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Billet de blog 29 avril 2021

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Inde: face à Modi, le soulèvement paysan prend en main la lutte contre le covid

L'histoire semble se répèter, mais avec cette fois avec un mouvement paysan autrement puissant que ne l'étaient les indépendantistes de 1919 qui prirent en main la lutte contre la grippe espagnole.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

par Jacques Chastaing

Dans cette période d'épidémie foudroyante, les paysans ont multiplié les aides alimentaires, médicales, hospitalières aux malades, aux familles, aux pauvres, aux travailleurs ayant perdu leur emploi et transforment leurs lieux de mobilisation en autant de lieux de lutte contre le covid... Mes posts de ces derniers jours le racontent.

Ils ont pris aussi une nouvelle initiative qui va plus loin.

Grace à leur très nombreuse base de donnée sur FB et twitter, le soulèvement paysan utilise les réseaux sociaux pour recenser les besoins en médicaments, vaccins, oxygène, hospitalisation, matériel médical... et inversement les disponibilités humaines ou en matériel pour mieux répondre aux demandes des uns et des autres. C'est-à-dire qu'il joue le rôle d'une administration mais qui associe et donne le contrôle de la lutte contre l'épidémie à la population elle-même, exactement le contraire de ce que fait l'administration du gouvernement qui décide tout d'en haut sans aucun contrôle et qui, de fait, en ayant tout donner au privé, dans un chaos et une désorganisation totale, laisse les gens mourir chez eux, dans la rue ou devant les hôpitaux, de covid, d'autre maladie ou de faim en interdisant seulement qu'on en parle sur les réseaux sociaux.

C'est réellement dans cette politique du soulèvement paysan, l'expression d'un double pouvoir qui se renforce là, l'émergence qui se confirme d'un pouvoir populaire humain, solidaire, intelligent et efficace face au pouvoir des eaux glacées du calcul égoïste des capitalistes et leurs hommes de main.

Rappelons que c'est dans la lutte contre la grippe espagnole en 1919 qui avait fait 18 millions de morts en Inde, que le mouvement indépendantiste et ghandiste avait gagné en influence, en s'occupant des malades, en fournissant, matériel et médicament, alors que les britanniques se fichaient totalement des conditions sanitaires ou de l'insalubrité des logements et des rues des grandes métropoles dans lesquelles il avait maintenu ou précipité des millions d'habitants.

Comme Modi aujourd'hui, la seule chose qu'était capable de faire le pouvoir britannique, c'était d'accuser les habitants eux-mêmes des malheurs qui les accablaient.

Déjà en 1896, lors d'une autre épidémie, sous couvert de promotion de l’hygiène et de lutte contre l’insalubrité, les soldats britanniques avaient été dépêchés dans les quartiers les plus pauvres. Les logements avaient été fouillés, souvent incendiés avec les quelques biens de leurs occupants, ceux-ci avaient été humiliés, violés parfois et déplacés par milliers.

Des émeutes et une grève générale s’en étaient suivies, qui avaient obligé le pouvoir à reculer. Le souvenir de cet épisode n’avait pas disparu des mémoires lorsque frappa l’épidémie de grippe espagnole en 1919.

L’épidémie de grippe en 1919 s’abattit sur les ouvriers agricoles, les petits paysans, les balayeurs des rues, les ouvriers et les innombrables miséreux qui peuplaient les villes du sous-continent indien. Les femmes constituèrent la majorité des victimes, probablement parce que, subissant une double oppression, elles étaient moins nourries dans les périodes de disette, supportaient une charge de travail supérieure et avaient la charge des malades.

De nouveau, le pouvoir colonial fut totalement incapable de faire face au chaos engendré par la maladie, et ce furent très souvent comme aujourd'hui les habitants eux-mêmes, appuyés par les militants de la cause de l'indépendance indienne, qui pallièrent son incurie, accélérant dans les mois qui suivirent la contestation de la domination britannique et le mouvement pour l’indépendance.

Dans la foulée de cette mobilisation contre l'épidémie, au lendemain du vote en février 1919 de la loi Rowlatt, qui prolongeait la loi martiale établie durant la guerre, la contestation s'était amplifiée et menaçait de devenir générale. Aussi, le 13 avril 1919, à Amritsar, l’armée tira sur la foule, tuant plusieurs centaines de manifestants, ce qui signa le début de la lente agonie du pouvoir britannique sur l'Inde.

On a l'impression que l'histoire se répète mais avec cette fois un mouvement paysan autrement puissant que ne l'étaient les indépendantistes de 1919.

Malgré la situation dramatique, tous les espoirs sont permis.

PHOTOS

L'hôpital de campagne des paysans à leur campement de la porte Singhu de Delhi ; à l'intérieur de l'hôpital de campagne des paysans au campement de Singhu ; nouvel affrontement entre paysans qui veulent libérer les péages pour fluidifier la circulation et éviter que des malades meurent dans les embouteillages et policiers qui veulent que les gens payent (ici à un péage sur le périphérique ouest de Delhi) ; Modi continue les manifestations de masse sans aucune protection sanitaire se fichant totalement de la santé des gens ; cadavres le long des rues à Delhi

En complément tous les jours le dossier Soulèvement en Inde et la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.