Le voyou de la République

Lorsque, dans « Marianne », J.F.Kahn a qualifié l’actuel président de la République Française de « voyou », il ne faisait là que son métier de journaliste. Il relatait un fait, établissait un constat : le chef de l’Etat profite de son statut pour se comporter en chef de bande et pousser au crime ses nervis.Et le truand vient de récidiver : lorsqu’il invective un juge qui s’est permis de « relâcher un malfaiteur que la police a eu tant de mal à intercepter » alors que, selon les spécialistes et ses pairs, ce magistrat n’a fait qu’appliquer la loi, il outrepasse son rôle et tente de monter les policiers contre les magistrats. Il essaie d’opposer deux corps d’Etat dont le rôle est normalement complémentaire. Certes, le procédé n’est pas nouveau et ça marche.Souvenons-nous de l’assassinat du Juge Jean-François Renaud tué à Lyon le 3 juillet 1975, dont l’activité gênait pas mal de beau monde. Les exécutants et les commanditaires n’ont jamais été découverts. C’était à l’époque héroïque du SAC (Service d’Action Civique) dont le parrain de Sarkozy, Pasqua, était un membre éminent et où grand banditisme, politiciens et policiers semblaient faire bon ménage.Que cherche donc Sarkozy en semant la zizanie si ce n’est à créer un sentiment d’insécurité généralisé, car l’insécurité, ça paie. La masse des petites vieilles et petits vieux dont je suis se savent physiquement affaiblis et démunis dans un monde en mouvement, or elle représente un vivier de voix qu’il est facile de rafler. Il suffit de répandre l’idée d’un pays dangereux, et de jouer de temps à autre les pyromanes pour en ratisser les suffrages. Avec un vieil homme providentiellement tabassé exhibé avant le premier tour des élections présidentielles, ça avait marché.Une autre masse de voix à capter, c’est celle des petites gens dont la survie est la hantise quotidienne. Certes, les évènements sportifs, les courses, le loto lui accordent quelques bouffées d’espérance, sinon ce serait le suicide. Mais désigner constamment à ce petit peuple l’Autre, celui, celle qui est différent, comme la cause de leur misère, « ceux qui mangent le pain des français » dirait Fernand Raynaud, les voleurs de poules, les basanés, les petits délinquants, ça fait oublier le scandale du bouclier fiscal, des grands voleurs à col blanc.Seulement voilà, trop c’est trop, et, sous la pression de la culture du résultat imposée par Sarkozy au détriment du travail bien fait, les forces de l’ordre expriment ça et là leur ras le bol. Un article de « rue89 » raconte l’épidémie frappant la compagnie de CRS de Carcassonne, jetant d’un seul coup en arrêt maladie 48 hommes. Intoxication alimentaire ? Même pas ! Non, ces CRS sont atteints de « bâtonite aigue ». Ils souffrent de l’alternance bâton/carotte imposée par leur hiérarchie, et de la consigne de manier eux-mêmes le bâton avec plus de conviction. La même chose était arrivée récemment à une compagnie de CRS en détachement à Bordeaux et qui avaient eu le toupet de vivre deux journées sans infliger aucune amende !Sans oublier le malaise que connaît la gendarmerie de se voir transformer en garde-champêtre.Et caetera…Peut-être alors que le salut viendra d’un sursaut de la part des différents acteurs de la vie publique. Que comprenant le piège que leur tend Sarkozy en tentant de les opposer, policiers et magistrats, élèves, parents et enseignants et toutes les forces vives du Pays redécouvriront l’intérêt de travailler ensemble. Fraternité ?Vœu pieux ? Peut-être, mais n’est-ce pas ainsi que devrait fonctionner une démocratie ?