Il est de retour. Ou plutôt Elle. Au-delà des disputes habituelles sur les sondages et les manipulations, les instituts et les commanditaires, personne ne remet en cause la percée de Marine Le Pen. Même s'il est difficile de la quantifier précisément, il est absurde de la nier totalement. Le phénomène médiatique et polémique ne doit pas masquer le fond. Si l'on regarde ce qui a changé entre Marine et son père, on retombe sur la vieille recette de l'extrême-droite, le National-socialisme. Il ne s'agit pas là de "diaboliser" le FN, de le taxer d'antisémitisme et de racisme à priori, mais bien d'analyser le nouveau discours qu'incarne Marine Le Pen.
Sous l'abrévation de "nazi", on entrevoit immédiatement l'horreur absolue de la seconde guerre mondiale, de la shoah, de Hitler. On ne peut pas reprocher cela à Marine Le Pen. Elle se dédouanne d'ailleurs plus ou moins de l'héritage traditionnel de l'extrême-droite française issue de la Collaboration, cléricale et antisémite, libérale et révisionniste. C'est Bruno Gollnisch qui incarne ce canal historique dans le FN, en cela il est bien plus fidèle que Marine aux fondamentaux du Front, depuis toujours défendus par Jean-Marie Le Pen.
Ces thèmes anciens ne sont plus électoralement porteurs : le négationisme, la défense de Pétain, la lutte contre l'avortement... il n'y a pas là de quoi mobiliser l'électorat en 2012. Par contre, l'abandon des positions ultra-libérales du FN, sensées satisfaire l'électorat tradionnel autrefois Poujadiste des artisans et commerçants a aussi été passé à la trappe. Remplacé par une politique étatiste et volontariste. La dénonciation de la "finance" (même plus besoin de dire juive, on parle du FMI de DSK), des "délocalisations en Chine" (l'étranger innombrable qui nous submerge par ses chaussettes de mauvaise qualité), de la perte de pureté de la France ("islamisation rampante" de la société) ramène à de la démagogie basique. Exploiter les peurs et les clichés, conforter le peuple dans ses préjugés pour paraitre le comprendre.
En pleine crise économique mondiale, pourquoi défendre le libéralisme? Qui, aujourd'hui, se fait l'avocat public des milieux de l'argent et des grands possédants? La montée de Marine Le Pen ne se fait pas chez les traders et les banquiers, mais bien chez les gens simples, excédés par la situation sociale qui se dégrade et les scandales politiques à répétition. Bettencourt et Karachi, les emplois fictifs de la mairie de Paris et les déchirements entre "barons" socialistes, les ministres corrompus qui valsent à chaque nouveau scandale... nous voilà revenus au temps de Panama.
L'idée d'une collusion permanante entre les milieux de l'argent et les décideurs politiques, entretenue par l'extrême-gauche qui évoque à tout bout de champ "l'oligarchie" en y mélangeant le G20, le FMI, l'OMC, l'UE... renforce encore le sentiment du "tous pourris" et dévalorise en permanence le système électoral : cela ne sert à rien, les élections ne sont qu'une façade, il n'y a plus de démocratie. Si cela ne sert à rien, n'a pas d'incidence, pourquoi ne pas voter pour le FN? Cela aurait peut-être un impact, on nous entendrait, ça changerait peut-être quelque chose...
Personne ne fait vraiment de social. L'extrême-gauche se déchire entre sectes au jargon ubuesque et le PS n'est qu'une version édulcorée de l'UMP. Marine Le Pen s'appuie sur ces argumentaires pour recruter : elle veut protéger les humbles (socialisme) et les Français (nationalisme). Beaucoup se sentent donc doublement concernés par ce discours. La démagogie a toujours été le fond de commerce de l'extrême-droite. Lui adjoindre une dimension sociale en période de crise économique est un calcul efficace. Hitler l'a fait en son temps : son parti, le NSDAP, portait dans son nom la volonté de fondre nationalisme et socialisme (NSDAP : initiales en Allemand du Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands).
De nombreux communistes et syndicalistes allemands se sont laissés prendre à cette dialectique qui prétend protèger les emplois "nationaux" en période de crise. De celle de 1929 à celle d'aujord'hui, il n'y a pas de grandes différences. En France les premiers cas, retentissants, de passage de l'extrême gauche ou du syndicalisme au militantisme FN commencent à être médiatisés. On parle de cas isolés, mais combien sont ignorés? Alors même que les valeurs internationalistes et humanistes sont toujours reliées aux turpides de la finance et à l'impuissance de la politique idéologique, on peut admettre que certains optent pour les valeurs inverses : le nationalisme et l'égoïsme.
En 1932 et 1933, le NSDAP de Hitler ne gagne pas les élections sur son projet antisémite et guerrier, mais bien sur la promesse de donner du travail aux Allemands touchés de plein fouet par la crise économique. La fibre sociale de Marine Le Pen correpond à une démarche électoraliste qui utilise les difficultés économiques et les souffrances pour appuyer sur l'idée de "préférence nationale". L'alternance gauche-droite est rendue responsable de tous les échecs économiques et socaiux de la société française. Face à la langue de bois, la recette populiste de la "franchise" est sans cesse reprise, vieille antienne, pour condamner d'avance toutes les solutions et stratégies économiques proposées par les partis politiques traditionnels. En cela l'argumentaire FN rejoint celui de l'extrême-gauche. Si le Front n'est pas encore anti-capitaliste, il est déjà révolutionnaire, au sens national du terme.
De la même manière, les humiliations à répétition des Allemands après leur défaite en 1918 ont créé un besoin inversement proportionnel de reconnaissance porté par le projet raciste des nazis. En 2011, les Français, auxquels on explique que des politiques indigentes sont liées à l'impuissance française, que c'est leur faute s'ils ne sont pas compétitifs et travailleurs, ont besoin d'entendre qu'ils sont capables de se débrouiller seuls. Le report sur l'Europe, l'Euro et les "technocrates de Bruxelles" de nombre de difficultés, appuie la thèse frontiste de sortie de l'UE (alors que la marché commun, c'est 60% des débouchés économiques de la France!). L'accumulation des clichés sur la "délinquance d'origine étrangère", les faux débats sur l'identité nationale, la chasse aux Roms créent de nouveaux bouc-émissaires : les musulmans. Le jeu dangereux du sarkozisme du discours fumeux de Grenoble légitime, par la voix présidentielle, le droit à la haine, l'islamophobie.
Les discours complexes laissent alors la place à des raccourcis sans fondements. Il est bien plus facile de conforter les préjugés que de les combattre. Si Marine Le Pen fait dans le social, qu'elle lisse l'image du FN "qui fait peur", elle reste nationaliste et l'assume. On peut donc dire qu'elle incarne le National-socialisme à la Française.