par Scandre Hachem
Lors des élections présidentielles de 2017, je me suis abstenu de voter au deuxième tour. Macron versus Le Pen, pour moi, c'était déjà du pareil au même. Et je ne pouvais faire nulle confiance à un individu sorti d'un tiroir de banquier. De plus, son parcours entièrement lové dans un cocon doré, loin de la réalité de l'immense majorité du peuple français, me permettait déjà de penser et dire qu'il ne connaissait rien de la France. D'autres personnes politiques viennent du même cocon, mais celles-là, apprennent à connaître progressivement, durant des années et des décennies, même avec leur prisme déformant, la réalité des français et de la France, à travers les mandats électifs successifs gagnés aussi en faisant du porte à porte, en intervenant sur les marchés et d'autres lieux publics, dans l'accueil et l'écoute de leurs administrés au cours de l'exercice de leurs mandats. Macron sort de rien entre son cocon doré et les ors de la République, sans aucune traversée de la France du réel, avec ses complexités, ses contraintes, ses diversités. Le séparatisme qu'il dénonce aujourd'hui chez d'autres, lui est né dedans, l'ignorance et la suffisance en plus. Un tel personnage ne pouvait se représenter l'État que comme l'opportunité de marchés et de profits, prisme central du monde de la banque.
En conséquence, aucune illusion sur Macron et je suis heureux de constater que nombreux sont aujourd'hui à le réaliser. N'en déplaise à l'aristocratie de gauche à l'instar de celle qu'on nommait l'aristocratie ouvrière il y a encore quelques décennies.
L'attitude même de Macron, chaque fois qu'il est face à des difficultés sérieuses, qui proclame que plus rien ne sera comme avant, pour reprendre strictement la même politique en l'accentuant une fois l'orage passé, prouve qu'il relèverait d'un esprit dont la nature est de l'ordre du crapuleux et de la lâcheté. Donc aucune confiance en Macron, une fois pour toutes.
Durant son quinquennat à la tête de l'État, Macron a continué dans la voie de ses prédécesseurs immédiats, Sarkozy puis Hollande pour ne pas les nommer. Il a parachevé à outrance leur œuvre qui a pavé, progressivement et sûrement, la voie à Le Pen qui n'a plus qu'à se servir une fois au pouvoir. L'arsenal juridique est complet, elle n'aura nul besoin d'en rajouter sinon pour complaire à la partie de son électorat qui est d'extrême droite, la grande majorité de celui-ci ne l'étant nullement faut-il le rappeler, mais par contre prêt à se fourvoyer malheureusement dans quelque sinistre aventure si une alternative crédible et forte ne l'en détourne pas en lui offrant un projet sérieux, honnête, qui ne trahit pas à la moindre occasion en se drapant d'une belle phraséologie, de grandes et éminentes valeurs humanistes démocratiques et d'un scientisme de bas étage érigé en La Science, dont les porteurs n'ont pour but essentiel que de réaliser leur besogne, servir leurs intérêts de classe et, plus particulièrement, ceux pour lesquels et grâce auxquels, généralement, ils paradent dans les différentes sphères de pouvoirs.
Voter Le Pen pour se débarrasser de Macron en guise de vengeance contre son arrogance, son mépris des seconds de cordée caressés dans le sens du poil mais utilisés pour être jetés comme des serpillères usées à la moindre incartade, et de tous les autres, l'écrasante majorité des Français, ces riens comme il les nomme ; sa politique entièrement vouée à ceux qui appartiennent au cercle des "un pour cent", et en face, pour les accompagner, ses mesures désastreuses contre les pauvres, les fragiles et les couches moyennes de plus en plus largement et profondément prises dans la nasse, tout cela serait faire preuve d'une morale qui rabaisse au niveau de ceux qui éprouvent de la joie, cette joie mauvaise, même si son irruption est compréhensible, mais qu'on ne doit pas pour autant laisser nous dominer et déterminer notre attitude, face aux malheurs de ceux qui nous ont fait du mal ; c'est donner du crédit à cette partie de l'électorat de Le Pen qui n'est nullement d'extrême droite mais risque de se laisser entraîner et embrigader dans on ne sait trop quelles dérives ; c'est conforter dans leur attitude toutes celles et tous ceux qui ont pris leurs distances vis à vis des Institutions comme de ces partis politiques qui sont, à leurs yeux et par leurs perception et expérience, tous du pareil au même. C'est tout autant nous décrédibiliser, en tant que militants, en tant que force politique et décrédibiliser notre projet.
À l'inverse, le problème est que, malheureusement, et du fait même que Macron et Le Pen sont des alter égo, appeler à voter Macron pour faire barrage prétendument barrage à Le Pen aura les mêmes conséquences quant aux rapports avec tous ceux qui n'en peuvent mais, et qui, au fil des années et des décennies, ont baissé les bras, se sont détournés de ceux qui devraient parler et agir avec eux et pour leurs intérêts propres, ou alors, pour certains, se sont laissés dériver jusqu'à se nicher dans les bras de leurs ennemis de classe. C'est dire jusqu'où la colère et l'aveuglement peuvent entraîner l'être humain.
Par ailleurs, un vote Macron pour faire barrage à Le Pen, c'est en plus conforter la classe politique à perpétuer ses bases œuvres, à toujours trahir les rêves qu'ils font naître dans l'électorat populaire pour mieux le trahir une fois au pouvoir.
En conclusion, ni appel à voter Le Pen, ni appel à voter Macron pour soit disant faire barrage à Le Pen. Que chacun se détermine en fonction de sa conscience et de sa réalité de vie concrète. Les français sont mûrs pour savoir quoi décider. Ils ont aussi le droit de se tromper.
Transformer sa colère en une énergie noble et féconde et préparer, avec l'acquis de ce qui a déjà été réalisé, les prochaines échéances électorales, notamment législatives, tout en étant mobilisés dans le soutien et la participation aux luttes sociales et sociétales, aux combats politiques et idéologiques comme à tout ce qui fait avancer la justice, l'appropriation des citoyens de leur vie au quotidien, participer et promouvoir toutes les mobilisations autour de la protection de la vie et de l'équilibre de notre si belle et hospitalière planète. C'est cela l'enjeu.
Scandre HACHEM
Le 12/04/2022
En complément tous les jours la rubrique Politique de la Revue de Presse Emancipation!
