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Billet de blog 29 décembre 2021

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Sri Lanka: vague de grèves et manifestations -Jacques Chastaing

Cette vague de mobilisations pose comme partout- la questin de l'independance politique des pauvres et des proletaires.

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par Luttes Invisibles

En octobre 2021, pour aider les capitalistes à faire plus d'argent, le régime militaire de Rajapakse a accordé aux grandes entreprises sri-lankaises et aux investisseurs étrangers d'importantes réductions d'impôts et d'autres concessions. Les sociétés cotées ont engrangé un bénéfice combiné de 292 milliards de roupies au cours des neuf premiers mois de cette année, dépassant tous les records historiques.

En plus, toujours pour aider les capitalistes, le gouvernement a supprimé le contrôle des prix . Cette mesure a alors déclenché une inflation galopante.

Face à une hausse des prix de presque 11% en novembre et des prix des produits alimentaires de 17,5%, la hausse la plus élevée depuis 12 ans, dont le sucre, les lentilles, le riz, le gaz de pétrole liquéfié et le lait en poudre, et malgré une dictature militaire féroce, des centaines de milliers de travailleurs sont entrés en lutte au Sri Lanka sans discontinuer depuis le mois de novembre.

Il faut dire qu'à la hausse des prix s'est ajoutée la pénurie, des queues se forment devant les magasins d'alimentation, beaucoup de sri-lankais ont faim, des enfants et vieillards meurent et la famine de masse est au coin de la rue.

Tandis que les paysans se battent depuis le mois d'août, des travailleurs de la santé, du pétrole, de l'électricité, des ports, des plantations de thé et des enseignants -après déjà une grève de 4 mois de ces derniers dans le courant de l'année -, sont entré en lutte à la mi novembre, pour des augmentations de salaire.

En même temps, poussés par la population en colère, et pour tenter de prendre le contrôle du mouvement social émergeant, le principal parti de l'opposition bourgeoise, le SJB, appelait à occuper les rues de la capitale Colombo à la mi-novembre ce qui fut fait avec succès, bien au delà des capacités de mobilisation traditionnelles de ce parti.

En décembre, la lutte continuait malgré des directions syndicales soumises.

Le 8 décembre, plus d'un demi-million de travailleurs du secteur public ont organisé une grève nationale d'une journée tandis que des dizaines de milliers d'agents de santé du secteur public ont lancé une série de manifestations au niveau provincial et qu'en même temps, les ouvriers de l'électricité, des ports et des sociétés pétrolières manifestaient conjointement dans le centre de Colombo pour protester contre la privatisation de ces entreprises.

Le 13 décembre, environ 10 000 travailleurs de 12 plantations de thé ont entamé une grève d'une semaine pour s'opposer à l'augmentation de la charge de travail et aux baisses de salaires.

Le 14 décembre, environ 16 000 postiers ont organisé une grève nationale d'une journée pour les salaires.

Parallèlement, des dizaines de milliers de paysans pauvres continuent des manifestations qu'ils ont commencées en août pour exiger des subventions tandis que de manière générale, les grèves et les manifestations ont uni les travailleurs de toutes les ethnies cinghalaises, tamoules et musulmanes, soulignant une détermination commune et une classe unique loin des divisions traditionnelles alimentées par certains partis politiques pour diviser le petit peuple.

Face à la montée de cette colère des travailleurs et des ruraux pauvres et leur unification sociale, le gouvernement a instauré à parti de la mi-décembre l'interdiction des grèves et autres actions revendicatives pour la fonction publique avec de lourdes amendes et de longues peines de prison, puis il a suspendu le Parlement du 12 décembre au 18 janvier, tout en intensifiant la militarisation de l'administration, militarisation de l'école et de son programme, un général à la tête de la lutte contre le covid, un général à la tête de lutte contre l'inflation, jusqu'au ridicule puisque les étrangers désirant épouser une sri-lankaise devront avoir l'autorisation de l'armée...

En politisant ainsi de plus en plus la situation économique, le gouvernement est en train de faire évoluer la vague croissante de grèves et de protestations économiques vers une confrontation politique centralisée avec le gouvernement du président Gotabhaya Rajapakse et donc contre la classe capitaliste toute entière.

Conscient du risque que la politisation de la colère populaire fait peser sur toute la société bourgeoise et pas seulement sur le parti au pouvoir, le principal parti d'opposition institutionnelle, le SJB, appelait comme en novembre, à de nouvelles manifestations contre la hausse des prix, la nuit du 24 décembre, afin de tenter de canaliser le mouvement social dans le cadre des institutions. Les manifestations étaient à nouveau très suivies, la population utilisant n'importe quel outil à sa disposition pour se défendre.

Tout montre que le mouvement social ne fait que commencer. Espérons que face à la répression militaire et aux tentatives de récupération de l'opposition, il saura trouver la voie de son indépendance politique.

Une tâche qui n'est pas propre au Sri Lanka mais qui est aussi la tache du moment dans tous les soulèvements populaires actuels, de l'Inde au Chili, en passant par le Soudan mais aussi la France.

Jacques chastaing 29.12.2021

(Photo : manifestation du SJB à Colombo en novembre)

En complément tous les jours  la rubrique Asie/Océanie de la Revue de Presse Emancipation!

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