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Billet de blog 1 juillet 2010

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Pour l'amour d'une belle italienne

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Médiapart fait actuellement la preuve de la part importante qu’elle prend dans la vie du Pays. Le dernier article sur le « premier cercle » en est le tout récent témoignage. Je voudrais profiter de ce lieu pour dire le peu d’estime dans lequel, avec sans doute beaucoup d’autres, je tiens ce monde de l’Argent, et tous ceux, notamment les politiques, qui le courtisent.Par ailleurs s’ouvre le troisième procès d’Yvan Colonna. C’est une grande joie pour moi, qui dans des blogs antérieurs, ai défendu, arguments à l’appui, l’innocence de cet homme. Ma thèse est la suivante : La Corse, à l’instar de la Nouvelle Calédonie à laquelle le Traité de Matignon ouvre à l’autonomie, semble prendre le même chemin. Cette voie ne plait pas à certains personnages politiques de droite qui, pour casser le processus, organisent l’assassinat d’un préfet, Monsieur Erignac. Il suffira de faire ensuite porter le chapeau par un brave homme connu pour ses sympathies indépendantistes. Aussi, je voudrais proposer un texte.Un texte qui n’est pas de l’information. Qui n’est que « pure » fiction. Une simple nouvelle, violente, qui décrit à travers le témoignage d’un de ces voyous en col blanc - ça existe - comment peut se monter une entourloupe.Je pourrais, selon la formule classique, prétendre que « Toute ressemblance avec des personnes existantes … », le lecteur ne me croirait pas, et il aurait raison. Et pourtant ce texte n’est que pure fiction, simple fruit de l’imagination d’une personne outrée par ce qu’il pense être une machination qui a déshonoré un innocent, condamné par le ministre de l’Intérieur de l’époque (« on a arrêté l’assassin du préfet ! ») avant même d’être jugé.Voici le texte en question, écrit comme bien d’autres, depuis un certain temps. Je l’ai intitulé : « Pour l’amour d’une belle italienne » Voilà trois mois de cela, confortablement installé dans le baquet du pilote, je caressais des yeux, des mains, de tout mon corps, ce qui avait été mon rêve, et qui, là, aujourd’hui, était réalité : MA Lamborghini Gallardo Superleggera LP570-4. Une merveille ! Ma merveille !Tout enfant déjà, je rêvais de posséder un tel engin. Allez savoir pourquoi.J’étais venu tôt le matin prendre livraison du joyau. Lors des jours précédents, comme un vulgaire maquignon exhibant la denture de son canasson, comme une mère maquerelle déshabillant une fille pour la vendre au client, le concessionnaire de la prestigieuse marque m’avait vanté la « marchandise ». Il avait tenté d’attirer mon attention sur les performances de la bête, sur les aspects techniques, peu soucieux de savoir que tout ça, je le savais déjà. Or si bien sûr ces qualités comptaient, là pour moi n’était pas l’essentiel. Avait-il peur de perdre un client potentiel ? Ou bien, impressionné par cet homme qui pouvait se permettre un tel achat, tentait-il de compenser par l’étalage de son savoir de spécialiste la maigreur de son compte bancaire ? En fait, son baratin m’aurait fait fuir, si mon choix n’avait été arrêté bien avant que ce piètre produit d’une école de commerce n’ouvre la bouche. J’avais eu tant de mal à supporter le bonhomme et son discours oiseux que, dans les conditions d’achat, j’avais stipulé d’être laissé seul lors de la livraison. Un lieu me fut indiqué, près d’une piste d’essai.Et ce petit matin-là, à l’heure convenue, un mécano que je ne connaissais pas, me fit entrer dans une grande pièce encore sombre. Il éclaira. Et là, ô merveille, je me suis trouvé seul face au rutilant objet de tous mes désirs.Subjugué, fasciné.Je suis resté là, planté, un temps indéfini. N’en croyant pas mes yeux. Chose ?

