jean-marc gavanon (avatar)

jean-marc gavanon

Dissident

Abonné·e de Mediapart

122 Billets

2 Éditions

Billet de blog 26 mars 2011

jean-marc gavanon (avatar)

jean-marc gavanon

Dissident

Abonné·e de Mediapart

Libye : le malaise de mediapart

jean-marc gavanon (avatar)

jean-marc gavanon

Dissident

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans la nuit, les insurgés libyens ont repris Ajdabiya, la ville stratégique entre Syrte et Benghazi (lien). La semaine dernière, la même ville avait été reprise lors de l'offensive des troupes fidèles à Kadhafi. Le dictateur libyen, devant l'inaction internationale proclamait alors qu'il ne ferait alors pas de quartiers et qu'il irait chercher "jusque dans les chiottes" les rebelles de Benghazi. Aujourd'hui, avec l'aide des bombardements alliés, les Libyens reprennent le terrain perdu et découvrent, le long de la route et aux abords du désert, des charniers et même des cadavres mutilés. Des mercenaires africains sont faits prisonniers, le CICR a d'ailleurs été autorisé à rendre visite à ces prisonniers de guerre à Benghazi. Kadhafi a refusé une telle visite aux prisonniers qu'il détient, violant une fois de plus le Droit international, sans que cela n'émeuve trop Mediapart.

On sent une gêne dans les dernières éditions de notre journal en ligne. Après l'assourdissant silence des premiers jours, Mediapart a peu à peu choisi une position éditoriale intenable : la distorsion de la réalité. Cette position n'est d'ailleurs pas celle de tous les journalistes. Ceux qui se trouvent en charge de la couverture factuelle du conflit (Audry Vucher, Thomas Cantaloube) ne s'alignent pas forcément sur les partis pris des grands anciens du journal. La rédaction a essentiellement choisi de ne pas vraiment traiter le sujet : on titre sur le Mediator, le Japon, les cantonales... quand enfin il devient impossible de ne pas en parler, on évoque l'intervention en Libye comme une manipulation. L'artillerie lourde du journal pilonne les faits (appels au meurtre de Kadhafi, quasi-consensus des démocraties mondiales à l'ONU, soutien des opinions publiques arabes, appels à l'aide de la population libyenne) sous un feu de sous-entendus et de rapprochements inadaptés. François Bonnet d'abord, Edwy Plenel ensuite : des articles qui barrent la une pour défendre l'opinion de leurs auteurs.

Derrière un article, il y a toujours un journaliste, mais là on a l'impression que c'est un peu l'inverse. On veut dire qu'on condamne Kadhafi, il ne s'agit pas de le défendre, mais qu'il ne fallait pas intervenir. Et quoi alors? Regarder? Déplorer? Implorer? On dit que l'on met les citoyens devant un choix simple, que la réalité est plus complexe... mais les faits sont têtus. La reconquête de la Libye par kadhafi se faisait dans le sang. Le sang continue de couler en Libye, mais on a redonné une chance à ceux qui se révoltent pour plus de liberté. On respecte leur volonté en n'intervenant pas au sol mais en les débarrassant des armes contre lesquelles ils ne peuvent rien. Qui nie leur courage?

On ne sait pas bien qui ils sont, parmi eux, il y a sans doute des gens... pires que Kadhafi? Je ne pense pas. Ceux que je vois et qui combattent aujourd'hui ne paraissent pas être des esclaves manipulés, et surtout ils ne seront pas, après, facilement manipulables. Ils ont déjà conquis leur liberté, les armes à la main. Les risques d'un enlisement, la fantôme de l'Irak, de l'Afghanistan, du Vietnam... évidement qu'il y a des risques. Et alors? Notre égoïsme est-il si grand que nous ne pouvons pas prendre le moindre risque? La vie d'un Français, qu'il soit pilote de chasse ou victime d'un attentat, a-t-elle plus de valeur que celles de milliers de Libyens.

Il aurait mieux valu que la France reste en retrait, pour ne pas subir les possibles contre-coups, comme l'Allemagne...au nom de la politique qu'a menée Michèle Alliot-Marie en Tunisie ou de celle de son compagnon Patrick Ollier en Libye? On ne peut pas à la fois dénoncer ces compromissions et demander que la France reste dans l'inaction terne. On ne peut pas déplorer, comme le faisait Mediapart, l'inaction de la communauté internationale puis regretter son engagement, même trop tardif. Et surtout on ne doit pas se draper dans les principes de la morale, du droit et de la République pour justifier ce revirement.

On reproche aussi à Sarkozy, que j'exècre par ailleurs, ses arrière-pensées politiciennes. A juste titre. On peut prévenir les citoyens que l'action en Libye ne dédouane en rien le président de ses errements passés, de ses compromissions avec Kadhafi, de sa politique étrangère désastreuse dans le monde arabe, des honteuses déclarations de la place Bauveau. Mais on peut faire cela sans condamner l'intervention en Libye. L'anti-sarkozisme est un ciment de Mediapart, mais il ne peut pas être primaire au point de ne voir que des fautes dans la politique française. Il y en a largement assez de vraies sans aller en fabriquer de nouvelles. La Pravda n'était plus crédible parce que tout allait toujours bien en URSS. Mediapart ne l'est plus si notre journal se transforme en catéchisme de propagande.

Voilà en tous cas un article qui ne paraitra jamais à la une, qui ne sera donc lu que par très peu. On y retrouvera, s'il y a quelques commentaires, des accusations de "va t'en guerre", de "bon petit soldat", etc. mais il reste les faits, et ils sont têtus. On pourra trouver chaque jour un nouveau personnage, comme Brauman aujourd'hui, pour dire que la guerre c'est pas bien, mais quoi d'autre? Si Kadhafi négocie, ce sera grâce à la pression des bombes, rien d'autre. Si Kadhafi part, ce sera grâce au peuple Libyen, rien d'autre. Quel naïf! On soutient le peuple libyen... comment? En organisant des kermesses?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.