En ce moment, nous entendons beaucoup parler des défaillances de l’éducation nationale, de la situation critique des hôpitaux français, mais toujours en ce qui concerne les services publics, peu d’articles de presse, peu d’émissions de radio ou de télévision ne parlent des nombreux dysfonctionnements au sein des préfectures et des mairies. Et pourtant, nombreux sont ceux et celles qui font les frais du mauvais fonctionnement de ces administrations.
Je vais ici vous faire le récit de deux exemples de ces dysfonctionnements : le premier concerne la préfecture des Alpes Maritimes, le second les services de la mairie de Nice en collaboration avec ceux de la préfecture.
Mon ex-femme, la mère de mon fils, a la nationalité israélienne. Certes, elle aurait pu demander la nationalité française, mais dans la mesure où elle avait droit à une carte de résident valable 10 ans et renouvelable de plein droit, et aussi parce que la complexité des démarches en vue d’obtenir la nationalité française l’ont découragée – d’ailleurs, en la matière, l’administration israélienne n’a rien à envier à l’administration française en termes de complexité, d’autant qu’à chaque fois qu’un ressortissant israélien a besoin d’un document, il doit se rendre au consulat de Paris – elle a finalement laissé tomber. Certes, j’aurais pu à l’époque la pousser à persévérer, mais je n’imaginais pas, dans la mesure où nous étions mariés et que nous avions eu un enfant ensemble, les difficultés auxquelles elle serait un jour confrontée.
En ce qui concerne le renouvellement d’un titre de séjour, il faut savoir que la préfecture demande au ressortissant étranger d’être en possession d’un passeport en cours de validité. Hors, il y a deux ans, mon ex-femme, pour d’obscures raisons que le consulat israélien était incapable de nous expliquer, s’est vue refuser le renouvellement de son passeport par l’administration israélienne.
Ce qu’il faut savoir aussi – et que nous ne savions pas avant d’avoir consulté un avocat spécialisé en droit des étrangers – c’est que pour renouveler un titre de séjour, la possession d’un passeport en cours de validité n’est pas exigible par la loi, dans la mesure où il s’agit précisément d’un renouvellement et que par conséquent l’administration n’a pas de raison de douter de l’état civil de la personne concernée par ledit renouvellement.
Mais quand bien même nous avons signalé ce fait à la préfecture, et malgré plusieurs courriers en recommandé avec accusé de réception envoyés par l’avocat que j’avais engagé pour aider la mère de mon fils à se tirer de ce mauvais pas, la préfecture ne voulait rien entendre et restait sur ses positions, ou pour être plus exact, faisait comme si nous n’avions rien envoyé, restant silencieuse, ne prenant même pas la peine de nous répondre ou de répondre aux courriers de l’avocat.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que sans l’intervention de l’avocat, non seulement mon ex-femme n’aurait toujours pas sa nouvelle carte de résident, mais la préfecture n’aurait même pas daigné lui donner un rendez-vous pour lui remettre le fameux récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour, qui lui permettait de conserver ses droits pendant une durée de six mois après expiration de son ancienne carte de résident.
Et si je parle ici de la mère de mon fils, c’est parce que j’ai vécu de l’intérieur la bataille qu’elle a dû mener pour faire valoir ses droits auprès de l’administration française, bataille à laquelle j’ai personnellement activement participé, notamment en engageant cet avocat sans lequel cet imbroglio juridico-administratif ne serait probablement toujours pas démêlé. Mais nombreux sont les étrangers qui se voient refuser un rendez-vous par la préfecture et qui sont eux aussi contraints d’avoir recours aux services d’avocats pour faire valoir leurs droits, droits bafoués par une administration qui est censée connaître la loi, la respecter et la faire appliquer !
Au bout du compte, cette histoire a duré presque un an, et nous avons dû, via l’avocat, lancer une procédure judiciaire et saisir le juge des référés du tribunal administratif.
Une conséquence de l’obstination de la préfecture à réclamer un document qui n’est pas exigible par la loi, est qu’après expiration de son récépissé de 6 mois, et en attendant que la préfecture daigne lui fournir un nouveau récépissé de 3 mois dans l’attente de son titre de séjour définitif, et ce parce qu’il y avait eu saisine du juge des référés, mon ex-femme a vu ses droits gelés et ne touchaient plus les aides qui jusqu’alors lui étaient versées par la CAF.