Machine ?

Etre ?

Loulou !Ça avait jailli comme ça !Ainsi tel était le nom sacré, secret, de ma nouvelle passion. Le nom qui, soudainement, sans préméditation, s’est imposé à moi. Loulou ! En fait, je compris de suite. « Loulou », c’est ainsi que m’appelait ma première et seule vraie amoureuse. Mais quand je pense à elle, c’est « Loulou » qui me vient, comme si ce petit nom doux qui m’était destiné était en fait le sien. Le sien ? Le mien ? Ses lèvres, nos lèvres, son sourire. Loulou ! « Bonjour, Loulou ! »Et je tombai à genoux.Ma vision latérale me révéla des badauds, dehors, à peine visibles dans la lumière naissante du petit matin, attirés par la grande vitrine et son objet mythique. Ils me voyaient dans cette humble position que des fidèles adoptent. Je me baissai alors, regardant sous les jupes, pour faire croire à un geste technique. Je me relevai et lentement, me suis mis en mouvement. A distance, respectueusement, je fis le tour de Loulou, admirant sa beauté, la pureté de ses lignes.Et puis enfin j’osai.Je posai sur elle une main délicate. Une caresse. Puis une autre. Et lorsque j’ouvris la portière, j’eus le sentiment que Loulou n’avait attendu que moi, qu’elle me tendait les bras et enfin m’accueillait. Je pénétrai, timide, dans son intimité. Confortable. Moelleuse. Magique. Mon corps se lova dans la coque soyeuse, y trouvant sa place de tout temps préparée. Je baignai dans un parfum de rêve, irréel. Heureux comme jamais. Je tirai sur les deux sangles de sécurité qui, une sur chaque épaule, me collaient à mon siège, tel un pilote d’avion de chasse.Les mains posées sur le petit volant sportif, gainé de cuir souple, je pris possession du cockpit : tableau de bord dessiné par Vinci, cadrans agréablement lumineux, boutons et manettes facilement accessibles, de la pure harmonie. Je sortis alors de la poche de mon gilet une clé de contact prestigieuse, chef d’œuvre d’Alexander Amosu, portant le logo Lamborghini (un losange et non plus le fameux taureau) incrusté de 183 diamants, un gadget de 7.000 euros, s’il vous plait ! Je fis délicatement pénétré mon bijou dans l’orifice ad hoc de Loulou. Je dus baisser la vitre pour percevoir le doux murmure de ma belle. Une légère pression sur l’accélérateur. Elle chantonna. Un large panneau vitré s’effaça devant nous, nous ouvrant la piste. Le mécano nous salua d’une élégante révérence. Loulou et moi nous élancèrent.Je n’avais jamais connu un tel sentiment de plénitude. Et pourtant j’ai parcouru le monde, ai traversé des paysages grandioses, ai contemplé des monuments de toute beauté, ai rencontré des personnages fascinants, ai aimé des femmes merveilleuses, mais rien de tout cela n’était comparable à ma rencontre avec ce pur chef d’œuvre. Cette merveille condensait la fine pointe de la technologie sous une robe de la plus haute-couture. Elle représentait l’aboutissement de l’intelligence, de la passion, du génie, de toute l’Humanité.Un régal ! L’assomption du sublime.Vous qui vous délectez du reflet né de la trace de la gouge qu’a manié l’artisan voilà trois siècles et demi, vous qui êtes fasciné par ce flot de couleurs que déverse sur vous un vitrail de Chartres, vous qui saluez l’amour de la belle ouvrage que laisse les hommes à travers leurs objets, alors oui vous comprendrez le ravissement qui me saisit dans mon union avec Loulou …Mais ce grand bonheur ne m’était pas tombé du ciel gratuitement. Il ne m’avait été offert par personne d’autre que par moi-même. Pas de papa richissime, pas d’héritière séduite, non, rien que mon savoir faire et mon savoir écrire.J’avais reçu le prix international du journalisme d’investigation.