Catalunya. La riposte s'organise : les Jordis dehors, Mariano dedans... !
Des milliers de manifestant-es à Barcelone (200 000) et une douzaine d’autres villes ont réclamé ce soir la libération de Jordi Sànchez y Jordi Cuixart. Le nombre de manifestant-es rappelait celui du temps de la grève générale et de la « grève civique », le 3 octobre. Les slogans les plus repris étaient « Liberté pour les prisonniers politiques », « Llibertat » et « Help Catalunya".
Des milliers de manifestant-es ce soir : « Liberté pour les prisonniers politiques » !
Barcelone
Au milieu des anonymes on notait la présence de membres du Govern, de responsables de l’ERC (parti du vice-président de la Généralité, Oriol Junqueras), du PDeCAT (parti du President, lequel était absent), de la CUP ou encore de Catalunya en Comú (parti de Ada Colau, la maire de Barcelone).
Au moment de la dispersion, Oriol Junqueras a été le destinataire de massifs appels de manifestant-es à ne pas faire de pas en arrière ! Autrement dit à proclamer l’indépendance.
De leur côté, les deux embastillés ont fait passer aux manifestant-es, par leurs avocats, une invitation à rester serein-es, patient-es et calmes dans leurs mobilisations. Ils ont réaffirmé leur détermination à continuer la lutte depuis la prison. D’autres manifestations sont prévues avec, pour point d’orgue, celles de dimanche prochain…
Relevons que, chez les socialistes, leur dirigeant « national », Pedro Sánchez, n’hésite pas à prendre à contrepied le parti frère catalan, le PSC, en refusant de s’exprimer contrela décision de la juge de la Audiencia de décider les emprisonnements que l’on sait. Unis dans l’acceptation du « 155 », les socialistes catalans et leurs homologues de Madrid, mais prisonniers de leur opportunisme respectif (ne pas aller trop loin dans l’ignominie anti-indépendantiste pour les Catalans/rester au plus près de la dynamique anticatalane qu’a provoquée Rajoy dans le reste du pays pour les autres), nous servent un sidérant spectacle de politique politicienne qui devrait les éloigner toujours plus de la sortie de leur crise interne qu’augurait, disaient-ils et quelques autres du côté de Podemos, la victoire, aux primaires, du rénovateur Pedro S !
Si l’arrestation des deux dirigeants des organisations de masse de l’indépendantisme fonctionne comme un profond révulsif dans la population, les politiques du mouvement en sont à essayer de se sortir laborieusement de l’impasse dans laquelle ils/elles se sont enfermé-es pour avoir voulu temporiser et explorer le triangle des Bermudes des possibilités de négocier en l’état avec le gouvernement central. Ainsi, si la CUP fait savoir en conférence de presse que l’idée de proclamer prochainement la République et d’appliquer la loi de Transition votée pour aller vers le nouveau régime indépendant, avance dans les négociations qu’elle mène avec la coalition majoritaire au Parlament, Junts pel Sí (JxSí), qui regroupe le PDeCat, l’ERC et quelques autres partis, le Govern, de son côté, … attend jeudi pour vérifier que Mariano Rajoy et sa bande font la démonstration, par l’activation du « 155 », qu’ils ne veulent décidément pas négocier ! Ce que les incarcérations d’hier n’ont évidemment pas prouvé ! Attendons (sic) que les prochaines arrestations de membres du Govern et de parlementaires finissent de donner à voir à ces institutionnels à détente lente qu’en face ils/elles font la démonstration, depuis le début, que la prime, en temps de crise, revient à ceux et celles qui, tout en se servant des outils « constitutionnels d’exception », jusque là laissés en sommeil, savent les radicaliser, s’en détacher à bon escient pour frapper toujours plus vite et plus fort (le « 155 » est déjà dans l’utilisation qui est faite, hors de tout sollicitation du Congrès, de la police et de la justice mais aussi dans les mesures de blocage des finances de la Généralité prises sans que le Sénat, comme il est prévu par la Constitution, ait donné le feu vert qu’il devrait enfin donner jeudi) ! Leçon des choses de la construction d’un rapport de force adapté à l’accélération des contestations dont n’ont rien oublié les héritiers de ceux qui en 1936-39 ont mené la guerre totale contre la République et le peuple d’Espagne !
Et de tout le reste, on fait quoi ?
En contrepoint beaucoup d’indices semblent témoigner que le centre de gravité de la riposte indépendantiste à Madrid est trop dans les tractations de sommet en grave sous-estimation (à l’exception des CDR, voir note d’hier) du travail au plus près de la population pour organiser les réseaux d’action efficace pour affaiblir et neutraliser le dispositif policier et judiciaire qui va concrétiser le « 155 ». Pour aussi faire essaimer sur le terrain les structures permettant, contre vents et marées, de donner vie à un processus constituant populaire d’autant plus fort qu’il dépendra le moins possible de ce qu’il adviendra de ses « têtes » politiques, les premières exposées à être frappées par la répression dans la volonté espagnoliste de décapiter l’ensemble du mouvement.
Comment rendre cette utopie concrète ?
dessin de JERC du jeudi 12 octobre 2017 caricature burro catalan (1) autodétermination ! www.facebook.com/jercdessin
Les mobilisations de rue qui ont repris ce soir sauront-elles fructifier politiquement en se donnant de l’autonomie et en se dotant de dynamiques d’auto-organisation capables de contrebalancer ces pesanteurs institutionnelles, voire les contrecarrer pour construire la contre-offensive ? Les mécanismes de connexion avec les autres peuples de l’Etat espagnol et du reste de l’Europe pourront-ils enfin être massivement activés ? Telles sont les interrogations qui viennent à l’esprit si l’on songe que jeudi le gouvernement central relancera comme jamais la machine à écraser la révolte. Il vient de donner les signes précurseurs de cette détermination et l’avertissement devrait être on ne peut plus clair…
(1) Les catalanistes revendiquent le ruc català en tant que symbole catalan, en opposition au taureau, symbole de l’Espagne. Certains le considèrent comme le vrai symbole de la Catalogne, d’autres trouvent que c’est une manière de ridiculiser le symbole espagnol. On trouve depuis plusieurs années beaucoup d’autocollants sur les voitures et motos représentant l’âne catalan sur fond du drapeau de la Catalogne. Tiré de la note Wikipedia sur l’âne catalan.
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