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Billet de blog 1 janvier 2013

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Bonne année, Edwy !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                 Si je vous adresse mes vœux de bonne année, c’est, parce que depuis que je fréquente grâce à vous un lieu de liberté d’expression nommé Médiapart,  je lis plus souvent qu’ailleurs une signature, la vôtre, que j’avais découverte au « Monde », et que, derrière la signature j’ai entrevu l’homme.

Et puis c’est aussi grâce à la réflexion d’un ami médiapartien, Michel Philips, que j’ai éprouvé le besoin de vous écrire.

Au cours d’un de nos échanges par blogs interposés, Michel m’a incidemment appris que c’était vous qui aviez révélé « l’affaire du Rainbow Warrior ».

J’allais donc enfin pouvoir dire à l’auteur de la « révélation » la colère que j’avais éprouvée à l’époque. J’avais eu l’impression d’une enquête bâclée, ou du moins inachevée, le journaliste (je ne savais plus que c’était vous) s’étant contenté de l’immense satisfaction de dégommer un ministre, un amiral, et même d’ébranler la statue du Commandeur. Que demander de plus ? Son but était atteint : Les socialistes français moqués par tout le pays, les services secrets français transformés en une bande de pieds nickelés, la France objet de la risée de la terre entière. Il pouvait être fier ! Il avait fait son travail de journaliste intègre, de chevalier blanc au service de la vérité (ou de sa propre gloire).

 Et moi je rageais à l’idée que cette personne s’était contentée des apparences, avait fait le jeu de ceux qui l’avaient manipulé.

Car à une époque de ma vie, j’ai fait partie, j’allais dire par hasard, des services secrets. Après mon service militaire dans les paras, au 11ème BPC, je me suis trouvé embarqué, dans un service officiel de l’armée. Je faisais de fréquentes périodes d’entraînement au Centre du SDEC, à Cercottes, près d’Orléans. Or je puis vous assurer que l’entraînement en question y était très sérieux. Et lorsque j’ai appris par les journaux que les « saboteurs du Rainbow Warior »  avaient opéré comme de pitoyables amateurs, semant  comme le Petit Poucet, des traces de leur passage j’en ai tiré la conclusion que très habilement, le sabotage avait été saboté et que ça avait marché.

A l’époque où je pointais au SDEC, j’étais, comme tous ses militaires de carrière ou réservistes, profondément de Droite. Pour moi, d’une droite de la Lorraine chrétienne, résistante, marquée par les deux guerres, haïssant viscéralement les allemands et abhorrant Pétain mais aussi pour qui la Gauche ne pouvait qu’être une menace pour la France.

Puis, bien sûr, j’ai grandi. J’ai découvert la honte de la colonisation, le fanatisme de l’OAS, que de bons amis ont rejoint. J’ai rompu avec l’armée, celle des Aussarès, de Le Pen, alors que j’ai gardé toute mon estime pour les autres, Krotoff notamment.

Et il m’est devenu évident, dans l’affaire du Rainbow Warior, qu’une droite de la droite, celle qui n’avait pas hésité à trahir le Pays en 40, celle de l’Algérie Française, a sauté sur cette trop belle occasion de ridiculiser la gauche honnie, de la mettre face à ses contradictions, et d’utiliser des gens du SDEC pour le faire. Vous avez sans doute alors reçu des auteurs du « sabotage du sabotage » la livraison bien ficelée de l’affaire.

Ce fut une réussite complète pour la droite, une catastrophe pour la Gauche, le désarroi pour beaucoup, et un succès pour vous. De quoi se faire craindre et donc respecter, vous imposer comme expert de la Vérité vraie.

Pour moi, un grand point d’interrogation :

Je me demande si votre recherche évidente de vérité, en soi très honorable,  n’est pas uniquement le prétexte qui permet de démolir l’image de toute autorité, d’en saper le fondement.

J’ai le sentiment que l’autorité, autre que soi-même sur soi-même, vous insupporte totalement. Alors que si une personne ne représente qu’elle-même, elle n’est pas personnage, mais simplement « soi », et en tant que telle impose ses limites, quelles qu’elles soient sans qu’on puisse y redire. Si je ne suis pas d’accord avec elle, nous discutons. Si nous ne parvenons pas à nous entendre, nous passons notre chemin.

Si tel est votre but premier, nier la légitimité de toute autorité, vous jouez sur du velours, car sous tout personnage se tapit une personne, un être humain, et vous le savez comme moi, nous autres les humains sommes faillibles. En révélant les failles de la personne, et vous en trouverez toujours, vous abattez le personnage.

Est-ce donc là votre but : Détruire tout personnage car vous lui nier systématiquement toute légitimité ?

Si oui, vous serez toujours gagnant.

Enfin presque toujours. Car si un malfaisant connait la faille possible d’un personnage d’autorité qu’il veut abattre, et s’il connait votre propre point faible (le rejet de toute autorité) il lui suffira de fabriquer des faux et de vous les livrer sous le sceau du secret. Il nuira à sa cible, et si la supercherie est dévoilée, c’est vous qui tomberez.

 Je me réfère ainsi à ce scoop du 27août 1991 «Un scandale à Panama », sans doute pour vous de sinistre mémoire. ( J’ai consulté Wikipédia, sinon je n’en saurais rien).Vous vous étiez fait manipuler.  .

 Et puis, bien sûr, je pense à « l’affaire Cahuzac ». Personnage actuel important du Gouvernement.  Bruguière ou quelqu’un d’autre  ne vous aurait-il pas manipulé ?

 Voilà à quoi la réflexion de Michel Philips m’a conduit ces jours… Car j’admire votre pugnacité de journaliste d’investigation, votre acharnement à découvrir une faille, mais j’aimerais en comprendre la raison profonde.

 Ce que je crois comprendre, c’est qu’en tentant d’abattre un personnage, c’est avant tout le symbole que vous voulez toucher. Ce qui signifierait que vous n’êtes partisan d’aucun système politique qui suppose délégation d’autorité. Surtout pas la dictature, évidemment, mais pas davantage la démocratie. Toute organisation reposant sur l’autorité de quelques uns, même par délégation, est à détruire. Seul n’aurait crédit à vos yeux que l’anarchie, le pouvoir direct de chacun.

 Ce qui expliquerait la création de Médiapart.

 Vous et ses autres fondateurs avez créé un espace de (presque) totale liberté. Où chaque personne est maîtresse de sa parole, le porte-voix de sa propre voix, se met en relation avec qui elle veut, ou ferme le dialogue. Une assemblée décisionnelle plénière permanente.

Je ne sais pas si mon propos se tient, si cette question est pour vous banale, ou idiote, si vous l’avez déjà traitée. C’est vrai que je découvre un peu l’homme que vous êtes, non à travers vos écrits que je ne connais pas, mais à travers ma pratique au sein de Médiapart.

 Médiapart est-il votre archétype de société ?

 Pour ma part, je vous remercie de l’avoir inventé. Et d’en pousser le modèle.

 D’où mes très sincères vœux de bonne année.

                                                                          Jean-Marie Charron

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