Ce sont les Athéniens qui ont inventé la démocratie. Dans La Constitution des Athéniens (ou d'Athènes), attribuée à Aristote (lui ou ses disciples du Lycée à qui il avait commandé le travail, papyrus exhumé des archives du British Museum) est décrite la création du système démocratique sous le législateur Solon. On voit que, déjà, on reproche à celui-ci, qui amélioré la condition du peuple en lui attribuant le pouvoir politique et en le libérant de l'esclavage pour dettes, est accusé d'avoir profité de l'opération pour s'enrichir avec quelques amis. Aristote rejette l'accusation en faisant valoir que l'oeuvre de Solon est poussée par un humanisme et une élévation de valeurs s'accommodant mal de petites combines.
" Devenu maître du pouvoir, Solon affranchit le peuple, en défendant que dans le présent et à l'avenir la personne du débiteur servît de gage. Il donna des lois et abolit toutes les dettes, tant privées que publiques. C'est la réforme qu'on appelle la délivrance du fardeau (seis‹xyeia), par allusion à la charge qu'ils avaient comme rejetée de leurs épaules.
On a essayé d'attaquer Solon à ce sujet. Au moment en effet où il projetait l'abolition des dettes, il lui arriva d'en parler à l'avance à quelques-uns des nobles, et ses amis, selon la version des démocrates, firent, à l'encontre de ses projets, une manœuvre, dont il aurait aussi profité, ajoutent ceux qui le veulent calomnier. Ils s'entendirent pour emprunter de l'argent et acheter beaucoup de terre, et l'abolition des dettes survenant presque aussitôt, ils firent fortune. Ce fut, dit-on, l'origine de ces fortunes que dans la suite on fit remonter à une si haute antiquité. Mais la version des démocrates est plus plausible ; l'autre n'a pas la vraisemblance pour elle : comment un homme, qui fut si modéré et si attaché aux intérêts publics que, pouvant tourner les lois à son profit et établir sa tyrannie dans la ville, il s'attira plutôt la haine de l'un et de l'autre parti, mettant l'honneur et le salut de la cité au-dessus de ses propres intérêts, se serait-il sali à d'aussi petites et aussi indignes opérations ? Et ce n'est pas le pouvoir qui lui manqua et c'est bien lui qui porta remède au mauvais état des affaires : lui-même l'a rappelé souvent dans ses vers et tous les auteurs sont d'accord sur ce point. Il faut donc regarder comme mensongère une telle accusation."
Aristote, La Constitution d'Athènes.
Comme quoi le "tous pourris" ne date pas d'aujourd'hui et que ceux qui crient à l'immoralité de tout le personnel politique et en appellent à l'abstention systématique ont eu de très anciens devanciers. On accusa Solon car il était riche, comme Périclès par la suite, mais il me semble que 2500 plus tard, nous pouvons nous joindre à Aristote pour convenir que certaines réformes permettent à la société d'évoluer et de devenir meilleure, et qu'elles sont le meilleur témoignage sur la crédibilité des politiques : jugeons les sur ceux qu'ils ont fait et ce qu'ils proposent.