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Billet de blog 16 janvier 2022

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Une tribune de Daniel Bensaid en 1998

La crise est profonde. Les convulsions internationales peuvent l’accélérer. Nous n’avons besoin pour l’affronter ni d’une nébuleuse sociale-libérale ni d’un national-républicanisme crispé, mais d’un projet de lutte et de transformation sociale. D’une gauche de gauche (et non d’une gauche du centre), d’une autre gauche dont les mobilisations de ces dernières années ont esquissé les contenus

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Daniel Bensaid - Le Monde du 11 septembre 1998

La crise est profonde. Les convulsions internationales peuvent l’accélérer. Nous n’avons besoin pour l’affronter ni d’une nébuleuse sociale-libérale ni d’un national-républicanisme crispé, mais d’un projet de lutte et de transformation sociale. D’une gauche de gauche (et non d’une gauche du centre), d’une autre gauche dont les mobilisations de ces dernières années ont esquissé les contenus :

1. Une politique résolue de lutte contre le chômage et la précarité, qui passe par une forte réduction du temps de travail et une grande réforme de la fiscalité. Dans une société où l’on peut produire dix fois plus de biens en dix fois moins de temps qu’il y a cinquante ans, il est injustifiable de voir renaître massivement la pauvreté et l’exclusion. Par ses concessions au patronat (sur la flexibilité, sur le taux de majoration des heures supplémentaires, sur le seuil des entreprises concernées), la loi Aubry vide les 35 heures de leur potentiel de création d’emplois et risque de tuer pour longtemps la perspective de la semaine de 32 heures en quatre jours. En même temps, les déclarations répétées de Dominique Strauss-Kahn enterrent sine die l’idée d’un « grand soir fiscal ».

2. Une reconquête résolue de l’espace public, qui passe notamment par une défense et une démocratisation des services publics dans la perspective de services publics européens, par la réhabilitation de la notion d’appropriation sociale du bien commun contre les effets de la dérégulation marchande en matière de pollution, d’urbanisation, d’aménagement du territoire, d’utilisation des ressources naturelles (comme l’eau) ou de l’énergie.

3. Un nouveau pacte de la société avec son école, en tant que service public et laïque, répondant aux conditions nouvelles de l’éducation de masse. Loin de se réduire à la défense illusoire d’un âge d’or mythique qui n’a jamais existé, un tel pacte suppose, à l’inverse des contre-réformes éducatives en cours, un engagement massif du pays pour des changements d’ampleur portant sur les contenus enseignés, les méthodes pédagogiques et l’amélioration égalitaire des équipements matériels et des taux d’encadrement.

4. Un système de solidarité élargie, complétant un système de protection sociale par répartition (une assurance mutuelle généralisée) assis sur les cotisations salariales par un impôt de solidarité sociale sur le capital, l’outil de travail et les mouvements financiers (une taxe Tobin à l’échelle au moins européenne).

5. Une réorientation radicale de la construction européenne, opposant à la logique libérale de Maastricht et d’Amsterdam, non le slogan évasif d’une Europe sociale, mais des critères de convergence sociaux concrets en matière d’emploi, de salaires, de protection sociale, de droit du travail ; ainsi que la reprise en main de l’outil monétaire, à travers un processus constituant destiné à organiser l’Europe politique à partir d’une subsidiarité ascendante où chaque transfert de compétence à l’échelon supérieur soit débattu, décidé ou ratifié, à l’échelon inférieur.

Ces pistes traduisent une autre idée de l’urgence et des priorités. Une autre idée aussi de la société et de la république.

En complément tous les jours la rubrique Politique de la Revue de Presse Emancipation!

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