrid marque des points...

Le mouvement national catalan parviendra-t-il à reprendre l'initiative ? Une semaine décisive s'ouvre...

Jean-Marc B (avatar)

Jean-Marc B

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

8 oct 2017 - Site NPA 34

Dimanche 8 octobre
Voilà une semaine qui se termine à l'envers, pour ainsi dire, de ce qu'elle avait commencé à signifier : dimanche dernier, le bras de fer autour du référendum avait nettement tourné à l'avantage du mouvement national indépendantiste. Son esprit de décision, face aux incroyables mesures répressives mises en branle par le pouvoir central pour empêcher la consultation, atrouvé un correspondant surdémultiplié dans la population : la police et la Garde Civile se sont heurtées à une résistance civile pacifique de masse qui a renvoyé au monde entier la leçon que l'on peut gagner ... contre plus fort que soi. Une leçon longtemps oubliée qui renoue en pointillés, sans qu'il y ait pleine conscience de la chose, à une moindre échelle d'intensité et évidemment sans la dimension tragique d'alors, dans les années 60-70, avec le fil rouge de la résistance du peuple vietnamien face à la puissance de l'armée étasunienne. Que de défaites depuis... Et aujourd'hui ce miraculeux signal catalan, modeste à l'échelle de l'histoire mais décisif pour la reconstruction des logiques émancipatrices bien au-delà de la seule Catalogne... Succès donc du référendum, certes tenu dans des conditions d'irrégularité techniques imputables entièrement à la politique de la terre brûlée antidémocratique promue par Mariano Rajoy. Une légitimité politique de l'indépendantisme s'est imposée en élargissant sa base populaire, non pas seulementni unanimement en faveur du projet de rupture avec l'Etat espagnol et d'avancée vers une république catalane mais aussi pour la capacité des acteurs du mouvement national à traduire une puissante aspiration démocratique à voter envers et contre tout, que ce soit pour le oui ou pour le non à l'indépendance.
La grève générale de mardi a confirmé, voire accru, cette dynamique de boule de neige en imbriquant une mobilisation des salarié-es de la région sur leur lieu de travail et dans la rue avec une mobilisation civique qui était en prolongement direct de celle de dimanche. Le tout a culminé en une puissante manifestation de 700 000 personnes à Barcelone.
Mais c'était sans compter sans les ressources  politiques d'un régime trop vite présentéaux abois, assommé par son échec dominical. Le soir même de la grève générale, la contre-offensive a été lancée par la brève allocution télévisée du roi d'Espagne toute tendue à soutenir le gouvernement central et à appeler à une répression encore plus violente contre le défi indépendantiste. Dans le même temps les annonces que les banques catalanes et nombre de grandes entreprises commençaient à déménager leurs sièges hors de Catalogne visaient à créer la panique sociale et économique. La manoeuvre était habile qui paradoxalement actait le succès politique des indépendantistes et l'idée que la marche vers la sécession avait le vent en poupe au point de faire fuir de puissantes entreprises, pour immédiatement donner la douche froide : non seulement vous, catalanistes, aurez une répression policière et judiciaire d'une violence inouïe mais vous provoquerez une sévère crise économique et sociale dont vous serez les premières victimes. La contradiction saute certes aux yeux : la répression annoncée ne pouvait, pour ses initiateurs, que faire avorter la rébellion  et donc rendre sans effet l'annonce du départ des banques et des entreprises... Peu importe la stricte logique, il y avait de la politique du choc, à fort impact émotionnel, dans la stratégie de reconquête du rapport de force mise en oeuvre par le pouvoir.
