Quand on s'avise de faire des études à Paris et qu'on n'a ni bourses ni parents aisés, on se trouve confronté à un drôle de dilemme. Soit on travaille à mi-temps à côté de ses études, et alors il est impossible de trouver à se loger, soit on travaille à plein temps, et alors il est impossible de mener ses études...
J'ai choisi la voie transversale : habiter dans un endroit dont le propriétaire ne fait rien.
Il se trouve qu'à l'époque de la flambée des prix, des milliers de mètres carrés sont inoccupés à Paris. De pauvres propriétaires qui hésitent pendant des années entre louer et vendre, qui attendent le bon moment, et qui finissent parfois par oublier leur immeuble comme on oublie un stylo derrière un bureau. Des bâtiments si beaux et si bien placés que la tentation est trop grande : on ne résiste pas à l'envie d'y faire son nid en toute discrétion, puisqu'après tout il n'y a de place pour nous nulle part ailleurs dans cette ville.
Mais c'est au prix de la légalité : depuis un an je suis un hors-la-loi, ou plutôt, je suis "occupant sans droit ni titre" du bien d'autrui.
Mais la "France des propriétaires" est aussi le pays de la Justice. Cette Justice qui considère qu'il est particulièrement injuste que des personnes se logent, et quil serait plus juste que ces immeubles restassent vides jusqu'à la fin de la crise du logement.
Par le fait de la Justice donc, je suis actuellement expulsable.
Un précaire de moins à Paris, un immeuble vide de plus, le droit de propriété confirme chaque jour davantage sa domination sur le droit au logement, et lutte sans relâche contre la pauvreté... du moins contre sa présence en ville.
Alors, qu'est-ce que je vais faire ?