Ces silhouettes noires ne sont pas les « strange fruits » de Billie ni ceux de la ballade de Villon, mais d’autres frères humains, salariés de La République du Centre qu’un plan n’ayant rien de social, à l’exact opposé d’une sauvegarde de l’emploi, se propose de carboniser en 2014.
Trois ans après son rachat par le groupe Centre France-La Montagne présenté à l’époque comme LA solution, le journal régional d’Orléans est visé aujourd’hui avec 78 personnes menacées de licenciement.
Au motif de la baisse de ses ventes papier et de ses recettes publicitaires – résultat moindre mais dernier exercice bénéficiaire – Centre France-La Montagne – huit quotidiens, une douzaine d’hebdos – veut se repositionner sur le numérique et l’événementiel.
Un motif battu en brèche par le cabinet Métis expertise comptable, mandaté par le comité d’entreprise, qui en conteste le bien-fondé : « Le motif économique ne peut être invoqué pour justifier les licenciements, ces derniers devant, en droit, reposer sur un motif réel et sérieux. »
Le groupe rachète à tout-va
« Réel et sérieux » : l’expert précise que « des données financières qui [lui] ont été transmises s’avèrent erronées ». Le groupe se signale ces dernières années par des rachats compulsifs de titres en série – L’Yonne républicaine, La Rep’, L’Echo républicain et tous les hebdos des deux départements, entre autres. Il convoite maintenant La Nouvelle République. Il rachète à tout-va comme s’il intégrait les licenciements dans les décisions dictées par son insatiable appétit.
Toujours selon l’expertise, « la question est de savoir si le coût du projet du groupe doit être tout ou partie financé par la collectivité publique au regard des critères définis par la législation sur les licenciements économiques. » Faire payer la collectivité, voilà qui nous renvoie au schéma très tendance « privatisation des bénéfices, socialisation des pertes » qui va bien avec « l’humain jeté, lendemain juteux ».
42% des salariés touchés, 50% à la régie publicitaire
Car Centre France prévoit, sur l’ensemble de ses publications, la suppression de pas moins de 250 emplois, dont 37 départs volontaires de journalistes.
La Rep’ est la plus touchée avec 42% de ses 131 salariés, 50% chez Alliance Media, sa régie publicitaire.
Dans le collimateur, le centre d’impression et ses 40 imprimeurs. Un comble quand on sait que la rotative avait été la fierté du titre. En sortant son premier tirage offset le 24 février 1969, La Rep’ avait fait figure de pionnière nationale.
C’est donc plus qu’une page qu’entend tourner la direction du groupe, c’est au déboulonnage d’un symbole qu’elle s’attaque.
Eloigner l’impression de La Rep’ à Tours, comme les syndicats le pressentent de la part de la direction, ce serait accentuer le transport routier sans commune mesure avec l’impression de L’Echo républicain, propriété Centre France, à Saran. Cette dernière orientation préserverait non seulement les 40 imprimeurs, mais profiterait à La Rep’ au lieu d’un sous-traitant comme c’est le cas aujourd’hui.
Appliquer les décisions de La Montagne rendrait d’autant plus irréversible notre éloignement à tous des Jours heureux, du nom du programme du Conseil national de la résistance. Cela signerait le reniement des origines mêmes du quotidien né de la Libération.
En cette période de vœux, le meilleur moyen de porter les revendications des salariés du journal local et de rester vent debout opposés à sa délocalisation, les soutenir en signant ici http://chn.ge/1fyxlcg leur pétition.