Que se passe-t-il donc dans le monde? Ce n'est certainement pas le petit écran qui vous le dira!
Vous pouviez suivre le mariage kitsh de l'héritier de l'héritier de la couronne d'Angleterre, d'Ecosse et du commonwealth. Essentiel pour saisir comment va le monde d'aujourd'hui. Dans un bar à tapas de Barcelone, le cuisinier pakistanais ne semble pourtant pas captivé par le défilé des gardes en rouge avec moumoute géante, ni par les bocadillos qu'il prépare, d'ailleurs. Cet évènement rassemble pourtant un nombre record de téléspectateurs, dans le monde entier et malgré les décalages horaires, sur l'empire médiatique où le soleil ne se couche jamais.
Vous pourrez également, mystique, participer à la grande communion romaine pour la béatification de Jean-Paul II en compagnie de Robert Mugabe, dictateur en exercice du Zimbabwe où sévit le choléra. La béatification ce n'est pas encore la sanctification, c'est juste la première étape qui permet de devenir Bienheureux (= sous-saint, en fait). On a déjà instruit ce procès en un temps qui laisse bouche bée, pas question donc de sauter une étape incontournable avant d'entrer vraiment dans le calendrier. Béatifié, Karol devient ainsi un modèle à suivre pour tous les catholiques : célibataire, sans enfants, poyglotte et grand consommateur de voyages en avion. Si tous les catholiques voyagent autant que ce modèle, il faut prévoir un réchauffement climatique accéléré et une envolée en bourse des Tour-Opérateurs.
La télévision accumule sans doute les témoignages de fidèles du monde catholique qui viennent à Rome pour participer à l'évènement. Pourtant, malgré le poids relatif du nombre d'adeptes, il y aura moins de téléspectateurs que pour le mariage princier. Même si le prince est le futur commandeur de l'Eglise anglicanne, et que celle-ci ne représente qu'un nombre relativement limité de croyants, il a réussi à créer un buzz médiatique plus important que l'ancien pape Jean-Paul II. Il faut dire également que ce dernier étant temporellement mort, il ne peut pas y avoir beaucoup de rebondissements durant les cérémonies. Les plus fervents s'attendent sans doute à de nouveaux miracles dès dimanche. Des malades d'Alzheimer qui retrouvent la plénitude de leur mémoire, cela ferait un beau pendant aux malades de Parkinson qui se sont arrêtés de trembler.
Les révolutions arabes passent bien loin derrière ce grand cirque (c'est là, à Rome que se pressent déjà les Catholiques), le 1er Mai sera cette année marqué par la religion. C'était pourtant l'un des rares jours ferié qui n'était pas associé à une fête chrétienne. Mais il ne faut pas désespérer, il n'y a pas que des programmes débiles à la télévision. Il y a aussi le sport. Le sport, voilà au moins un sujet qui ne prête pas à polémique. C'est saint le sport, c'est facile à comprendre. Le plus populaire de tous, le foot, par exemple. Voilà quelque chose de simple : un sélectionneur Blanc, discute avec des hauts responsables inconnus de tous, de l'avenir des joueurs, noirs. C'est un peu comme en politique. Il y a ceux qui décident et ceux qui subissent les décisions, et ce ne sont jamais les mêmes. Le malaise médiatique vient peut-être du fait que le concert de louanges sur Laurent Blanc était unanime : l'ancien sélectionneur sélectionnait d'après l'astrologie, le nouveau...serait pour des quotas? La discrimination positive avec retenue, un concept à creuser, sans le dire, bien entendu.
C'est la même chose que pour le mariage anglais : il ne faut jamais gratter sous les dorures. Ou comme pour la béatification du pape, il ne faut pas trop enquêter sur les miracles. Tout est mystique, si l'on veut. Mais ce qui est certain, c'est que c'est d'abord télévisé.
Renoncer à la télévision, c'est prendre le risque de penser par soi-même plus souvent. C'est aussi économiser un peu en ne payant pas de redevance. C'est aussi renoncer à une source de propagande publicitaire. C'est aussi favoriser la qualité cinématographique en allant plus souvent voir les grands écrans. C'est aussi favoriser l'émergeance de modes d'information alternatifs comme Mediapart.
Sautez le pas, débranchez la télé (pour plus de sécurité, il est également conseillé d'endommager de manière irréversible le rateau).