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Billet de blog 15 octobre 2023

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De la nécessité de penser contre nous-même.

J'essaie dans cet article, au vu de la situation en Israël, de l'horreur des crimes commis par le Hamas et de l'intervention militaire israélienne sur Gaza, de mettre en avant la nécessité de penser contre soi-même, de prendre le temps de s'informer, d'écouter et lire des avis différents, afin de se forger une opinion aussi libre et éclairée que possible.

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Nous devrions tous nous entraîner à penser contre nous-même, plus encore lorsque les circonstances nous incitent à nous polariser, à nous radicaliser. Notre première réaction à chaud est-elle la bonne, est-elle celle qui, à moyen ou long terme, nous permettra d'aller mieux, de faire aller mieux la société, le monde ? Je ne le crois pas. Depuis une semaine, je vois, je lis des posts, pour la plupart farouchement pro-israéliens pour les uns, pro-palestiniens pour les autres, mais rares sont les Juifs, israéliens ou pas, qui cherchent à comprendre la souffrance des Palestiniens, de même qu'il y a bien peu d'Arabes, plus largement de musulmans, qui cherchent à comprendre le point de vue des Juifs et qui ont le courage de condamner ouvertement les horreurs perpétrés par le Hamas le 7 octobre dernier. Et puis, il y a ceux qui, comme moi, ne sont ni juifs, ni musulmans, et dans mon cas, pas vraiment chrétien non plus, les athées, les agnostiques, qui bien souvent se rallient à l'une ou l'autre cause, par conviction politique ou parce qu'ils entretiennent avec l'une ou l'autre communauté, des relations privilégiées, sans chercher à vraiment comprendre les rouages complexes de la situation au Moyen-Orient, sur cette bande de terre de la superficie de la Bretagne (un peu moins en vrai) théâtre depuis 75 ans de conflits incessants, où se mêlent guerres de territoire et de religion, affrontements idéologiques et enjeux géopolitiques. Tous ont leur avis, souvent bien tranché, et font preuve d'une indignation sélective selon que ce sont les civils de l'un ou l'autre camp qui paient le prix de cette guerre sans fin. Alors, on compte les morts, d'un côté comme de l'autre, “regardez, ils sont bien plus nombreux chez les Palestiniens”, comme si cela rendait les assassinats, hommes, femmes, enfants, abattus de sang froid, brûlés, décapités, de civils israéliens, le 7 octobre dernier, moins choquants, presque légitimes, puisque le régime israélien tue depuis des décennies des milliers de Palestiniens par les opérations militaires successives menées sur la bande de Gaza. “Oui, les Israéliens tuent des Palestiniens, mais c'est pour se défendre, des civils, des enfants meurent mais c'est la faute des Gazaouis, ils n'auraient pas dû laisser le Hamas accéder au pouvoir et puis l'armée israélienne ne va pas délibérément dans les maisons pour tuer des familles entières, ils les avertissent même qu'ils vont les bombarder. Israël n'a pas le choix, a le droit de se défendre, c'est une question de survie pour ce petit état entouré d'ennemis qui veulent sa destruction.”

Nous autres occidentaux voyons en Israël un bastion de notre modèle civilisationnel, opposé à la barbarie islamiste incarnée par le Hamas ou le Hezbollah, à la solde de l'Iran, tandis que les peuples arabes y voient, eux, une force d'occupation, incarnation de l'impérialisme occidental, notamment étasunien. Et chez nous, voilà qu'un parti historiquement antisémite, fondé entre autres par des collabos du régime de Vichy, s'érige désormais en défenseur des intérêts d'Israël et plus largement des Juifs de France, surfant sur la peur, légitime au demeurant, d'un l'islam radical, qui s'implante sans relâche depuis des décennies dans nos banlieues, laissées à l'abandon par les gouvernements successifs, islam au nom duquel trop d'attentats sanglants ont été perpétrés ces dernières années, si bien que lorsqu'on voit des djihadistes du Hamas investir les maisons de civils israéliens pour les enlever ou les assassiner en criant "Allah Akbar" on ne peut qu'être horrifiés, d'autant plus que cela nous rappelle à nous aussi de funestes souvenirs.

Pris dans le flux ininterrompu d’images et de vidéos circulant sur les réseaux sociaux ou les chaînes d’info en continu, nous ne prenons plus le temps de nous poser, de nous arrêter pour nous informer réellement, chercher à comprendre les causes historiques de cette situation, ou d’une autre d’ailleurs, cela ne vaut pas que pour le conflit israélo-palestinien. On ne fait plus d’Histoire, d’ailleurs les profs d’Histoire, certains veulent les tuer, et pour cause, ils questionnent le présent au regard du passé et inversement. Pourtant, ce ne sont pas les sources d’info qui manquent. Seulement, nous vivons à une époque où il faut aller vite, on s’informe sur tiktok ou X (Twitter) en regardant des vidéos tronquées, il faut se forger une opinion dans l’instant, se ranger derrière l’un ou l’autre camp, même nos gouvernants s’empressent de nous dire ce que nous devons penser avant même qu’on ait eu le temps de comprendre de quoi il retourne vraiment.

Penser contre soi-même, puisque c’était le point de départ de mon propos, nécessite qu’on prenne le temps de la réflexion, qu’on se libère des algorithmes qui nous renforcent dans nos opinions par les contenus qu’ils nous proposent sur les réseaux sociaux, qu’on écoute ou lise des avis contradictoires, pas seulement ces débats stériles sur les chaînes d’info, où les intervenants s’écharpent et dont il ne ressort souvent rien de constructif, mais des articles de presse de journaux aux lignes éditoriales parfois contraires, parce que c’est ainsi qu’on peut, à terme, se forger une opinion aussi libre que possible. Lire, cela implique qu’on sache lire, ce qui de nos jours, chez les jeunes surtout, n’est plus une évidence, mais ça, c’est un autre sujet.

Penser contre soi-même ne signifie pas renier ses convictions, mais les mettre à l’épreuve, et quand bien même on resterait sur ses positions, on aura au moins pris la peine d’essayer de comprendre les opinions de ceux et celles qui ne pensent pas comme nous. Si pour ceux qui sont pris dans le feu de la tourmente, qu’ils soient israéliens ou palestiniens, on peut comprendre qu’ils ne prennent pas ce temps nécessaire de la réflexion avant d’en appeler à la vengeance, émotion légitime d’humains qui ont perdu des proches dans l’un ou l’autre camp, en revanche, nous autres qui ne sommes pas directement impliqués dans ces événements, avons, me semble-t-il, si tant est que nous en soyons capables intellectuellement, le devoir de penser contre nous-même, mais aussi contre les injonctions de nos dirigeants politiques, même si à terme nous devions finalement nous rallier à leur point de vue, mais faire cet effort de décryptage critique des événements dont nous sommes les spectateurs, pour éviter d’être manipulés, garder le contrôle de nos opinions et tenter de devenir des citoyens libres et éclairés.

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