Ainsi, je me pose une question simple : comment font les ressortissants étrangers qui, face à la mauvaise volonté ou à l’incompétence de la préfecture, ou les deux combinées, n’ont pas les moyens financiers d’avoir recours aux services d’un avocat ou n’ont pas quelqu’un dans leur entourage en capacité de les payer pour eux ? Car le cas de mon ex-femme n’est pas un cas isolé. J’ai depuis eu l’occasion de parler avec plusieurs personnes de nationalité étrangère ayant été confrontées à des blocages similaires, au refus obstiné de la préfecture de respecter leurs droits.
D’ailleurs, vous trouverez ci-dessous le lien permettant de lire un des rares articles de presse traitant précisément de ce sujet.
Le second exemple, dont je souhaite apporter le témoignage, me concerne personnellement. J’ai pris, il y a quelques mois, rendez-vous à la mairie de Nice pour renouveler mon passeport ainsi que celui de mon fils. Le rendez-vous s’est déroulé sans accroc et à peu près un mois plus tard, j’ai reçu un sms de la mairie ou de la préfecture – rien ne permettait de dire s’il s’agissait de l’une ou de l’autre – me signifiant que je pourrais retirer mon passeport jusqu’au 7 juin 2022. N’ayant pas de voyage prévu, rien ne pressait, et j’ai finalement pris rendez-vous pour récupérer nos passeports, rendez-vous qui a été fixé au 1er juin, donc 6 jours avant la date limite indiquée dans le sms. Et bien, alors que nous avions fait en même temps la demande pour le renouvellement de nos passeports, mon fils a été le seul à pouvoir retirer le sien. Car pour ce qui est de mon passeport, il avait été renvoyé le 18 mai à la préfecture pour être détruit, au prétexte que je n’étais pas venu le retirer dans les temps ! Le hic, c’est qu’à aucun moment je n’ai été informé par les services de la mairie ou de la préfecture que la date limite pour récupérer mon passeport différait de celle du passeport de mon fils !
Après avoir contacté par mail la responsable en charge des passeports à la mairie de Nice pour lui expliquer la situation, avec en guise de preuve la capture d’écran des sms que j’avais reçus et dans lesquels apparaissait la date du 7 juin, cette dernière m’a simplement répondu que cette date ne concernait que le passeport de mon fils. Pour le mien, il fallait donc que j’aie la science infuse ! Et rien au sujet des 86 euros de timbre fiscal que j’ai dû débourser pour renouveler ce document, document qui a été détruit au prétexte que je n’étais pas venu le récupérer à temps ! J’ai donc à nouveau contacté la responsable de la mairie pour protester, mais depuis, silence radio.
Certes, cette mésaventure est bien moins grave que celle dont a été victime mon ex-femme. Et je ne vais pas faire appel à un avocat pour 86 euros ! Mais qu’en serait-il si j’avais prévu de partir en voyage ? Est-ce normal que les services de la mairie et de la préfecture traitent avec autant de désinvolture ses administrés ? Qui plus est, sur place, hors de question de s’énerver ! Car lorsqu’il s’agit d' assurer la sécurité des agents de la mairie et de la préfecture, il y a de l’argent, et celui qui s’en prend un peu trop vertement aux fonctionnaires de ces administrations se voit bien vite rappelé à l’ordre par un ou plusieurs agents de sécurité à la taille et à la carrure imposantes. Sans compter qu’on peut bien vite se retrouver poursuivi pour agression à l’encontre d’un agent des services publics. Et pourtant, les raisons ne manquent pas lorsqu’il s’agit de s’énerver contre eux. On nous rétorquera que les fonctionnaires de ces administrations sont en sous-effectif, ont un travail difficile – quoique à la mairie, il n’avaient pas l’air particulièrement débordés – et sont souvent confrontés aux incivilités de leurs administrés. Mais quand bien même ce serait vrai, est-ce à nous d’en payer les pots cassés ?! Et en ce qui concerne le problème auquel mon ex-épouse a été confrontée, en quoi le manque de personnel interfère-t-il dans le fait que ses droits ont été bafoués par la préfecture ?!
Ainsi, à travers ces deux exemples tirés de mon expérience personnelle, je voulais témoigner des dysfonctionnements de ces administrations, dysfonctionnements dont les conséquences peuvent être dramatiques pour des personnes isolées, sans proches pour leur venir en aide, ou trop pauvres pour se payer les services d’avocats compétents en la matière et en capacité de faire valoir leurs droits. L’état exige de nous que nous respections la loi, nous répète sans cesse que nous vivons dans un état de droit. Il devrait peut-être commencer par respecter les droits des personnes vivant sur le territoire français et nous aurions plus de respect à l’égard de ceux et celles qui travaillent au sein de ses administrations. Peut-être même qu’il n’y aurait plus besoin de les cacher derrière des vitres blindées ou d’embaucher des agents de sécurité aux allures de catcheurs pour assurer leur sécurité.