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Billet de blog 15 avril 2022

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La meilleure réponse à l'extrême-droite, c'est le féminisme !

Macron et Le Pen: un choix restreint, entre la casse sociale et un bilan insuffisant concernant l’égalité femmes-hommes et un programme misogyne et xénophobe qui menace les droits fondamentaux. Comment riposter au-delà des urnes ? Aurore Koechlin, sociologue du genre et de la santé, militante féministe révolutionnaire, dessine des pistes d’action et de réflexion.

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Source: La Déferlante 

Quels sont, pour vous, les enjeux du second tour de la présidentielle?
 
Il s’agit d’éviter la démoralisation. Une grande partie des féministes a placé ses espoirs dans le vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes maintenant face à un second tour Macron-Le Pen, avec d’un côté la promesse de réformes néolibérales violentes et de l’autre un programme d’extrême-droite. Mais il ne faut pas oublier que le 24 avril marquera aussi la fin de la séquence présidentielle, donc le retour à une vie politique moins polarisée sur le seul jeu institutionnel, et le début potentiel de ce que certains et certaines dans les milieux militants appellent un « troisième tour social ». C’est là-dessus qu’il faut se concentrer pour ne pas céder à la démoralisation.
 
Comment les logiques de genre, de race et de classe sociale se sont-elles déployées dans cette séquence politique?
 
Beaucoup de candidates et de candidats auront tenté de jouer la carte féministe pour gagner les voix de cet électorat. Mais cet engagement est bien sûr totalement superficiel, pour ne pas dire mensonger. Pendant cinq ans de présidence Macron, aucun financement significatif n’a été dévolu à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Avec la loi de 2018 qui pénalise le harcèlement de rue, le féminisme est instrumentalisé pour les besoins d’une politique qui exclut prioritairement les hommes des classes populaires et/ou racisés, alors que les violences touchent toutes les classes sociales. 
 
La vision du « féminisme » de Marine Le Pen est également un fémonationalisme, pour reprendre le terme de la sociologue Sara R. Farris : une instrumentalisation du féminisme à des fins racistes. Son projet a pour centre de gravité la famille blanche, hétérosexuelle, considérée comme le lieu de la régénération potentielle d’une communauté imaginaire. C’est pour cette raison que le programme du Rassemblement national (RN) est centré sur une politique hyper nataliste qui vise à renvoyer les femmes au foyer. Marine Le Pen est bien l’ennemie des féministes !
 

« LA RECONSTRUCTION À GAUCHE
NE VIENDRA NI DES ÉLECTIONS,
NI DES STRUCTURES POLITIQUES
MAIS DES MOBILISATIONS 
 »

 
Malgré tout, si on adopte des lunettes intersectionnelles pour analyser les élections, un point mérite qu’on s’y attarde. Avec le résultat du vote de dimanche dernier, on constate que dans les départements dits d’outre-mer, mais aussi dans les banlieues des grandes villes, majoritairement composées de membres des classes populaires et racisé·es, Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête, et que l’extrême-droite n’y a remporté que très peu de suffrages. À mon sens, on a là les bases de la reconstruction d’une conscience de race (au sens de conscience du racisme) et de classe indéniable.
 
Sur quelles bases la gauche peut-elle aujourd’hui se reconstruire?
 
Je pense que la reconstruction à gauche ne viendra ni des élections ni des structures politiques déjà existantes, qui sont, par définition, toujours en retard sur la réalité du terrain. Elle viendra d’abord des mobilisations qui ont pour effet, entre autres, d’impacter les structures politiques. À titre personnel, je pensais que le mouvement des gilets jaunes jouerait ce rôle-là, et je crois que la crise politique que nous traversons actuellement est aussi le reflet de l’échec de la traduction de ce mouvement dans une structure pérenne. Mais on pourrait imaginer un mouvement des gilets jaunes qui irait encore plus loin, en faisant notamment le lien avec les syndicats, et en déployant un mouvement de grève à l’échelle nationale. Ce sont ces perspectives qu’il faut tracer au lendemain de la présidentielle. 
 
Quel rôle les mouvements féministes peuvent-ils tenir dans la riposte politique à venir?
Les féministes doivent continuer à combattre sur tous les fronts. Je vois trois priorités : d’abord, amplifier la nouvelle vague féministe qui se déploie à l’échelle internationale depuis les mobilisations contre les féminicides en Amérique latine et le mouvement MeToo. Des initiatives comme la Coordination nationale féministe, qui essaie de regrouper les initiatives et de les coordonner, sont à ce titre précieuses. Il faut également mettre en avant nos revendications : égalité salariale, éducation au genre et au consentement, logements d’urgence… Ensuite, nous devons être de toutes les luttes sociales qui s’annoncent. Le recul de l’âge de départ en retraite, la réforme du chômage ou la casse de la Sécurité sociale toucheront en premier lieu les femmes et les minorités de genre qui font partie des catégories les plus précaires de la société. 
 
Enfin, il faut lutter contre l’extrême-droite et contre le fascisme, car la montée des discours réactionnaires est en partie une réponse à la force des mouvements féministes et antiracistes partout dans le monde. Mais pour être efficace, ce combat doit être large, populaire, et englober tout le monde. La meilleure réponse à l’extrême-droite, c’est bien le mouvement féministe !
⟶  Pour aller plus loin, vous pouvez lire l'essai d'Aurore Koechlin, La Révolution féministe, paru en 2019 aux éditions Amsterdam.

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