Il n’était pas question pour moi de rater ce soir l’émission sur ARTE qui abordait le mythique « Jardin des délices ».
Ayant travaillé à un roman sur la vie de Descartes, roman dans lequel je fais jouer au « jardin des délices » un rôle essentiel, j’ai passé des journées entières en compagnie du fameux triptyque, du moins d’une copie sur Internet qui permet d’examiner chaque détail à la loupe. Inutile de préciser que j’ai été envoûté par ce chef-d’œuvre comme toute personne qui a la chance de le contempler.
En fait, je voulais savoir ce soir si ce documentaire abordait un détail minuscule que j’avais observé et qui me parait essentiel, susceptible d’apporter un éclairage nouveau sur l’ensemble de l’œuvre.
Or ce détail je ne l’ai vu mentionné nulle part mais peut-être n’ai-je pas assez consulté d’ouvrages spécialisés, et pas davantage dans ce documentaire. Le fait que ce détail se situe sur le panneau de gauche du triptyque ouvert qui est précisément celui qui accroche le moins l’observateur, ainsi que le documentaire le souligne, peut expliquer pourquoi ce détail est passé inaperçu.
Voici donc le détail.
Le premier volet du triptyque est perçu comme étant celui décrivant l’instant où, sur fond de paradis terrestre, le Créateur, père ou fils, ou les deux, met au monde le premier couple d’humains, classiquement nommé Adam et Eve. Le Créateur trône debout entre ses deux toutes récentes créatures. A sa droite, est assis sur le gazon paradisiaque, Adam, qui semble fasciné par son dieu. A la gauche de celui-ci, Eve, les deux genoux à terre et les yeux modestement baissés, se laisse prendre le pouls par son seigneur et maître. Tableau véritablement idyllique, du moins apparemment.
En fait, pas plus tôt créé qu’Adam tombe amoureux de dieu et le lui fait savoir en posant discrètement son pied sur les orteils du divin créateur. Ainsi, comme si de rien n’était, Adam « fait du pied » à dieu, autrement dit le drague. Et, en fin prestidigitateur, dieu, ravi, mine de rien, fait diversion en captant les yeux des spectateurs que nous, les descendants de ce couple sommes.
Autrement dit, à l’instant même de sa création, Eve est trompée par ce couple incestueux. Ce mensonge va marquer à jamais l’espèce humaine. S’ouvre pour l’Humanité une ère de folie douce ou terriblement cruelle ainsi que les deux autres tableaux l’illustrent.
Là est le péché originels semble nous suggérer Jérôme Bosch.
La femme, dès le départ, est bafouée. Il suffira pour masquer leur tromperie qu’ils inventent à travers les écritures, la légende d’une Eve perverse comme toutes ses descendantes.
Ne serait-ce pas là un des messages de Jérôme Bosch et la raison de son triptyque ?