J'ai bien réfléchi, je ne vois pas d'autre solution pour pouvoir faire ma vie dans ce pays que j'aime. Moi et ma famille allons donc demander l'asile politique. Nous avons franchi clandestinement la frontière, c'est vrai. Emportés par le vent de peur et de panique qui souffle là-bas. Comment rester dans la peur?
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La peur de ce ministre de l'intérieur qui, au nom de la sécurité publique et de l'union de la nation, se livre à des persécutons religieuses. La peur de ce président tout-puissant qui ne connait plus la limite de l'indécence et du népotisme. A son image, chaque ministre donne dans la corruption : celui de la culture organise la valse à la tête des théâtres, celui de l'environnement donnait des permis d'exploiter les sols en polluant les eaux, celle des affaires étrangères vivait avec celui des relations avec le Parlement.
Vraiment, il devient impossible d'écouter l'agence officielle première chaine diffuser les messages de propagande du régime, la télévision publique abrutir le peuple avec des programmes stupides, les journaux qui appartiennent tous aux amis du président. Comment vivre dans un tel pays? Comment ne pas regretter le temps jadis, celui d'avant les troubles, quand l'armée était encore dans ses casernes et que la vie républicaine gradait un cours normal? Comment notre peuple si fier a-t-il pu en si peu de temps abandonner toute souveraineté à cet insatiable affamé de pouvoir.
Les lois liberticides se sont succédées, d'abord sur l'espace internet, puis sur l'espace public, enfin partout. Les ultra-nationalistes n'avaient plus qu'à surenchérir, le gouvernement avait beau être condamné par les derniers magistrats courageux, la marche vers l'autoritarisme était inexorable. Les manifestations n'y pouvaient rien, le pouvoir, toujours, restait inflexible. Ce n'est pas la rue qui gouverne, disait-il. Les règles de la Charte européennes des droits de l'homme étaient bafouées, des gardes à vues sans avocats qui se multipliaient chaque année, des interrogatoires sans garanties, un parquet aux ordres du gouvernement, un président et de ministres qui critiquaient les magistrats.
J'explique tout ça à la police de l'air et des frontières. Interloqués, ils me demandent d'où je viens. De France. Mais vous ne pouvez pas demander l'asile politique, la France est une démocratie... Ah bon?
La France refuse d'ouvrir ses frontières, Vintimille devient le nouveau Calais. Les droits de l'homme ne sont plus respectés dans ce pays. On commence donc par se fermer au monde, ce n'est certainement pas pour mieux respirer. Où donc se réfugier?