Ça, et d’autres choses, me permirent de m’offrir ce cadeau.J’étais déjà bien connu dans le milieu journalistique. Certaines de mes enquêtes avaient révélé au grand public des aspects peu ragoutants de l’histoire humaine. Ainsi la pédophilie. J’ai très tôt senti que ce thème était porteur. Qu’il attirerait le public, friand de ce type de perversité, et qu’il pourrait s’en rassasier en voyeur, feignant de s’en choquer. Je me suis glissé dans ce créneau. Mon intuition était la bonne. J’ai découvert des histoires à faire frémir. Du gâteau ! La pédophilie que j’ai rencontrée en premier était bête et méchante : ces petits, garçons ou filles, vendus par leurs parents, ou volés, maltraités, violés, voire tués. Spectacle grossier, brut, condamnable. Et le pire, peut-être, celui où la pédophilie est imposée par ceux-là mêmes en lesquels les fidèles placent leur confiance : les prêtres catholiques. La perversion à l’état pur, si je puis dire ! C’était l’image de la pédophilie que j’avais au départ, celle qui est livrée en pâture au grand public et que je ne faisais que confirmer.Or cette image abjecte m’est apparue comme la diversion du prestidigitateur qui fixe l’attention sur un point et empêche de voir ailleurs.Car j’ai découvert une autre image de la pédophilie, totalement différente, celle-là, lissée et policée, dont l’abjection dépasse l’imagination, et qui me révéla l’essence du fonctionnement occulte de nos sociétés, une des origines de ce qu’on appelle « la crise économique ».Je découvris qu’on dévoyait de tout jeunes gens, des garçons et des filles, en les dressant à prendre du plaisir à jouer avec le désir pervers des adultes. Les organisateurs de ces échanges formaient méthodiquement des jeunes à s’adonner avec des adultes à des jeux sexuels qui avaient l’apparence d’une grande liberté, de beaucoup de délicatesse et d’élégance. Moi qui, en tant que professionnel, croyais avoir vu le pire des horreurs sur des champs de bataille, n’avais jamais imaginé qu’on pût les dépasser ainsi. Je fis alors un reportage sur ce milieu mondain et ses perversions.Ce que je découvris me laissa ébahi :Les salons parisiens de tout milieu, affaires, finance, science, université, bâtiment, haute technologie…organisaient tout à fait couramment des rencontres qu’animaient donc à leur façon de très jeunes gens, filles ou garçons. Ces jeunes gens se montraient très entreprenants, possédant une science des plaisirs érotiques qui stupéfiaient les adultes. Ils savaient mettre à l’aise les nouveaux venus, de hauts personnages qui, s’ils régnaient sans partage dans leur domaine respectif, se montraient ici d’abord timorés, inhibés, honteux. Certains, même, ne pouvaient supporter l’aisance de ces tout jeunes gens, n’osaient pas s’en dire scandalisés et disparaissaient discrètement. Mais, la plupart du temps ils revenaient, trop tentés, pour, finalement, se lancer à corps perdu dans le stupre. Encouragés par leurs « parrains ou marraines », ils s’adonnaient sans réserve à cette révélation qu’étaient pour eux le sexe, et, rapidement, ne pouvaient plus s’en passer. Ils devenaient aussi dépendants de ces jeux que l’aurait fait la drogue, et se livraient à la merci des organisateurs. Les conséquences de cette addiction étaient faciles à imaginer. J’eus alors l’idée d’enquêter du côté des jeunes gens. La plupart venaient de milieux cultivés et friqués et partageaient une histoire assez proche : celle d’une mère, désœuvrée et souvent délaissée, qui reportait son affection sur son enfant, le choyant comme le ferait une maitresse, et se laissant choyer, exprimant sans retenue le plaisir que des gestes intimes pouvaient lui procurer. Souvent, le père, ou un proche parent, se joignait à ces jeux pervers et en peaufinait l’apprentissage. Ainsi les enfants, filles autant que garçons, et quelquefois les deux ensemble, devenaient experts dans cet art du sexe et le pratiquaient sans le moindre soupçon de culpabilité. N’était-ce pas le nec plus ultra de l’amour filial ? Quoi de plus naturel que de faire vibrer son corps, et de conduire le partenaire vers les mêmes sommets ? De fait, cette philosophie s’exposait autour d’une tasse de thé, convaincante, et exigeait à être rapidement