Le fait est que l'initiative en cette fin de semaine est passée du côté des opposant-es au mouvement national catalan : c'est tout le pays qui a été appelé à basculer anti-indépendantiste catalan en faisant s'articuler deux modalités, en apparence seulement contradictoires, de mobilisation, surtout suivies à Madrid hier et à Barcelone aujourd'hui : celle des dialoguistes des marches blanches et celle des unionistes à tout crin contre le sécessionisme. Le spectre de l'anticatalanisme dans cette double version combinée, soft (plutôt sous influence socialiste) et hard (clairement menée par la droite et l'extrême droite mais avec présence des socialistes !), a ainsi balayé large et a mis sur la défensive le bloc indépendantiste.
L'hésitation y est claire : la perspective d'une déclaration unilatérale d'indépendance s'éloigne. Le président de la Généralité n'envisagerait plus qu'une déclaration d'intention indépendantiste sans effet immédiat qui chercherait ainsi à créer les possibilités d'une négociation avec Madrid. Même l'ANC et l'Omnium mettent en veilleuse leur capacité de mobilisation dans la rue : rien n'a été tenté pour faire pièce aux manifestations susmentionnées. Seuls les Comités de Défense du Référendum, la CUP, des syndicats minoritaires et diverses associations, sans non plus avoir rien produit de significatif ces derniers jours, annoncent dès demain lundi le lancement d'une grève générale devant renouer, par-dessus l'intervalle des contre-manifestations de ces deux derniers jours, avec la mobilisation du début de semaine. Leur objectif est double : continuer et accentuer la dynamique de la victoire référendaire tout en pesant sur les courants nationalistes devenus conciliateurs et, particulièrement, sur l'intervention de mardi de leur représentant, le président Puigdemont, devant les parlementaires, pour qu'ils ne reculent pas sur la feuille de route établie par ce même parlement. L'heure est toujours, pour ce pôle radical, à la proclamation unilatérale de l'indépendance...
Il se joue, désormais de façon de plus en plus ouverte, un rapport de force dans le rapport de force  : pour retrouver le second face au pouvoir central, il faut gagner le premier face à des alliés locaux qui sont tentés de ne plus suivre dans l'épreuve de...force ! Qui (re)gagnera l'esprit et les coeurs du peuple courageux d'un jour de référendum et d'une journée de grève générale ? Un peuple resté, sauf quelques rares exceptions, inactif et observateur sur cinq très (trop) longs jours. Comment maintenir, malgré ces tensions internes au mouvement, insidieuse quadrature du cercle, l'unité des protagonistes d'une mobilisation qui ne saurait, en l'état du moins, se diviser devant un gouvernement habile à reconstruire une large unité dans le pays autour de lui ? Unité qui pourrait l'amener à provoquer des élections anticipées lui permettant de vérifier, terrible hypothèse, que la question catalane lui aura permis de se refaire une santé politique, c'est-à-dire de reconquérir la majorité absolue que l'onde de choc du mouvement des Indigné-es lui déniait depuis si longtemps. Scénario catastrophe, a priori loin d'être gagné mais les occasions politiques gâchées par les uns font s'accélérer, et parfois même se retourner, les événements au profit des autres. "Qui n'avance pas, recule" ?
Samedi 7 octobre

