C'est la proposition de l'émissaire américain en Corée du Nord, Bill Richardson, pour éviter que le conflit ne dégénère entre les deux républiques coréennes issues de la guerre froide lors du cessez-le feu de 1953 (article de RFI). C'est une solution qui a le mérite d'avoir fait ses preuves : pour éviter le scénario à la "Docteur Follamour", mieux vaut se parler dans des téléphones rouges avant d'appuyer sur le bouton, rouge aussi. Même si le gouverneur du Nouveau-Mexique n'est officiellement là "qu'à titre privé", c'est juste un moyen de préserver les apparence pour la Corée du Nord qui ne veut pas publiquement "négocier avec les démons de l'impérialisme", pour reprendre la terminologie en vigueur à Pyongyang.
Permettre un dialogue, créer une commission mixte, à laquelle participerait les Etats-unis, pour régler à l'amiable les questions de souveraineté en mer jaune, assurer par divers protocoles l'évitement d'une guerre fratricide... que voilà de bonnes intentions. Ce qui est plus étonnant, c'est que les Etats-unis n'empêchent pas, ne dissuadent pas leur allié sud-coréen de procéder à des exercices de tir sur l'île de Yeonpyeong, là précisément où a eu lieu le récent accrochage avec le Corée du Nord. Pour apaiser les tensions, quoi de plus simple? On met en avant le désir de la Corée du sud de laver l'affront, le besoin d'affirmer leur détermination... mais ce n'est pas la question. La question, c'est pourquoi les Américains et les Chinois, chacun protecteur de sa Corée, laissent s'envenimer ainsi la situation depuis bientôt plus d'un an?
Depuis 1953, les roulements de mécaniques n'ont jamais vraiment cessé. L'équilibre de la peur, qui prévalait durant la guerre froide, explique en partie le gel de la situation. Les Coréens, comme les Allemands autrefois, sont les victimes d'enjeux qui les dépassent. Aujourd'hui encore le partage de la Corée répond au maintien de zones d'influences chinoises et américaines dans la région. Les partenaires économiques majeurs que sont devenus les Japonais et les sud-Coréens sont indéfectiblement soutenus par les Américains. Les nord-Coréens, au même titre que les Birmans, sont des pays où la Chine de Pékin exerce une forte influence en tant que seul pays référent. La situation est donc bloquée dans un statut-quo que seul un changement de régime en Chine semble susceptible de faire évoluer.
Mieux que quiconque, les Américains le savent. Ils ne sont certainement pas près à ouvrir un nouveau conflit dans cette zone du monde essentielle à leur économie. Pourquoi donc laisser la Corée du sud répondre aux provocations venues du nord, risquer de s'engager dans un processus de représailles stérile, donner le change en installant un nouveau "téléphone rouge"? Pourquoi ne pas simplement demander aux Chinois de calmer les nord-Coréens, comme habituellement?
Soit c'est une faute de la diplomatie américaine, soit c'est un savant calcul pour rappeler à la Chine qu'elle n'est pas à l'abri d'un désengagement de l'armée américaine à ses portes. Soit, plus grave, c'est le choix de laisser dégénérer la situation pour provoquer un affrontement certainement fatal au régime - par ailleurs immonde - de Pyongyang. Cette troisième option est bien trop dangereuse pour être crédible. La seconde, d'intimidation de la Chine semble également irresponsable. La première, celle d'une faute diplomatique par manque d'influence sur l'allié sud-coréen est également inquiétante.
A Séoul, mais aussi à Tokyo, la guerre froide fait encore régner la peur. A Pyongyang, c'est encore l'enfer du goulag, l'obscurité la plus noire.