vérifiée. Dépassant le cercle familial, elle encourageait les échanges, affinait les techniques, décuplait le plaisir. S’était formée ainsi une sorte d’académie savante qui, consciente de son potentiel, avait l’idée de le rentabiliser : Tous ces messieurs coincés, et tellement sérieux, frappés de cette myopie professionnelle qui les empêche de voir que la vie existe en dehors de leur spécialité, ne pourraient-ils bénéficier de cette science du plaisir ?Et c’est ainsi qu’une clientèle masculine, une élite, angoissée tout d’abord, émerveillée ensuite, s’ouvrait avec délice à la sexualité.Je découvrais, stupéfait, que cette Académie des Sens, comme elle s’était nommée, ne venait pas de naître mais qu’elle existait belle et bien depuis des générations. D’où ma question :Que devenaient donc ces tout jeunes gens avec l’âge ? N’étaient-ils pas définitivement abimés par ce qu’il faut reconnaître comme étant de la prostitution ? Des silences gênés me laissèrent percevoir que parmi tous ces enfants détournés d’une enfance innocente, beaucoup se trouvaient totalement déboussolés et grandissaient plutôt mal, souvent dramatiquement mal.Mais c’est alors que je fis une découverte inouïe : non seulement les jeunes gens, garçons ou filles, qui avaient survécu à un tel traitement n’étaient pas « abimés » ainsi que je le craignais, mais ils semblaient parfaitement heureux, épanouis. Très tôt ils avaient découvert leur extraordinaire pouvoir sur les adultes et la faiblesse de ceux-ci, quels qu’ils soient, qu’ils menaient par le bout du nez. Devenus adultes, ils n’étaient impressionnés par personne. C’est ainsi qu’ils jouissaient de statuts sociaux enviables. D’une part, leur activité leur avait permis de connaitre tant de personnes influentes qu’ils n’avaient aucune difficulté à se trouver à un poste de grande responsabilité, et d’autre part, et j’allais dire surtout, ils jouissaient d’une telle aisance, d’une telle liberté de pensée, d’expression, d’imagination qu’aucune trace de principes moraux ne freinaient, qu’ils excellaient dans le domaine qui devenait le leur. Et comme ils avaient gardé de leur jeunesse le goût immodéré du pouvoir, et donc de l’argent, beaucoup de ces jeunes gens se retrouvaient notamment dans la haute-finance. Et, comme la concurrence à ces niveaux était féroce, c’était eux qui détenaient pratiquement tous les postes-clés. Si bien que l’économie des pays occidentaux reposait dans les mains d’une société parallèle, dont les règles de fonctionnement n’avait strictement rien avoir avec celles, rigoureuses, pour ne pas dire ringardes, des gens « de bonne famille » à la morale étriquée que renforçait la formation obsolète dispensée dans les « grandes » écoles.Ainsi une véritable armée dirigeait dans l’ombre la finance mondiale. Elle était d’autant plus compétente et efficace qu’aucun scrupule moral ne limitait son action et que seuls l’appétit du pouvoir et l’amour de l’argent stimulaient. Mais en définitive, c’est toute une lignée de femmes, des plus jeunes mères aux douairières chevronnées qui gérait le système. Cela permettait aux plus jeunes d’entre elles d’accepter de jouer les potiches et d’être le faire-valoir de maris impuissants et imbus d’eux-mêmes, et aux plus âgées de veiller à l’intérêt de leur rejeton en rappelant aux théoriquement puissants leur rôle d’exécutants.Autrement dit, les 90 % des citoyens du monde occidental qui se tuaient au travail à ramasser quelques sous pour vite les dépenser et confier à des institutions le surplus de leur gain, créaient une masse d’argent que gérait un petit peuple aussi différent d’eux que pouvaient l’être Arapêshs et Mundugumors. Ces 10% richissimes jouissaient, en plus des vertus de leur état, de la subtile satisfaction de s’assurer du bon fonctionnement du troupeau. Les grecs, les anciens bien sûr, dans leur grande sagesse, avaient inventé le Panthéon. Des mères avisées avaient réalisé leur rêve.Telle fut ma