 Les échéances se rapprochent, l'incertitude augmente...

 Sur fond de manifs espagnoliste et "blanche", un indépendantisme à la croisée des chemins

Puigdemont a rencontré la représentante des avocats de Barcelone


Journée d'importantes manifestations sur tout le territoire de l'Etat espagnol, mais principalement à Madrid et à Barcelone, qui finissent de structurer, certes de façon assez instable, le paysage politique sur la question catalane autour de trois positions : celle des partisan-es de l'unité de l'Espagne et du rejet du sécessionisme catalan, déployant force drapeaux espagnols, aurait réuni, selon la police, 50 000 manifestant-es à Madrid. Ils/elles sont mobilisé-es par le Parti populaire et l'extrême droite en ce qui participe d'une extrême droitisation accélérée ... d'une droite déjà fortement radicalisée ! Vêtu-es de blanc et déployant des bannières de la même couleur dénonçant tous les drapeaux partisans, ils/elles étaient, toujours selon la police espagnole, 1500 à Madrid et .. des milliers à Barcelone à se prononcer pour le "dialogue" entre les parties impliquées dans le conflit en Catalogne. Leur leitmotiv "hablemos" ("parlons") revendique uneéquidistance devant les enjeux et postule qu'il suffit de s'asseoir à une table de négociation pour que forcément il en résulte quelque chose d'acceptable pour tout le monde. La présence de représentant-es du PSC, les socialistes catalans, dans lamanifestation blanche de Barcelone, semble indiquer dans quel sens penche la balance politique même si, de toute évidence, la motivation des présent-es à ces manifestations "dialoguistes" présentait des nuances visibles sur les pancartes brandies, depuis ceux/celles qui mettaient en avant que la priorité est que la police ne réprime pas un peuple jusqu'à ceux/celles qui, plus aligné-es politiquement qu'ils/elles ne veulent le dire, renvoyaient dos à dos les protagonistes du conflit à travers un sonore "ni DUI (Déclaration Unilatérale d'Indépendance) ni 155 (l'article constitutionnel permettant au gouvernement central de prendre le pouvoir sur la région autonome catalane)". C'est le PSC et son alter ego national, le PSOE, qui cherchent à tirer le plus parti de ce type de positionnement pour faire oublier le confusionnisme qui, manifestant la division dansleurs rangs, leste leurs propres positionnements naviguant entre des déclarations appelant au dialogue et celles, bien moins "blanches", qui invitent le gouvernement du PP à ne rien céder aux sécessionnistes !
Pour résister à la pression maintenue du gouvernement à laquelle se superposent, de façon contradictoires mais combinées celles de ces deux mobilisations, le camp indépendantiste se caractérise par deux options, présentes depuis le début du "processus" mais qui, en ce moment, expriment des tensions quant à la marche à suivre.
Le président de la Généralité continue à temporiser en acceptant de recevoir une délégation du collège des avocats de Barcelone proposant une formule qui, disent-ils/elles, permettrait de débloquer les choses. Qu'on en juge : il suffirait de proposer que les parties en conflit acceptent une rencontre de "conciliation" et non plus de "médiation", celle-ci étant inacceptable pour le gouvernement de Madrid puisqu'elle vaudrait reconnaissance que le gouvernement catalan est son interlocuteur à égalité de légitimité. La conciliation, selon l'expertise juridique mobilisée par les avocats, ne confèrerait aucun statut de sujet politique à celui-ci ! Le syndrome de la prise de vessies pour des lanternes étant plus répandu qu'on ne l'imagine dans certaines sphères politiques, le président Puigdemont retarde d'un jour sa comparution devant le parlement catalan où il devait annoncer la DUI. "Devait" et pas, malgré l'interdiction du Tribunal Constitutionnel, "devrait" car il se murmure que, dans la logique conciliatrice avancée sous l'égide des avocats barcelonais, ledit Puigdemont pourrait renoncer à la proclamation de l'indépendance au profit d'une ... déclaration sur "le contrôle du territoire" par les autorités catalanes, contrôle éventuellement présenté comme... "différé" ou "conditionné" qui ne deviendrait effectif qu'en janvier prochain.
Seul hic à ce qui apparaît comme un véritable et assez grotesque enfumage : la réalité des rapports de force politiques qui prennent en tenaille le pôle conciliateur de l'indépendantisme (Puigdemont mais aussi, nombre de membres de la direction de  son parti et son prédecesseur à la tête de la Généralité, Artur Mas, qui clame à qui veut l'entendre que l'indépendance n'est pas, n'est plus à l'ordre du jour). L'une des branches de la tenaille étant, bien entendu, le refus du gouvernement de Madrid de faire la moindre concession et de maintenir le choix du tout répressif, que la manif espagnoliste de Madrid appuie; l'autre branche de la tenaille est celle de la CUP, de l'ANC et de l'Omnium qui, au grand regret des "observateurs de la chose politique" ont une force de frappe dans la rue, appuyée sur des appels à la grève générale pour le début de la semaine prochaine, capable de faire capoter les bien dérisoires conciliabules institutionnels menés sous l'égide des avocats barcelonais. A quoi il faut ajouter qu'une rupture de Puigdemont avec la CUP lui ferait perdre une majorité parlementaire dont il apparaît impensable, sous peine d'un terrible discrédit auprès de sa base électorale et sociale, déjà très déstabilisée, qu'elle puisse se reconstituer avec un PSC honni dont personne n'oubliera de si tôt qu'il a été l'instigateur de l'interdiction par le TC de la session parlementaire prévue initialement lundi.  
Les choses bougent donc mais sans que l'on puisse dire dans quel sens. L'heure de vérité sonnera très probablement lundi ou mardi prochains !

 Canal+ imagine un "classico" Real Madrid-Barça télescopé par l'actualité répressive du gouvernement central

Le clou : Rajoy au point de pénalty pour "le but le plus triste de l'histoire" ! 

