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Billet de blog 29 mars 2021

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Pakistan : l'opposition a saboté un mouvement social historique....

....comme ailleurs, en bons politiciens professionnels, pour de petits intérêts électoralistes, mais le mouvement continue dans la rue.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Jacques Chastaing 

Cela fait des mois et des mois que la contestation sociale occupe l'actualité au Pakistan, avec le covid, contre la vague de privatisations, les licenciements, les salaires baissés ou non payés, contre la misère qui frappe ouvriers et paysans ou sans emplois contre également les violences policières et ethniques.

Sur ce fond de luttes sociales importantes des ouvriers des aciéries, des enseignants, des personnels de santé, des fonctionnaires, des paysans, des journalistes..., il s'était constitué il y a 6 mois un front politique de 11 organisations d'opposition - le PDM (Pakistan Democratic Movment) dont plusieurs ont déjà fait partie des gouvernements précédents- s'appuyant sur cette colère sociale pour virer le gouvernement en "allant le chercher" chez lui dans ses palais de la capitale Islamabad. Si le gouvernement ne démissionnait pas de lui-même au 31 janvier 2021l'opposition unifiée appelait à une longue marche populaire partant de toutes les régions du pays pour converger sur le palais présidentiel de la coalition militaro-islamiste au pouvoir.

Durant l'automne et l'hiver 2020, cette opposition unifiée a suscité l'enthousiasme et d'énormes espoirs au moment où les paysans indiens menaient un combat parallèle et a réalisé des rassemblements géants avec d'énormes foules d'une dimension historique jamais vus dans l'histoire du Pakistan.

Mais voilà, il y avait des élections législatives partielles en février et sénatoriales début mars.

Dans un premier temps, l'opposition unifiée a déclaré qu'elle ne participerait pas à ces élections, qu'elle savait de toutes façons truquées et organiserait une campagne de meetings régionaux destinés à organiser la longue marche.

Mais, en s'approchant des dates, l'opposition a déclaré alors qu'il ne fallait pas mener la politique de la chaise vide et qu'elle ferait donc les deux, participer aux élections et préparer la longue marche pour virer le gouvernement par la rue.

Puis, à quelques semaines des élections, elle déclara tout d'un coup qu'elle n'arrivait pas à faire les deux ensemble et donc qu'elle suspendait la longue marche pour la durée des élections.

Il y avait cependant foule à ses meetings électoraux parce que le peuple pakistanais espérait toujours que les meetings électoraux étaient une étape de la préparation de la longue marche pour virer le gouvernement.

Mais il arriva ce qu'il arrive toujours, le pouvoir truqua tant et si bien les élections comme il le fait à chaque fois, le résultat fut en faveur de l'opposition mais très loin de ce qui était espéré alors que tout le monde s'attendait à une forte défaite du pouvoir.

Et tout dégénéra.

L'opposition, furieuse, montrant ce qui la motivait au fond, entra dans une bagarre pour de nouvelles élections non truquées mais aussi dans des querelles internes pour savoir qui des différents partis allait prendre tel ou tel siège au Sénat, notamment la direction du Sénat et la direction de l'opposition au Sénat.

Pour tenter de régler les différents, comme les élections étaient truquées quais ouvertement, une des leaders de l'opposition proposa une démission collective des sièges d'élus dans tout le pays et de se concentrer uniquement sur la longue marche.

Que n'avait-elle pas dit ! Démissionner de ses postes de députés ou sénateurs ? Il n'en était pas question et l'opposition unifiée éclata repoussant dans la foulée l'idée de vouloir renverser le pouvoir par la rue, seules les élections valaient : la longue marche fut repoussée à un avenir lointain sous des prétextes bidons, il faisait désormais trop chaud, il y allait avoir le ramadan... certains en profitant pour aller discuter avec l'armée dans leur coin et passer des accords secrets privés, etc, etc, etc...

Un moment désarçonné, la vraie opposition dans la rue a néanmoins repris et les manifestations de cheminots, d'enseignants, de personnels de santé, de paysans, de fonctionnaires ou d'opposition aux violences policières et ethniques se multiplient ces derniers jours, les paysans, les journalistes en lutte, les victimes de violences ethniques ayant repris le projet de "longue marche" sur Islamabad. Il reste encore à les unifier... mais ça ne saurait tarder.

Leçon du jour : ne jamais faire confiance à un politicien professionnel ! Au Pakistan comme ailleurs...

PHOTO : Manifestation aujourd'hui des employés de l'Etat du Baloutchistan qui ont décidé d'occuper de manière illimitée la place devant le gouvernement pour défendre leurs droits

En complément tous les jours la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

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