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Billet de blog 22 avril 2011

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Le déclin de l'Islam politique

Les révolutions du printemps arabe sont marquées par l'absence de toute revendication religieuse. Si le nom de Dieu reste parfois en tête des slogans, si le vendredi, la mosquée reste le lieu du rassemblement, il s'agit plus d'un fonctionnement rhétorique et social que d'une primauté du religieux.

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Les révolutions du printemps arabe sont marquées par l'absence de toute revendication religieuse. Si le nom de Dieu reste parfois en tête des slogans, si le vendredi, la mosquée reste le lieu du rassemblement, il s'agit plus d'un fonctionnement rhétorique et social que d'une primauté du religieux.

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L'épouvantail des Frères musulmans salafistes, même celui d'Al Qaeda, ont été brandis par les gouvernements des dictateurs et repris par l'ensemble des média. Mais, ces organisations, prétendues puissantes et armées, dirigeant des milliers de consciences, ne sont ni à l'origine des soulèvements, ni même majoritaires chez les manifestants. Elles semblent dépassées par les évènements, incapables d'en prendre la tête. Il n'y a d'ailleurs pas de tête à cette contestation protéiforme qui s'appuie sur les réseaux sociaux, les émigrés, les manifestations imprévisibles.

Lorsque le régime ne cède pas, la violence prend le pas, comme en Libye, mais, même là, rien ne permet de dire que les révoltés de Benghazi ou de Mistrata soient mus par des motivations religieuses. Cette coupure, presque laïque, entre l'islam et la sphère politique est une grande nouveauté et marque certainement une étape décisive dans l'évolution politique des sociétés civiles arabes qui s'émancipent de l'idée d'une marche inéluctable à la théocratie. C'est d'autant plus remarquable que, depuis le Prophète, lui même chef politique, l'idée califale d'un commandeur des Croyants n'a jamais différencié l'appartenance religieuse et l'obéissance politique. Cette dualité de l'autorité se retrouve d'ailleurs dans beaucoup d'institutions : le royaume chérifien du Maroc, la monarchie saoudienne ou jordanienne, mais aussi le poids du confessionnalisme dans la constitution libannaise.

Les régimes officiellement théocratiques ont montré qu'ils étaient en fait violement liberticides : l'exemple iranien témoigne d'une société se retrouvant écartelée entre son respect de la religion et les besoins de liberté et d'émancipation toujours brimés par les Passdaran et autres polices religieuses du pays des ayatollahs. Même au plus haut sommet de l'Etat, des voix se font discordantes face au discours rétrograde d'un Ahmadinejad. Le soutien qu'il reçoit est de plus en plus clanique et obscurantiste, face à une société iranienne qui étouffe et a osé bravé le régime après les dernières élections. L'autre grand repoussoir est bien entendu l'Afghanistan. Quel peuple, aussi pieux soit-il, aurait envie de vivre sous le régime des talibans? Comment croire que les jeunes qui postent des vidéos sur internet soient des militants de l'interdiction des images, des iconoclastes arriérés partisans d'une application stricte de la charria? Les lois dans certains des pays arabes sont d'ailleurs déjà extrêmement sévères, il me semble que ce n'est pas leur durcissement qui est demandé par les manifestants.

Le mot d'ordre commun est la fin des régimes d'exception, la garantie des libertés individuelles, mais aussi de meilleures perspectives économiques. En cela, les révolutions du printemps arabe sont la preuve de l'émergence d'une conscience politique indépendante du fait religieux. L'analyse confessionnelle, par exemple en Egypte, de la Révolution n'a pas de sens véritable. Le patriarche copte loue le "souffle de l'esprit" sur la place Tharir. La plupart des Egyptiens, indépendament de leurs croyances, soutiennent la mise en place d'un régime démocratique et veillent d'ailleurs à ce que la transition ne soit pas confisquée par l'armée.

La Tunisie et l'Egypte offrent donc un nouveau modèle aux peuple du monde, en particulier au monde musulman, un modèle où l'Islam est une religion et non un objectif politique. Le Coran rappelle bien que c'est là l'essentiel et que le djihad intérieur est le plus important. La liberté politique et la liberté de conscience se retrouvent associées dans un rejet des oligarchies corrompues, des dictatures religieuses ou non.

L'Islam a d'ailleurs tout à gagner à la fin d'un islam politique toujours dévoyé dans le cadre de régimes autoritaires.

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