découverte.Je m’en ouvris à mon patron, qui, en plus de la presse, gérait bien d’autres affaires. Pour illustrer mon propos, je m’étais fait accompagner par deux de ces tout jeunes gens, ignorant qu’ils étaient pour lui de vieilles connaissances. J’appris ainsi que mon patron faisait partie, quasiment depuis sa naissance, de l’Académie des sens.Je publiai ma découverte qui ne se limitait pas au territoire national, ou même européen. Les USA possédaient eux-aussi leur toute-puissante Académie des sens. Le scandale explosa dans ce pays si prude, et très curieusement fit passer les révélations pédérastiques de l’Eglise catholique pour distractions d’enfants de chœur. En France aussi, la mise à nu du fonctionnement de notre économie créa un choc dont mon patron fit en partie les frais. A moi le Prix, à lui la prison. A la suite de mon prix, m’arriva une autre source de revenu.J’étais à mon bureau et parcourais la presse lorsque j’entendis cette information ahurissante : Sapé, le chef des parlementaires de la majorité, venait d’être assassiné. Pour une nouvelle, c’en était une ! Quelle histoire ! Quels remous politiques allaient-ils en découler. Quel sens avait donc cet assassinat ? On avait bien senti que la Droite partait en morceaux, son apparente unité se défaire, les clans se recomposer. Cette disparition était-elle liée à ce délitement, ou n’était-ce qu’un crime crapuleux ? Je faisais le tour des réponses possibles lorsque je reçus un coup de fil. C’était l’Elysée qui, s’assurant de ma présence, me demandait de ne pas bouger de là. J’attendis donc.Je vis arriver en bas de chez moi tout un troupeau de motards, de longues berlines noires. On sonna. Le Président en personne venait me rendre visite. L’accompagnaient d’autres officiels que je reconnus de suite, et quelques collègues journalistes, notamment photographes.« Vous êtes au courant de la nouvelle ! » me demanda le Président. « Je suis là pour vous proposer solennellement, à vous qui êtes connu pour la qualité de vos investigations, de rendre un immense service à la Nation : trouvez-moi l’assassin de Sapé ! Je vous nomme « préfet extraordinaire » à effet immédiat, et met à votre disposition la police et tous les moyens nécessaires. Vous avez carte blanche. Je compte sur vous. »Le Président parti, je restai là, tout bête !Peu de temps après, au JT de midi, le Président prit exceptionnellement la parole pour présenter les condoléances de la Nation à la famille de la victime, dire son indignation, et annoncer la nomination d’un préfet extraordinaire chargé de démasquer l’assassin, moi en l’occurrence, photos à l’appui. Je pris contact avec l’Elysée, puis avec le Ministère de l’Intérieur, et me mis de suite au travail.Je commençai par me rendre en Province, sur les lieux de l’assassinat et rencontrai l’équipe de la Gendarmerie chargée de l’enquête. Elle disposait d’un savoir faire et de moyens scientifiques impressionnants. Ils m’avouèrent ne disposer que de très peu d’indices, ce qui leur laissait à penser qu’il ne s’agissait pas d’un crime de rodeur ou de petit malfrat, mais bien d’œuvre d’un professionnel. Sapé avait été exécuté d’une seule balle dans la nuque, très proprement, sans aucune trace de bagarre, ce qui pouvait signifier ou qu’il n’avait pas vu venir son assassin, ou qu’il connaissait ce dernier et n’avait aucune raison de se méfier. Il sortait d’une réunion du Conseil municipal qu’il avait présidé en tant que maire et rentrait chez lui, apparemment seul, vers 23 heures trente. Je décidai d’aller rendre visite à son épouse.Je fus surpris d’être face à une toute jeune femme, très belle, d’origine étrangère. Elle ne réalisait manifestement pas encore la disparition de son mari. Elle ne comprenait pas qui pouvait avoir commis ce crime, elle ne lui connaissait pas d’ennemi. Des adversaires politiques, oui. L’opposition était forte et bien organisée mais en restait au combat des idées et ne