  Cliquer ici 
Autre détournement humoristico-politique, celui du célèbre et énigmatique tableau de Goya "Chien à moitié enfoncé"
A moitié enfoncé
Chien à moitié enfoncé (et un ami) - Francisco de Goya

Pedro Sánchez (secrétaire général du PSOE)
: Je m'efforce de comprendre la Catalogne mais...est-ce que la Catalogne s'efforce de me comprendre, moi ?
Et ceci encore : Franco : "Je n'étais  pas mort, non, non" (sur TV3, la télévision publique catalane)


"Je sauvais l'Espagne, la police cognait les grands-mères !" Cliquer ici 

Vendredi 6 octobre

 La résistance aux diktats du gouvernement central 

---------------------

Note. Nous reportons à demain samedi le traitement de l'annonce du transfert des sièges sociaux de certaines banques ou entreprises hors de Catalogne. Pour info brève en attendant: Caixabank déplace son siège social à Valencia. Elle est la deuxième banque de la région pour les parts de marché qu'elle y détient. La part qu'occupe la Catalogne dans l'activité de cette banque s'élève à 17,6%. La Banque Sabadell a, quant à elle, décidé de transférer son siège social à Alicante et l'entreprise Gas Natural à Madrid. 

--------------------------

La position de la CUP (Candidature d'Unité Populaire)


Il s'agit d'un parti anticapitaliste et indépendantiste qui forme le bloc politique pour l'indépendance catalane avec la coalition Junts pel Sí (Ensemble pour le oui), qui regroupe essentiellement le parti du président de la Généralité (PDeCAT, Parti Démocrate Européen Catalan, droite libérale) et les sociaux-démocrates républicains indépendantistes de l'ERC et qui est appuyée par les deux grandes associations indépendantistes l'ANC (Assemblée Nationale Catalane) et Omnium Culturel. Junts pel Sí compte 62 députés sur un total de 135 et a besoin des dix élus de la CUP pour avoir la majorité parlementaire.

Extraits de l'entrevue accordée par la députée Mireia Boya à Mediapart et publiée ce jour.
"D’abord, je veux dire que ce n’est pas une déclaration unilatérale [d'indépendance] : il y a déjà eu un référendum, les gens ont voté. Nous ne faisons qu’exécuter le résultat de ce vote. C’est donc une déclaration d’indépendance."
"[Malgré l'interdiction, par le Tribunal Constitutionnel, de tenir la session du parlement catalan prévue pour lundi prochain] nous travaillons sur un scénario de déclaration d’indépendance, ce lundi, qui puisse y compris s’accompagner de déchéances de droits pour les élus, même d’arrestations. Nous assumons ce risque."  
"Après la déclaration d’indépendance, entrera en vigueur la loi « sur la période de transition juridique servant à fonder la République » [déjà adoptée en septembre, avant la tenue du référendum, qui prépare le terrain à l'élection d'une constituante – ndlr]." 
"La loi sur la période de transition précise que le processus constituant doit commencer entre six et huit mois après la déclaration d’indépendance."
"Avant la déclaration de l’indépendance de lundi, il n’y a pas de médiation possible. Parce que l’État espagnol n’en voudra pas. Il faudra une médiation, oui, après la déclaration d’indépendance, pour procéder à la répartition des actifs et des passifs, par exemple [pour le partage de la dette, etc. – ndlr]. On a besoin d’un médiateur. Mais à quatre jours de la déclaration, il n’y a pas de médiation possible. De toute façon, il n’y en a jamais eu depuis sept ans."
"La grève générale du 3 octobre a montré que les gens n’avaient pas peur de sortir à nouveau dans la rue, pour dénoncer la violence et exiger le respect des droits de l’homme élémentaires. Nous espérons donc que les gens vont de nouveau se mobiliser à l'occasion de la plénière de lundi, que nous, parlementaires, ne serons pas seuls, et que toute cette force populaire sera à nos côtés lundi." 
"Ada Colau, la maire de Barcelone [qui défend le droit à un référendum avec des garanties, dénonce les violences policières, mais ne soutient pas pour autant la stratégie du gouvernement régional vers l’indépendance ] a choisi une position médiane entre les deux camps, qui m’attriste. Elle a noué, pour gouverner la mairie de Barcelone, un pacte de gouvernement avec les socialistes du PSC, qui sont opposés à ce processus d’indépendance. Elle ne peut donc pas prendre parti de manière claire." L'intégralité, réservée aux abonné-es, de l'entrevue sur le site de Mediapart 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.