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Billet de blog 17 avril 2022

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Ne restons pas spectateurs du second tour des milliardaires -Jacques Chastaing

Les étudiants montrent l'exemple, prenons la rue !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Même si la fausse alternative électorale Macron-Le Pen domine malheureusement l'horizon des jours à venir, n'oublions surtout pas que l'espace politique de la période ne se réduit pas à cette situation. Bien loin de là !

Dans le résultat du vote du 10 avril, on a surtout le fruit d'un système électoral faussé, à bout de souffle, qui ne nous représente plus, dominé par la falsification du vote utile et le bourrage de crane par les médias et les instituts de sondage des milliardaires, mais qui voudrait pourtant dans l'émotion des lendemains de scrutin, nous imposer de penser dans leurs termes.

La première des résistances est de sortir de ce cadre de pensée.

Le pays n'est pas partagé entre fascistes et fourriers libéraux du fascisme. A 500 000 voix près, on pouvait avoir des journaux titrant sur le séisme Mélenchon, la vague rouge, la radicalisation à gauche des français... et avec cela on aurait eu non pas la démoralisation à gauche mais une panique à droite, chez les riches et les puissants, face à cette montée populaire.

Alors, si beaucoup font l'addition des voix d'extrême droite, Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan pour s’inquiéter des 32% qu'elles atteignent, faisons surtout pour notre part celle des voix de la gauche radicale et de l'extrême-gauche, Mélenchon, Roussel, Poutou, Arthaud qui atteint 27%, pas loin derrière.

Car c'est cette poussée vers la gauche radicale, additionnée de la forte abstention, qui va marquer l'avenir, et c'est ce bloc populaire qui permet de voir et de construire au delà du 24 avril, dés maintenant.

De ce côté de l'échiquier politique, le résultat électoral a montré une alliance de fait entre les habitants des anciennes colonies, les ouvriers, la jeunesse ouvrière des quartiers populaires, la jeunesse en général et la petite bourgeoisie des centre-villes.

Cela traduit l'émergence au niveau politique de ce qui s'exprime dans les luttes depuis 2016, que ce soit dans les grèves ouvrières particulièrement nombreuses ces derniers temps y compris dans les jours qui précédaient le scrutin, le mouvement des Gilets Jaunes, ou encore les luttes écologistes, anti-racistes, ou féministes.

Il faut bien se rendre compte que cette poussée vers la gauche radicale pour en prendre toute la dimension s'est faite malgré la propagande de médias envahis par des journalistes d'extrême droite, malgré l'évolution très à droite des sommets institutionnels de l'administration, que ce soit de la police, de la Justice, de l’École, ou de la Santé et enfin et surtout malgré la politique raciste et liberticide de Macron, attentatoire aux libertés de manifestation, d'expression et de réunion, particulièrement pendant les confinements et ouvrant ainsi un boulevard à l'extrême droite.

En donnant une expression électorale à la conflictualité sociale, le scrutin du 10 avril a renforcé ce bloc des catégories sociales et des secteurs qui luttent et pourrait le rendre conscient de lui-même, en faire une force pour demain, si au lieu de se lamenter sur le succès de l'extrême droite, on s'attelait à mettre en évidence cette poussée et à l'organiser.

Cette expression électorale de ce courant de conflictualité est certes déformée parce que la stratégie de l'Union populaire de Mélenchon n'était pas centrée sur cette radicalité – ce qui lui a certainement fait perdre les élections - . Mais la colère sociale dont Macron et Le Pen ont tous deux peur, est là, prête à resurgir à tout moment et à toute occasion. Alors rendons-là visible et donnons à cet aspect du vote tout son sens de colère sociale. C'est ce que des étudiants ont déjà tenté de faire en occupant plusieurs universités et grandes écoles pour dire leur refus d'une société à la démocratie bloquée où on n'aurait que le choix entre Macron et Le Pen.

Alors, bien sûr, il y a le scrutin du 24 avril. Et la fausse alternative qui nous est proposée ne signifie pas que Le Pen et Macron, ce soit la même chose.

L’arrivée de Le Pen à la tête de l’État signifierait une accélération et une radicalisation des tendances réactionnaires, racistes, xénophobes déjà à l’œuvre et poussées par tous les derniers gouvernements de gauche ou de droite. Les bandes fascistes redoubleront d’activité, soutenues par certains secteurs au sein de l’État, en premier lieu la police qui vote à 75% pour le RN. Ce qui signifie des milices racistes et donc des ratonnades, des meurtres, des emprisonnements, des humiliations quotidiennes pour les musulmans, les noirs, les arabes, les asiatiques, les roms, les juifs, les femmes, les pauvres, les syndicalistes, les militants, les contestataires, bref un exercice généralisé de la terreur. Et la violence promise par Macron contre les retraites, l'assurance maladie, les droits des chômeurs, les travailleurs, ne sera pas moindre avec Marine Le Pen, bien au contraire.

Alors, ne donnons pas une seule voix à l'extrême droite.

Du coup, étant donné que Marine Le Pen n'a jamais été aussi près du pouvoir, bien des électeurs, même à l'extrême gauche, hésitent entre l'abstention et le vote Macron.

Ce qu'il faut bien se dire, quoi que les uns et les autres aient envie de faire, c'est qu'il faut tous se retrouver dans la rue et la grève dés maintenant, avant et après le 24 avril contre le pouvoir, pour une autre démocratie, un autre monde et que c'est là qu'il faut mettre toutes ses forces, car la situation générale va pousser à cela.

La période actuelle ressemble à celle des élections législatives du printemps 1967 où les gaullistes gagnèrent le scrutin d'extrême justesse, dans un contexte d'une multitude de grèves et luttes émiettées depuis 1963. Cela donna le sentiment d'une élection "volée" un peu comme aujourd'hui, provoquant à partir de là une montée des protestations des étudiants et lycéens durant tout l'hiver 1967 refusant de vivre dans cette société bloquée, d'autant que faute de temps et d'une majorité large, De Gaulle s'était mis à prendre toute une série de mesures réactionnaires, par décret, par dessus la tête du Parlement. C'est cette colère étudiante et lycéenne qui permit d'unifier dans la grève générale de mai 1968, la vague de grèves qui cherchait jusque là son unité sans la trouver faute de volonté en ce sens des directions politiques et syndicales de gauche.

Nous avons déjà été un nombre non négligeable à nous retrouver dans la rue samedi 16 avril. Continuons à faire bloc, tous ensemble, avec les étudiants et des lycéens qui appellent aux blocages le 19 avril, puis tous ensemble samedi 23 avril. Nous ne voulons pas du second tour imposé par les médias des milliardaires : celui qui oppose la droite extrême à l'extrême droite. Cette élection a été volée, comme le mandat de Macron l'avait déjà été en 2017. Faisons tout pour que l’événement politique du 24 avril soit délégitimé par une mobilisation de rue qui vienne compléter, encourager et donner un sens plus général, plus politique à la vague des grèves économiques en cours, bref, une vague de mobilisation avant et après le second tour qui amplifie et féconde ce 1er mai pour en faire le point de départ d'une riposte sociale bien avant les législatives.

Face aux années terribles que nous promettent les puissants, le seul barrage, c'est la rue. La colère est là. Faisons la entendre politiquement.

Jacques Chastaing le 17 avril 2022

En complément tous les jours la rubrique Politique de la Revue de Presse Emancipation!

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