serait jamais intervenue de cette manière.Je retrouvai les enquêteurs. Ils me confirmèrent l’ambiance de la ville. Le maire était apprécié quoique rencontrant une opposition de plus en plus forte. Il n’était pas dit qu’aux prochaines élections, la municipalité ne changerait pas de couleur. Mais les échanges entre élus restaient courtois, et les partis politiques, même très à gauche, se montraient corrects. Les gendarmes ne voyait pas qui dans le pays aurait pu ou désiré faire disparaître un homme dont l’audience nationale était utile à la ville et qui serait peut-être promis à un avenir encore plus brillant : on parlait « présidence de la République ».Sur le plan personnel, peut-être y aurait-il une piste : l’homme avait beaucoup de succès auprès des femmes, et avait dû divorcer. Vite remarié, il ne dédaignait pas d’éventuelles aventures. Sa nouvelle femme étant d’un autre milieu culturel que le sien, peut-être qu’une relative infidélité n’était pas apprécié chez eux de la même manière que chez nous. Ça mériterait examen. Mise en examen ? Peut-être. Pourquoi pas ! Et c’est ainsi que je me retrouvai chez l’épouse éplorée. Elle nia d’abord farouchement toute relation extraconjugale chez son mari, puis admit qu’elle avait des soupçons, mais n’en avait parlé à personne, surtout pas à sa famille. Celle-ci se conformait à des principes moraux très stricts. Je priai donc les gendarmes d’enquêter discrètement de ce côté.Au plan national, l’émotion était toute autre. Alors que la Gauche assistait, amusée, au remue-ménage provoqué par l’assassinat de Sapé, la Droite se déchirait, s’accusant de manœuvres, voire du crime. C’est vrai que Sapé était influent et semblait avoir pris de très nettes distances avec le Président et le Gouvernement, profitant de son statut de chef de file des députés de la Majorité pour créer un courant de plus en plus autonome. Il ne s’était plus caché de viser l’Elysée. D’ici à imaginer que le Président était le commanditaire de l’assassinat, il n’y avait qu’un pas que certains chroniqueurs paraissaient prêts à franchir, mais d’autres désignaient certains politiques auxquels le crime profiterait égalementPour ma part, je décidai de creuser la piste locale d’une jalousie domestique. Je fis venir la PJ. Ça n’est pas que les gendarmes étaient incompétents, non, au contraire, mais je les trouvai tout simplement trop réglo. Eux et leurs principes ! Je les envoyai se balader dans la nature, avec leurs chiens, chercher d’éventuelles douilles, quelque vêtement souillé. Bien sûr ils ne trouvèrent rien, si ce n’est le corps d’une gamine disparue depuis deux ans.Je fis mettre l’épouse en examen. Elle était très mignonne. Avec un de ces petits culs ! Les glaces sans tain, c’est quand même bien pratique ! On pratiqua fouilles au corps, perquisitions, arrestations, mises en examen. On chercha du côté de la drogue. On trouva trois chichons ! Quant aux armes, pas même un pistolet à bouchon ! Ça ne donnait rien, si ce n’est de pourrir l’ambiance de la ville. Les politiques, élus ou pas, les associations, les curés, les enseignants, même les simples péquins, tous s’y mettaient, y allaient de leurs commentaires, déversèrent leur fiel sur nous. Finalement, c’est avec soulagement que la PJ et moi, nous pliâmes bagage. Les gendarmes quant à eux, bien obligés, restèrent, mais la population eut vite fait d’en faire leurs héros, d’autant plus qu’ils avaient résolu l’énigme de la fille disparue en en découvrant le meurtrier. Eux !Sapé eut droit à un très bel enterrement, avec honneurs nationaux et tout le tralala. J’usai de beaucoup de diplomatie pour convaincre la jeune épouse d’en être. Le Président et son Gouvernement y était au complet. Le Président se fendit d’un discours très émouvant. Il y alla même de sa larme. Et puis, le temps passa, cédant les « une » à d’autres affaires. Sapé disparut de l’actualité et moi quittai mes fonctions de « préfet extraordinaire ».

On ne sut jamais rien de l’assassin.

« On » ? Quasiment personne. A part nous deux, le Président et moi.C’est vrai que je n’ai pas commencé mon récit par son commencement.J’aurais dû vous expliquer qu’un jour, après la remise de mon prix, j’ai été convoqué par pli spécial remis en mains propres, les miennes, à l’Elysée. Moi qui rêvais de franchir le grand portail, de monter l’escalier monumental qu’on voit à la télé, dus passer par une petite porte, quasiment incognito. Un petit homme gris dont je ne vis que le dos, me conduisit à travers de longs couloirs étroits, à peine éclairés, et me fit entrer dans une petite salle sans fenêtre, et sans mobilier digne de ce nom. Il me planta là en me disant d’attendre. J’attendis. Pas de revues à lire, pas même le journal officiel. Une heure. La porte s’ouvrit sur un autre petit homme, en noir celui-là que je ne reconnus d’abord pas, et pourtant c’était Lui. « Je vous connais bien, sinon, vous ne seriez pas ici, et je connais pas mal de choses sur vous, des pas très très jolies, par exemple la manière dont vous avez doublement piégé votre patron, qui était un ami. Et d’autres choses encore. En voulez-vous la liste ? Tenez, jetez un coup d’œil là-dessus ! …Voici quelques photos extraites de vidéos où l’on voit que, lors de votre enquête sur la pédophilie, vous avez poussé la conscience professionnelle jusqu’à payer de votre personne. » Evidemment ! « Mais j’ai besoin de vous. Je vous sais très habile. Vous avez fait partie du Service Action du SDEC, entrainé à Cercottes. Commando ! Je me trompe ? Vous allez travailler pour moi, c'est-à-dire pour la France. Vous serez grassement dédommagé. Un million avant, un million après, sur un compte numéroté en Suisse. Personne en dehors de nous deux en saura quelque chose.Votre réponse ?Je pensai alors à ma future Lamborghini Gallardo Superleggerra LP570-4. 570 chevaux !« C’est oui ! »« Vous connaissez Sapé ? Il me gêne beaucoup et je dois aller vite. Il s’apprête à me jouer un sale tour. Alors, pas le choix ! Proprement, évidemment ! Un détail encore. Il y aura enquête. Je vous la confierai, à vous, spécialement. Pour la Suisse, voici les renseignements. » Il me remit une enveloppe et me serra la main, fermement. « Merci ». Il disparut. Le petit homme gris vint me chercher. Je ne vis que son dos. Depuis, Loulou et moi, coulons des kilomètres de bonheur.Et comme un bonheur ne vient jamais seul, j’apprends que le Président me fait « chevalier de la Légion d’Honneur ». C’est-y pas beau, ça !

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